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Concert Ce piano à la magie immortelle… Edgar DAVIDIAN

Un très jeune virtuose du clavier, Karim Saïd, s’attaque avec talent aussi bien aux partitions de Beethoven qu’à celles de Schumann et Schoenberg. Belle conciliation de sons et intrépide traversée des siècles pour l’immortelle magie du piano. Dans le flonflon des fêtes qui avancent à grands pas, le piano garde son sang-froid et sa grande beauté sonore pour un moment majestueux et hors du temps. Dans le sillage des concerts de mardi soir organisés par le Conservatoire national supérieur de musique à l’amphithéâtre Aboukhater (USJ), un très jeune champion des touches d’ivoire a ravi l’auditoire par une prestation remarquable. Au menu, ambitieux, concis et éclectique, alliant accents romantiques et mesures modernes, des pages de Beethoven, Schoenberg et Schumann. Sous la flaque de lumière, en frac noir, chemise et nœud papillon blancs, Karim Saïd, à peine sorti de l’enfance. Un jeune homme qui a au bout des doigts une ébouriffante maturité pour un jeu (malgré quelques bavures ou précipitations !) que bien de « grands » envieraient… Ouverture avec le maître de Bonn. Quinze variations et une fugue sur un thème original en mi b majeur op 35, connu sous le titre de Eroica variations de Beethoven. La musique en ces pages houleuses et lumineuses à la fois a des emportements fougueux et d’insoupçonnables moments de rêverie. Paisibles et tendres rêveries à l’ombre de vigoureuses morsures d’accords nets et tranchants… Entre chromatismes perlés et grappes de notes opalescentes se joue toute l’émotion d’un musicien porté à la confidence, au lyrisme échevelé, à la puissance des grands sentiments et à un ténébreux et altier romantisme. Pour prendre le relais, le monde sonore de celui qui, tout en admirant Brahms, Mozart, Bach et Beethoven, a révolutionné la musique en mettant fin à trois siècles d’hégémonie du système tonal… Et bien entendu on parle d’Arnold Schoenberg, maître d’Anton Webern et Alban Berg, dont on écoute ici trois Klavierstûcke op 11. Phrases abruptes, silences obstinés, ruptures de tons, allure mécanisée et mécanique des sons vidés de leur chair… Originale approche du clavier par le père de la musique dodécaphonique dont l’œuvre, même avec la défense la plus acharnée, reste peu prisée pour être intégrée au grand répertoire des concerts… Trois pièces donc pour une expression ardue avec des éclats d’une déroutante modernité. Mais qui, avec le temps et vu les intrépides explorations de la musique contemporaine, ont un peu perdu de leur sulfureux aspect révolutionnaire… Pour conclure, retour aux allées ombragées des romantiques avec une superbe Fantaisie en do majeur de Robert Schumann. Images sonores somptueuses et tourmentées à la fois, qui renvoient à la pellicule du merveilleux film Geliebte Clara qui vient de sortir en grande fanfare sur les écrans des salles de cinéma en Allemagne. Clara, femme libre entre Schumann habité déjà par la folie et le jeune Brahms envoûté par le charme de cette pianiste virtuose qui joue avec tant de feu et de passion l’œuvre de son illustre époux… Ici, déchaînement d’une partition qui mêle en toute subtilité, grâce, douceur et élans irrépressibles toute la démesure romantique et les insatisfactions entre Byron et Brummel, entre Faust et Manfred… Entre gravité et solennité se déploie cette partition enflammée, éruptive et incandescente, toute en panache et mélancolie. Débordante imagination sonore de Schumann pour ces pages scintillantes d’une poésie au délire rebelle à tout embrigadement. Des pages habitées par un esprit certes tourmenté, mais sans nul doute en quête d’absolu. Une Fantaisie brillante que le jeune interprète restitue dans toute sa tonique beauté avec un habile doigté, soutenu par une sensibilité vive et aux aguets des moindres nuances. Chaleureux applaudissements d’un petit cercle de mélomanes formant l’auditoire. Révérence du jeune artiste et voilà que pour le bis flotte dans l’air cette évanescente valse de Chopin pour garder intacte l’immortelle magie du piano…
Un très jeune virtuose du clavier, Karim Saïd, s’attaque avec talent aussi bien aux partitions de Beethoven qu’à celles de Schumann et Schoenberg. Belle conciliation de sons et intrépide traversée des siècles pour l’immortelle magie du piano.
Dans le flonflon des fêtes qui avancent à grands pas, le piano garde son sang-froid et sa grande beauté sonore pour un moment...