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Actualités - OPINION

Le Point En famille

par Christian Merville La série télévisée The Arbitrator est une copie des Sopranos américains. Là s’arrête la comparaison. Pour le modus operandi, on est prié de se référer plutôt à la Russie de l’immédiate ère posteltsinienne où la vengeance est un plat qui se mange bouillant, le sang coule à flots et rien n’est sacré, pas même les lieux de culte. Inutile de requérir l’avis de Yaakov Alderon, dit « le Don », sur un thème aussi brûlant. Il s’en est allé, bien malgré lui, dans un monde que l’on veut croire plus pacifique, victime d’une méchante bombe placée dans le moteur de sa luxueuse voiture – de louage, on n’est jamais assez prudent – et qui a explosé en plein centre de Tel-Aviv à une heure de pointe. La guerre des gangs reprend, ont constaté les Israéliens, qui ont aussitôt fustigé l’incapacité des services concernés à contenir la vague de violence alors que les journaux s’accordaient à parler d’« échec colossal ». Pensez donc, en près de cinq mois, au moins cinq attaques se sont produites, visant les capis les plus en vue des grandes familles de la pègre locale. La dernière en date des victimes de l’hécatombe, tombées lundi, avait échappé par neuf fois à la mort. La dixième aura été la bonne. Ce n’est pas encore le Chicago de l’entre-deux guerres, mais on n’en est pas loin. C’est que, dans l’univers glauque du crime organisé, on se bouscule. Il y a, bien sûr, les Alderon et les Rosenstein (qui jouent depuis une éternité la version moins sentimentale et autrement plus sanguinolente des Capulet et des Montaigu), et aussi les Abitbol, les Abergel, Mulner, Ohana et autres Kedoshim. Tout ce beau monde se partage, à coups de RPG bien sonores et de rageuses rafales de mitraillette, un pactole de dizaines de millions de dollars puisés dans le jeu, la prostitution, la drogue, les rackets de toutes sortes et même le recyclage de bouteilles de plastique. Invité sur le Net à donner son avis, l’homme de la rue commence par se hérisser : « La mafia chez nous ? Allez plutôt voir du côté du Hamas », pour être bien vite démenti par sa presse : « Il n’y a plus un seul lieu sûr », juge le Yediot Aharonot, tandis que le Maariv met en cause la capacité du ministre de la Sécurité intérieure, Avi Dichter, à faire respecter la loi et l’ordre, lui le transfuge du tout-puissant Shin Beth. Ce n’est pas faute de moyens si la lutte se révèle inégale. En novembre 2007, une mobilisation sans précédent s’opère, avec la refonte des divers départements spécialisés, la création d’une unité spéciale chargée de la lutte contre le crime (la Lahav 443), le recrutement d’un millier d’« Eliot Ness » supplémentaires et la mise en place d’un système de surveillance électronique, le tout placé sous la direction de Yoav Seguelovich. Il y avait urgence : en février de la même année, une commission gouvernementale présidée par un ancien magistrat, Vardi Zeller, obtenait le remplacement du directeur de la police, Moshé Karadi. Le flicard en chef était accusé d’avoir couvert un de ses officiers, accusé de tentative d’assassinat d’un « boss » hospitalisé et placé sous sa protection. Comme pour compliquer encore plus les choses, les sergents recruteurs des clans rivaux puisent dans le vivier des unités d’élite de l’armée, ce qui facilite d’autant l’infiltration dans le monde du business et de la politique. On comprend dès lors les sourires qui ont accueilli l’engagement du Premier ministre Ehud Olmert à « durcir la guerre contre le crime organisé » parce que « les moyens dont disposent les forces de l’ordre ne sont pas à la hauteur du défi ». Le phénomène n’est pas nouveau. En mars 1 998, la BBC concluait, à l’issue d’une enquête, que la mafia russe avait pris le contrôle de l’« underworld » israélien, essentiellement pour blanchir les sommes astronomiques en sa possession. Déjà à l’époque, on calculait que les bénéficiaires de la grande braderie ayant suivi l’effondrement de l’Union soviétique, en 1989, s’étaient engouffrés par dizaines de milliers (750 000 très exactement) dans la brèche ouverte par la loi sur le retour, dont beaucoup avec de faux papiers prouvant leur judéité. Pour de troubles raisons, même un criminel notoire, Serguei Mikhailov, non juif de surcroît, avait obtenu la citoyenneté. Dans le seul secteur de l’immobilier, on parlait alors d’investissements dépassant les 4 milliards de dollars. Il y a fort à parier que depuis, les affaires ont prospéré. Et s’il n’y avait que la Russie… Le groupe israélien d’Ilan Zarger est impliqué dans le trafic d’ecstasy aux États-Unis, par le biais de liens avec le gang de Sammy Gravano qui contrôle, entre autres, le secteur des stupéfiants dans l’Arizona. On parle même de sérieuses tentatives de percée du côté de Las Vegas pour une mainmise sur la capitale mondiale du jeu. Ils étaient plusieurs centaines, en début de semaine, aux funérailles d’Alperon, « père de famille exemplaire », aux dires de son avocat. Le défenseur de la veuve et de l’orphelin avait simplement omis de préciser de quelle famille il pouvait s’agir, mais tout le monde avait compris.
par Christian Merville

La série télévisée The Arbitrator est une copie des Sopranos américains. Là s’arrête la comparaison. Pour le modus operandi, on est prié de se référer plutôt à la Russie de l’immédiate ère posteltsinienne où la vengeance est un plat qui se mange bouillant, le sang coule à flots et rien n’est sacré, pas même les lieux de culte. Inutile...