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Fine cuisine et civilisation Yvonne SURSOCK COCHRANE

En réponse à votre article intitulé « La protection du patrimoine culinaire : un enjeu économique » (voir L’Orient-Le Jour du samedi 1er novembre 2008), je vous adresse les quelques remarques que voici : Tout patrimoine, qu’il soit relatif aux sites naturels, à l’architecture, aux arts en général, ainsi qu’à l’art culinaire, peut comporter un aspect économique. Cependant, son caractère primordial est de faire honneur à la nation ou au pays d’où il émane et de contribuer à son capital culturel et à sa gloire, à condition toutefois que les habitants de la région soient assez civilisés pour prendre cet héritage en considération. La cuisine libanaise est l’une des plus savoureuses, raffinées et variées que l’on connaisse ; à mettre au niveau de la française, l’italienne ou la chinoise par exemple. Or les mets mentionnés dans votre article ne sont que l’introduction au véritable menu, autrement dit une mise en appétit ainsi que le sont tous les hors-d’œuvre, qu’ils soient français, italiens ou autres. Au Liban, ce sont les « mezzés ». Je me souviens qu’autrefois, un tout petit assortiment de mezzés, deux ou trois petits plats au maximum nous étaient présentés avant le déjeuner, qui comportait alors le ou les plats de résistance. Cela se passait au déjeuner, jamais au dîner. Hélas, notre patrimoine culinaire subit le même sort que l’ensemble de notre patrimoine, sottement méprisé et criminellement abandonné et détruit. Les plats étrangers font d’ailleurs chez nous rarement figure d’authenticité. Ainsi je pense à l’exquise saveur des plats français dégustés en province, mais aujourd’hui rarement à Paris, sauf chez quelques familles ou certains restaurants qui ont conservé le goût du raffinement culinaire. À Beyrouth, il n’y a pas un seul restaurant de « haut standing » dont le menu comporte un plat libanais. Qu’il y ait des restaurants français, italiens, chinois ou autres, pourquoi pas ? Mais qu’il y ait aussi des restaurants du même standing qui soient libanais. La fine cuisine est l’un des attributs de la civilisation. Et d’habitude, à l’étranger, les restaurants ont leurs spécialités. Ici par contre, c’est la copie, cette maladie nationale, qui l’emporte. Lorsque vous pénétrez dans un restaurant dit libanais, vous savez à l’avance ce que l’on vous servira : les sempiternels mezzés et les méchouis comme couronnement. Rien d’autre. Imaginez le sort réservé à un restaurant qui, à l’étranger, n’aurait sur son menu que des hors-d’œuvre. Si un étranger désire se familiariser avec nos plats nationaux, il ne les trouvera que dans de rares bistrots fréquentés par une clientèle modeste, attachée à ses habitudes ancestrales. Hélas, hélas ! Que restera-t-il du Liban dans moins de 50 ans ? Probablement un pays dévasté par d’innombrables carrières, désertifié par le saccage des forêts et des agglomérations urbaines indignes du nom de ville ou même de village où s’accumuleront pêle-mêle les déshérités de cette terre. Les autres ayant fui un environnement invivable, vision apocalyptique peut-être, mais qui rappelle le sort de civilisations disparues, souvent par l’imprévoyance et la sottise de leurs peuples. Dieu fasse que nous sortions vite de l’état de léthargie, d’autosatisfaction et d’aveuglement qui, malheureusement, nous caractérise aujourd’hui. Article paru le samedi 15 novembre 2008
En réponse à votre article intitulé « La protection du patrimoine culinaire : un enjeu économique » (voir L’Orient-Le Jour du samedi 1er novembre 2008), je vous adresse les quelques remarques que voici :
Tout patrimoine, qu’il soit relatif aux sites naturels, à l’architecture, aux arts en général, ainsi qu’à l’art culinaire, peut comporter un aspect...