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Le rideau est tombé pour Harold Pinter, l’éternel rebelle Edgar DAVIDIAN

Du théâtre au cinéma en passant par la télévision, la radio et les combats politiques, Harold Pinter a traqué surtout l’incompréhension, l’intolérance, l’absurde. Par-delà un verbe acide et nerveux, pour une vérité toujours fuyante, il y a surtout cet art suprême où les silences ont les plus étonnantes éloquences… Né à Londres en 1930, Harold Pinter, dramaturge et scénariste adulé par la presse et le public (mais aussi personnage controversé pour ses frasques et ses positions politiques), détenteur du prix Nobel 2005 de littérature, vient de s’éteindre, à la veille de Noël, en ce 24 décembre 2008. Une mort à la dimension de ses pièces hantées par le mystère et habitées d’un cynisme ombrageux et noir…La maladie (un cancer à l’œsophage) le talonnait déjà depuis un bout de temps mais sans jamais vaincre sa véhémence à tous les combats. Combats politiques contre Tony Blair, contre la guerre d’Irak, contre la guerre au Kosovo, toujours pour les droits de l’homme, mais aussi combats littéraires pour l’émergence d’une écriture différente, moins compassée, plus proche de la réalité, même si elle est complexe et pavée d’embûches! Combats d’un homme de lettres qui s’est créé une voix et l’a imposée aux gens du théâtre, aussi bien du côté des acteurs que des spectateurs… Cela remonte à 1957, à la création de The room (La chambre) une pièce en un acte, écrite en quatre jours, pour les universitaires de Bristol. Succès certes, mais aussi surprise d’un style, d’un ton, d’une atmosphère, d’une brochette de personnages qui tranchent avec tout ce qui se dit devant les feux de la rampe…Modernité tout en gardant les liens avec les traditions pour cet acteur (nom de scène David Baron !) révolté contre toute sorte de fascisme et antimilitariste… Et s’égrène alors le chapelet pour ce fils de tailleur juif de l’East End qui se faisait la main dès treize ans à l’écriture en s’inspirant des poèmes placés sous le signe de Dylan Thomas. The dumb waiter (Le monte-charge) et The birthday party (L’anniversaire) n’ont pas été tout de suite applaudis par le public. La seconde pièce fut même un four, un échec total, à Londres. C’est avec The caretaker (Le gardien) que la renommée de Pinter s’impose et il est courtisé dès lors brusquement par la télé et la radio. Mais aussi le cinéma qui lui offre, avec Joseph Losey, la possibilité de signer des scénarios de grande qualité pour des films qui ont marqué leur époque. On cite volontiers The servant, Accident et The go between (Le messager) où Dirk Bogart, Julie Christie, Alan Bates, Michael York , Jacqueline Sassard et bien d’autres acteurs se sont illustrés dans des rôles que les cinéphiles gardent précieusement en mémoire pour leur surprenante beauté. Sans oublier aussi qu’il a signé le scénario de La maîtresse du lieutenant français avec Meryl Streep et Jeremy Irons ainsi que récemment, c’est-à-dire en 2007, Sleuth (Le limier) avec Jude Law et Michael Caine. Pour ce brillant dramaturge anglais et pilier de la littérature britannique, l’écriture aura été le tremplin pour une expression franche et abrupte. « Je ne cherche pas l’universalité. J’ai assez à faire pour écrire une foutue pièce de théâtre. » dit-il, sans mettre des gants, à ses interlocuteurs toujours interloqués par ses réponses ! Éternel rebelle, Harold Pinter a laissé derrière lui une œuvre considérable. Plus de trente pièces de théâtre, des films, des mises en scène et cette plaquette de poésie intitulé War (Guerre). Décédé à 78 ans, cet auteur usant avec brio le langage quotidien n’a jamais décoléré. Fortement marquée par Kafka, Genet et Ionesco, son œuvre est faite de personnages en quête d’une identité. Vainement. Avec des accents pirandelliens, on retrouve dans The collection (La collection) The lover (L’amant), The Home-coming (Le retour), Old Times (C’était hier) cette trace des êtres en mal de vivre et toujours en quête de vérité. Une vérité fuyante comme du mercure dès qu’on la touche du bout des doigts… Pour cet univers souvent clos et sous menaces inexplicables et irraisonnées, régi souvent par une sorte d’indomptable hystérie, un langage singulier, particulier, presque haletant et décousu. Des radotages, des redites, des méprises, la vulgarité parfois des termes argotiques et surtout cet art du silence. Pour certains mêmes, il s’agissait là d’une véritable science des silences. Une science que Harold Pinter a apprise, dit-il, dans son métier d’acteur… On l’a toujours su, le non-dit peut être parfois plus porteur de message que ce qui est clair et transparent… Harold Pinter a toujours opté pour une intensité du mystère et une émotion tragique. Mais un humour grinçant surgit des interstices de ces phrases lapidaires, courtes, inquiétantes, surréelles à force de réalisme. Jamais le théâtre de l’absurde n’a atteint ce paroxysme de force dramaturgique, d’intensité d’émotion et d’une sorte de fantastique où règne pourtant le vocabulaire le plus banal, le plus prosaïque autant que sous la plume de Harold Pinter, infatigable résistant de tout ordre établi (l’establishment lui faisait horreur) et courageux militant anti-impérialiste. Agitateur des consciences, provocateur, révolté, contestataire, innovateur ? Tout cela à la fois est Harold Pinter mais unanimement respecté car son œuvre se range parmi les classiques immortels et incontournables. Gloire aux antihéros de Harold Pinter dont les pièces, de plus en plus dépouillées et épurées, sont aujourd’hui les plus jouées au monde.
Du théâtre au cinéma en passant par la télévision, la radio et les combats politiques, Harold Pinter a traqué surtout l’incompréhension, l’intolérance, l’absurde.
Par-delà un verbe acide et nerveux, pour une vérité toujours fuyante, il y a surtout
cet art suprême où les silences ont les plus étonnantes éloquences…
Né à Londres en 1930, Harold Pinter,...