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Actualités - CHRONOLOGIE

Les boissons énergisantes : attention aux risques Anne-Marie EL-HAGE

Les mélanger à de l’alcool est interdit et en abuser est dangereux, selon de récentes études. Les boissons énergisantes sont pourtant en vente libre alors que la jeunesse libanaise les croit inoffensives. Quant au débat, il est ouvert. Les boissons énergisantes sont en vente libre au Liban non seulement en grandes surfaces mais aussi dans les campus universitaires et dans les boîtes de nuit. Elles sont également en vente libre en France depuis juillet 2008 et aux États-Unis, mais sont interdites dans certains pays d’Europe, notamment au Danemark et en Norvège. Devenues un véritable phénomène de société auprès des adolescents et des jeunes adultes auxquels elles promettent de donner de l’énergie et un tonus à tout craquer, à grands renforts de campagnes publicitaires, elles ne font pas l’unanimité des médecins qui, se basant sur des études scientifiques, multiplient les mises en garde contre les dangers de leur usage. Ces derniers déconseillent surtout le mélange de ces boissons avec l’alcool, les boissons stimulantes donnant, dans ce cas, une fausse sensation de vivacité des sens et poussant les jeunes à boire plus d’alcool. Ils mettent également en garde contre les excès de consommation de ces boissons à forte concentration en caféine. Le débat est donc ouvert sur les dangers de ces boissons, notamment en France où le ministère de la Santé a émis des recommandations sur leur consommation, ainsi qu’au Canada. J’ai failli mourir Mais au Liban comme ailleurs, la jeunesse reste sourde à ces mises en garde et consomme sans modération les boissons énergisantes (qu’il ne faut pas confondre avec les boissons pour sportifs qui favorisent la réhydratation, genre Gatorade ou Powerade). Les amateurs de soirées bien arrosées en boivent le soir entre copains ou dans des pubs, mélangées principalement à de la vodka, mais aussi au champagne ou autres. D’autres les consomment pour avoir du tonus durant la journée, pour mieux tenir le coup au travail pour les jeunes professionnels, ou pour compenser le manque de sommeil en période d’examens, dans le cas des écoliers ou des universitaires. Car ces boissons procurent une stimulation mentale et physique. « Je ne peux démarrer ma journée de travail sans une canette de boisson énergisante. C’est essentiel pour que je puisse carburer. J’en prends également une seconde dans l’après-midi », raconte Ziyad, âgé de 35 ans. « Lorsque j’étais grippé et que j’étais dans l’obligation de me lever, quatre à cinq canettes de boisson énergisante au quotidien m’ont permis de rester debout et de poursuivre mes activités. J’avais un tel tonus après en avoir pris, que j’en prenais encore et encore », raconte Michel, âgé de 29 ans. Pour Karim, 24 ans, (nous avons modifié son prénom), professionnel de la finance et très pris par son travail, l’association entre la boisson énergisante « numéro un » au Liban et la vodka a failli être fatale. À l’issue d’une soirée bien arrosée entre copains, au cours de laquelle il a consommé six verres de ce mélange, son cœur s’est mis à battre follement durant la nuit. Le lendemain matin, il était hospitalisé en urgence pour tachycardie (son cœur battait à 170 par minute) et arythmie cardiaque. « C’est la première fois que cela m’arrive, je n’ai bu ni plus ni moins que d’habitude ce soir-là, mais il faut dire que j’étais très fatigué, raconte-t-il. J’avais travaillé jusqu’à 23h30. Cela faisait aussi un mois que je ne sortais pas, vu que je travaillais beaucoup. Je sentais bien à l’hôpital que les médecins avaient peur pour ma vie. Ils ont d’ailleurs été formels sur la raison de mon état. C’est là où j’ai réalisé le danger des boissons stimulantes. J’en consomme pourtant depuis de nombreuses années. J’en consommais aussi sans alcool, pour rester éveillé. C’est plus excitant que le café et tellement meilleur », ajoute-t-il. Karim est toujours sous traitement et doit limiter sa consommation de caféine pendant une année entière car son cœur est fragilisé. « Et dire que