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Joanna Hadjithomas et Khalil Joreige : l’impact des images Colette KHALAF

Présentée en première au Liban, l’œuvre cinématographique de Joanna Hadjithomas et Khalil Joreige « Je veux voir » est un film qui voyage emportant avec lui toutes les images d’une grande aventure vécue avec les acteurs d’abord et le public ensuite. Rencontre avec un duo passionné. C’est après l’immensité de la catastrophe de 2006 et du flux des photos que servaient les médias que le projet du film Je veux voir prend forme pour le couple de cinéastes bloqué à l’extérieur du pays. « En tant que faiseurs d’images, comment pouvions-nous encore recommencer à produire du cinéma- fiction et à quelle distance allait-on encore filmer ? » s’est demandé Joreige. « Nous nous sommes sentis impuissants devant cette guerre dure et dévastatrice. Les mots et les images étaient désormais insuffisants, saturés et incapables d’exprimer la violence et la douleur. On devait aller à la recherche d’autres impressions que seule une icône du cinéma pouvait véhiculer », poursuit Hadjithomas. Le choix s’est donc porté sur Catherine Deneuve, considérée à la juste « distance » de l’événement. Celle-ci a immédiatement accepté de « jouer le jeu» pour les deux cinéastes. «Il fallait être prudent et, par éthique, ne pas instrumentaliser cette grande comédienne qui a bien consenti à nous accompagner dans cette aventure périlleuse », dit Joreige. Les photos projetées par la télévision étant à la fois insoutenables mais stériles (puisqu’elles ne pouvaient arrêter la guerre), le couple d’artistes s’est donc demandé ce qu’il allait filmer. Derrière l’affirmation Je veux voir il y a le besoin urgent d’un autre désir qui se cristallise dans la volonté de filmer. Je veux voir se traduit donc par « je veux filmer » et reflète l’importance du rôle des images dans un état de guerre et le libre choix du cinéaste. À quel moment la projection va-t-elle affecter le regard ? Comment le réalisateur va-t-il devenir, l’espace d’un film, accompagnateur pour engager le spectateur dans cette aventure cinématographique et humaine à la fois ? «Le processus était intéressant, signale Joreige, car il ne s’agissait plus de consommer aveuglément des images, mais de les ingérer grâce aux éléments de fiction qui s’enchevêtraient dans le réel. Catherine Deneuve n’était jamais venue pour le gala, mais cet événement introduit dans le déroulement de l’action va dérouter le spectateur.» L’ambiguïté s’installe dès lors tout au long du film. Y avait-il des mines oui ou non ? Les cameramen ont-ils été sommés d’arrêter le tournage dans certains lieux? «Il importe peu de connaître la réponse, poursuit Hadjithomas. L’essentiel est que ces images ont réussi à se fixer dans la mémoire à l’aide du processus cinématographique. Il était inadmissible pour moi, artiste, d’entendre dire un jour que nous étions devenus résistants à l’horreur “vue”. Fallait-il vivre l’événement pour le ressentir? Il fallait donc trouver le moyen de pénétrer à nouveau dans l’émotion du “regardeur .” Une réflexion divertissante Pour Khalil Joreige et Joanna Hadjithomas, qui sont à leur troisième long-métrage, un film a toujours été considéré comme un laboratoire, un espace où ils inviteraient le public à partager leur expérience. « C’est comme une cuisine, où il se passe toujours quelque chose de spontané et d’accidentel, avoue Hadjithomas. Pour nous, c’est intéressant d’être confrontés à l’inattendu en ne sachant pas si on pourra le maîtriser, notre but n’étant pas d’imposer, mais de proposer une démarche artistique quitte à ce qu’elle soit oui ou non suivie. » Certes, il y avait d’abord un script (qui n’a pas été donné aux acteurs pour les laisser dans le vague). Il est certain aussi que les repérages ont été effectués avant le tournage (« Il n’était pas question de prendre des risques inutiles ») et par ailleurs important de laisser le spectateur deviner tout seul les ficelles de l’action. «Pour ma part, dit Hadjithomas, j’ai une grande foi dans le spectateur et je sais que ses questionnements ne feront qu’enrichir à leur tour notre processus.» Enfin, conclut-elle, faire un film, c’est essayer de communiquer avec l’autre et le retrouver pour se poser des questions ensemble. Réfléchir n’est pas simplement un acte intellectuel, mais un divertissement plaisant.»
Présentée en première au Liban, l’œuvre cinématographique de Joanna Hadjithomas et Khalil Joreige « Je veux voir » est un film qui voyage emportant avec lui toutes les images d’une grande aventure vécue avec les acteurs d’abord et le public ensuite. Rencontre avec un duo passionné.
C’est après l’immensité de la catastrophe de 2006 et du flux des photos que...