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Chronique La réalité à l’épreuve des mots… Edgar DAVIDIAN

Soixante-dix billets entre septembre 2004 et octobre 2008 de Fifi Abou Dib*. Une pertinente chronique de l’air du temps entre bouleversements et marasme libanais. Un regard, une voix et la présence d’une journaliste qui traite la chronique comme un genre littéraire à part. Avec brio, ensibilité et mordant. C’est clair… D’autres ont des cyclones et nous, Libanais, nous avons d’autres ouragans, d’autres typhons, peut-être moins visibles, mais sans nul doute tout aussi ravageurs… Nous, Libanais, chanceux mortels, avons la gabegie des gens du pouvoir, les coupures d’électricité, des routes préhistoriques, des embouteillages et des bouchons que New York n’oserait imaginer, des institutions moyenâgeuses, des montagnes de déchets en guise de sculptures et jardins publics, une guerre qui a tous les visages de la barbarie, présence familière sans que cela n’émeuve l’imperturbable caste des politiciens aux discours invariablement vaseux. Et la liste de doléances est inépuisable… Comme cet épuisement qui saisit tout citoyen au bout d’une bonne tranche de vie aux turbulences entêtées et inqualifiables… Il est vrai que nous, braves descendants des Phéniciens et mosaïque de communautés, n’avons pas de Gustave. Pas plus que de Katrina, Andrew ou Ike, mais nous avons un lot de soucis différents et des préoccupations non négligeables…Disons que ce prix de consolation est saisi au vol, avec sagacité, par une collègue, Fifi Abou Dib. Une plume incisive, tendre, enrobée d’humour et surtout un style digne d’un écrivain de race. Mais sait-elle que justement, sans être pince-sans-rire, il y a un ouragan qui s’appelle Fifi ? Avec D’autres ont des cyclones (Les Éditions L’Orient-Le Jour, 171 pages), ensemble de 70 billets dictés par l’air du temps, Fifi Abou Dib montre les rudes épreuves auxquelles nos nerfs sont constamment soumis entre passage à vide, où il faut réapprendre à vivre, et terrorisme, sinon guerres démentielles, où la vie est mise entre parenthèses, étouffée par la peur. Cela fait des habitants du pays du Cèdre un peuple atypique, capable du meilleur comme du pire… Et c’est en terme de solidarité et de compréhension que l’auteur dédie cet ouvrage (le second en son genre après les Impressions rassemblées dans son premier opus, Au petit bonheur) aux lecteurs : « Je dédie ce livre, dit-elle, à mes compatriotes libanais, peuple agaçant et admirable, avec tendresse. » Écrivain par effraction, Fifi Abou Dib s’inspire de l’actualité ou des sujets les plus intimistes. Ses billets hebdomadaires sont, pour un nombre croissant de lecteurs, un véritable rendez-vous. Dans un pays où la précarité est devenue mode de vie, après une plage de convalescence, l’une des périodes les plus troubles et les plus tragiques du Liban, Abou Dib propose, par-delà les titres (et le contenu) agressifs du quotidien, un temps de réflexion, une quête du sens et des sens. Elle cherche à rendre le réel plus supportable, plus humain… Avec une phrase d’une souveraine élégance, empruntant à Colette malice, sensualité, invention verbale, un esprit d’avant-garde et une analyse pertinente («l’écriture est une nomination du visible» Gertrude Stein dixit), le style de Fifi Abou Dib, par essence parlant de fraternité humaine, est de ceux qui ont du lustre, saisissent au collet et interpellent. * Signature demain, jeudi, à 17h00, au stand de « L’Orient-Le Jour ».
Soixante-dix billets entre septembre 2004 et octobre 2008 de Fifi Abou Dib*. Une pertinente chronique de l’air du temps entre bouleversements et marasme libanais. Un regard, une voix et la présence d’une journaliste qui traite la chronique comme un genre littéraire à part. Avec brio, ensibilité et mordant.
C’est clair… D’autres ont des cyclones et nous, Libanais, nous...