cela aurait pu être pire. Mon œur aurait carrément pu s’arrêter », observe le jeune homme, qui est aussi un bon sportif. Les risques de déshydratation Karim est loin d’être un cas isolé. Bien au contraire, deux de ses camarades ont eu les mêmes symptômes que lui après avoir consommé une boisson énergisante associée à de la vodka. C’est face à la recrudescence de ce genre de cas et dans l’objectif d’alerter les parents sur les dangers des boissons énergisantes que le docteur Philippe Chédid tire la sonnette d’alarme. Le pédiatre libanais se base sur l’étude du pédiatre américain Bernard Griesemer, de la Missouri State University, publiée en juillet dernier lors d’un congrès de médecine pédiatrique sportive, sponsorisé par l’Académie américaine de pédiatrie. « Les stimulants ont de nombreux effets positifs, mais ils affectent inversement les performances des athlètes car ils sont diurétiques et représentent un risque élevé de déshydratation », observe le Dr Griesemer. Il ajoute que ces stimulants peuvent « altérer le mécanisme de thermorégulation et donner des symptômes proches de l’insolation ». Évoquant deux puissants stimulants, la taurine et le glucuronolactone, le pédiatre indique qu’« ils sont présents dans des boissons énergisantes, risquant de provoquer une mort subite chez les jeunes athlètes ». « Ce risque est encore plus élevé, souligne le Dr Griesemer, chez les enfants traités pour les déficits de l’attention (DHEA). » Et de préciser qu’après avoir absorbé des boissons énergisantes, « une déshydratation de 2 % a été notée chez les jeunes athlètes, associée à une baisse des performances ». De plus, les athlètes très musclés qui consomment des boissons énergisantes risquent non seulement la déshydratation, mais « la destruction de leurs cellules musculaires ». C’est la raison pour laquelle « le régime conseillé aux jeunes sportifs est de manger de façon équilibrée et de boire de l’eau », conclut le chercheur. À partir d’une telle étude, le docteur Philippe Chédid insiste sur les dangers de la consommation abusive de telles boissons et de leur mélange avec l’alcool. Il ajoute par ailleurs que certaines personnes, génétiquement prédisposées, présentent plus de risques que d’autres d’avoir des problèmes à la consommation de boissons énergisantes. Ces problèmes pouvant être une affection des muscles, mais aussi des artères. Les personnes prédisposées pourraient donc ressentir des arythmies, des tachycardies, ou présenter une tension artérielle élevée. Il évoque également les risques d’artériosclérose et de thrombose. D’autres études, notamment celle du professeur Kathleen Miller, s’intéressent également aux comportements des jeunes consommant régulièrement des boissons énergisantes. Publiée dans la revue américaine Journal of Adolescent Health, l’étude a été menée par la sociologue et chercheuse américaine de l’Université de Buffalo auprès de 795 étudiants new-yorkais. Il en découle que les consommateurs réguliers de boissons énergisantes (six fois ou plus par mois) ont trois fois plus de risques que les faibles consommateurs d’être fumeurs, d’avoir abusé de médicaments, mais aussi de s’être battus violemment durant l’année précédant l’étude. Les amateurs de boissons énergisantes ont aussi deux fois plus de risques de fumer de la marijuana et d’avoir une consommation problématique d’alcool, donc de présenter de la dépendance. Ces jeunes sont aussi plus susceptibles d’avoir des rapports sexuels non protégés, de ne pas porter la ceinture de sécurité, de pratiquer un sport extrême et d’accomplir un acte téméraire. Alors à défaut d’arrêter totalement les boissons énergisantes, la jeunesse libanaise devrait en consommer avec modération et, surtout, éviter de les mélanger avec l’alcool.
Les mélanger à de l’alcool est interdit et en abuser est dangereux, selon de récentes études. Les boissons énergisantes sont pourtant en vente libre alors que la jeunesse libanaise les croit inoffensives. Quant au débat, il est ouvert.
Les boissons énergisantes sont en vente libre au Liban non seulement en grandes surfaces mais aussi dans les campus universitaires et dans les...