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Le Liban au cœur de l’Euro-Méditerranée de demain Antoine MESSARRA

Le « Forum du Sud pour une Méditerranée nouvelle », organisé à Tanger (Maroc) par l’Institut Amadeus les 26-28 novembre 2008, a groupé plus de 400 participants, ministres, anciens ministres, diplomates, entrepreneurs, acteurs de la société civile et membres de plus de cent institutions de plus de 30 pays, fournit des pistes pour la concrétisation du projet d’Union pour la Méditerranée. En réunissant des « faiseurs d’opinion et passeurs d’idées », l’Institut Amadeus, selon son président Brahim Fassi Fihri et les allocutions introductives, voudrait apporter la preuve « que l’UPM est en marche et que l’opérationnalité est la clé du succès, à travers des projets concrets et structurants pour relancer et ancrer le processus de Barcelone ». Dans cette perspective, il faudra que « les sociétés s’approprient cette initiative ». La séance inaugurale, avec notamment des allocutions du ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération, M. Taleb Fassi Fihri, et du ministre espagnol des Affaires étrangères, M. Miguel Angel Moratinos, définit, à partir du sommet de Paris pour la Méditerranée le 13 juillet 2008, les objectifs de la rencontre : « Intégration régionale et faire de la Méditerranée un espace de paix, de stabilité, de coopération et de prospérité. » À quelques mois après le sommet de l’Union pour la Méditerranée, tenu à Paris, plusieurs panels thématiques traitent les problèmes, divers et complémentaires, de la paix globale au Proche-Orient, de l’intégration, du codéveloppement à travers les opportunités d’affaires et d’investissements inexploités, de l’éducation, de la recherche, de la culture, de l’information, de l’environnement, de l’eau et de la coopération énergétique. Gangrène et spirale du P-O Il ressort des interventions et des débats de trois jours une conscience plus aiguë, de la « gangrène » au cœur de la Méditerranée, du fait que, après plus d’un demi-siècle, « les perspectives de règlement global du conflit israélo-arabe sont connues et mûries », mais pourtant « rien ne bouge et le conflit perdure ». On souligne que les règlements sectoriels et les violences épisodiques et en cascades alimentent le prolongement dans la durée, mais « génèrent tout autant des résistances légitimes, mais aussi des fanatismes et des extrémismes contagieux pour toute la zone euro-méditerranéenne ». Le diagnostic sur les clivages socio-économiques, les complémentarités inexploitées, les opportunités économiques et les besoins d’avenir permet de cibler les problèmes majeurs, les enjeux et le champ du possible. Dans l’espace euro-méditerranéen, une mémoire « lourde et fracturée » et le développement « prodigieux mais de plus en plus déboussolé et sans repère des savoirs » débouchent sur deux problématiques : quel savoir transmettre pour le développement euro-méditerranéen ? Quels sont aussi les véhicules de transmission du savoir, véhicules qui, surtout dans la rive est, sont bloqués malgré un patrimoine séculaire au point que le « savoir ne cumule pas et chaque génération s’engage dans un processus répétitif du passé ». L’éducation et la formation ont été un constant leitmotiv dans les différents panels thématiques. Le secrétaire général à la présidence du Conseil espagnol, Bernardino Léon, est catégorique, en martelant « l’éducation, l’éducation et encore l’éducation », du fait que « le grand succès de l’Asie et des pays de l’Amérique du Nord est dû essentiellement à la performance de leurs systèmes d’éducation ». Un élan nouveau Des pistes de projets et d’actions collectives se dégagent de ce vaste Forum qui a permis à des décideurs, acteurs et multiplicateurs de se rencontrer. Selon le président de l’Institut Amadeus, Brahim Fassi Fihri, « deux rives se rejoignent non pour se faire face, mais pour se rejoindre dans une union d’égaux ». On cite surtout un vieil ouvrage du grand économiste Keynes sur Les conséquences économiques de la paix. L’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hervé de Charrette, qui a eu un rôle pionnier dans les arrangements d’avril au Liban, souligne : « Ce que nous voyons aujourd’hui constitue un élan nouveau qui correspond à une volonté politique forte au Nord et au Sud. Nous qui avons les pieds dans l’eau (de la Méditerranée), nous avons à créer des pôles communs et partagés qui produisent des élites méditerranéennes. » Des interventions portent sur l’exploitation, la gestion et la « pédagogique de l’eau, problème multidimensionnel qui commence au foyer ». On propose notamment la « hiérarchisation de l’usage de l’eau » (agricole, industrielle, potable…), la tarification de l’eau pour « éviter des comportements asociaux en cas de gratuité ». En réponse à une observation sur la « guerre pour l’eau », on précise que « l’eau n’est pas une donnée politique : on n’a pas le droit de voler l’eau des autres, mais l’eau doit être un problème rassembleur, plutôt que diviseur ». On déplore dans les allocutions de synthèse et dans la Déclaration de Tanger que le processus de Barcelone de 1995 « n’a pas pu enrayer la spirale de violence au Proche-Orient ». La clôture du Forum coïncide avec la célébration, le 29 novembre, par la communauté internationale de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, dans un contexte marqué par le blocus et une catastrophe humanitaire. Aussi faudra-t-il « s’investir davantage pour la paix juste, globale et durable, lutter contre les intolérances, gérer la pluri-appartenance culturelle » en vue d’une « citoyenneté solidement enracinée dans son patrimoine culturel ». Tous ces défis sont liés à l’éducation, où « tout doit commencer et s’y investir ». Dans ce domaine, il faudra revenir à une « perspective humaniste de l’éducation qui donne la capacité de comprendre ». Il faudra aussi œuvrer pour la « correspondance entre culture et éducation ». *** Le Forum fut une occasion novatrice et pertinente pour penser des problèmes communs à l’échelle globale des 43 pays de l’Euro-Méditerranée, exercice qui contribue à forger une « citoyenneté entreprenante », une « communauté euro-méditerranéenne de la connaissance ». Ce fut aussi une occasion pour prendre conscience de la globalité et de la particularité des problèmes euro-méditerranéens, des approches ciblées sur le futur, le long terme et la globalité, mais avec des démarches graduées. Le défi économique et social est en effet considérable puisqu’il faudra créer 20 millions de nouveaux emplois. Pour tous les problèmes posés, dans un espace interdépendant et mondialisé, « la réponse ne peut être que collective ». Vous sentez surtout dans des rencontres internationales que le Liban, dont le rôle et le « message » reculent par suite d’agressions internes et externes, est fort présent dans la conscience des peuples à travers son élite intellectuelle et en tant qu’image d’une synthèse à sauvegarder et à promouvoir. Ce fut aussi un florilège de compliments et de satisfecit qui est déversé, avec authenticité, à l’égard du Maroc et de ses performances à la fois culturelles et socio-économiques. Le Liban de la convivialité et de la synthèse culturelle, menacé dans la pérennité de son expérience, est fortement présent. Aux Libanais qui risquent de l’oublier, des participants marocains et français rappellent le symbolique de la déesse Europe, partie des rivages de Tyr. Antoine MESSARRA Membre du Conseil consultatif de la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures Article paru le samedi 27 décembre 2008
Le « Forum du Sud pour une Méditerranée nouvelle », organisé à Tanger (Maroc) par l’Institut Amadeus les 26-28 novembre 2008, a groupé plus de 400 participants, ministres, anciens ministres, diplomates, entrepreneurs, acteurs de la société civile et membres de plus de cent institutions de plus de 30 pays, fournit des pistes pour la concrétisation du projet d’Union pour...