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Actualités - OPINION

Ce que nous réserve le 44e président Par Richard N. HAASS*

Les campagnes, qu’elles soient militaires ou politiques, sont menées pour être gagnées, et la campagne présidentielle américaine actuelle ne fait pas exception. Les candidats démocrate et républicain font tout leur possible pour se distancier d’un impopulaire président en exercice et se différencier l’un de l’autre dans les dernières semaines avant que les Américains ne se rendent aux urnes. Les différences de politique étrangère entre les deux candidats font l’objet d’une grande attention, à juste titre ; dans de nombreux domaines, elles sont aussi évidentes que considérables. Pourtant, il est possible de discerner des ressemblances entre les candidats, en partie parce que leurs désaccords ne sont pas aussi prononcés qu’ils en ont l’air, et en partie parce que les contraintes auxquelles sera soumis le prochain président des États-Unis vont certainement limiter le champ d’action de l’un comme de l’autre une fois élu. Prenons l’Irak, principal sujet de division de la politique américaine depuis cinq ans. Barack Obama souligne régulièrement que la décision de partir en guerre était profondément erronée ; John McCain insiste sur le fait que les événements ont changé d’orientation depuis début 2007, quand le nombre de soldats américains a augmenté et la stratégie américaine a été corrigée. Des observateurs pourraient facilement croire qu’ils parlent de deux conflits totalement différents. Mais pour l’avenir ? Peu importe qui va gagner en novembre, il est clair que l’Irak ne dominera pas la politique étrangère américaine dans les années à venir comme elle l’a fait ces dernières années. Nous entrons dans l’ère post-Irak de la politique étrangère américaine. En toute logique, la présence militaire américaine diminue donc. Les deux candidats diffèrent sur le moment et le rythme de ce retrait, pas sur son orientation générale. Inversement, l’engagement américain en Afghanistan va s’amplifier, et le nombre de soldat augmenter. Derrière cette prédiction se trouve l’opinion largement partagée que les tendances en Afghanistan (contrairement à l’Irak) sont négatives, et que les États-Unis doivent renforcer leur présence militaire et réviser leur stratégie si l’on ne veut pas que les talibans prennent le dessus. Il est généralement admis que le Pakistan est devenu une partie du problème. Les étendues occidentales du Pakistan sont aujourd’hui un sanctuaire pour les milices et les terroristes qui vont et viennent en Afghanistan. Là, Barack Obama semble plus partant pour lancer des raids militaires unilatéraux contre les terroristes si l’occasion se présente. Mais quel que soit le vainqueur, il devra faire des choix difficiles si un Pakistan doté de l’arme nucléaire n’est pas capable ou ne veut pas jouer le rôle de partenaire de l’Amérique et assumer ses responsabilités dans l’effort contre le terrorisme. Le troisième domaine où existe une sorte de consensus (et à quelque distance de George W. Bush) est celui du réchauffement climatique. Sous le prochain président, les États-Unis ne seront plus à la traîne des initiatives internationales visant à créer un régime global imposant un plafond aux émissions de gaz à effet de serre. Résultat de cette évolution probable de la politique américaine, la pression se déplacera vers d’autres pays, notamment vers la Chine et l’Inde, pour qu’ils acceptent certaines limites à leur propre comportement économique. Un président McCain ou Obama fera en sorte d’améliorer l’image des États-Unis dans le monde. Une de ses premières décisions sera d’interdire toutes les formes de tortures. On peut aussi s’attendre à la fermeture du centre de Guantanamo Bay, où des hommes soupçonnés de terrorisme sont enfermés depuis des années sans avoir été jugés. L’Iran est un autre domaine où les différences, en tout cas au départ, ne sont peut-être pas aussi prononcées que le suggèrent les campagnes. Les deux candidats ont souligné qu’un Iran doté de l’arme nucléaire serait inacceptable. Le vainqueur va sûrement souscrire à une nouvelle initiative diplomatique visant à mettre un terme à la capacité de l’Iran à enrichir de l’uranium de façon indépendante. Les détails d’une telle initiative sont moins clairs en revanche, tout comme ce que feraient les États-Unis s’ils venaient à échouer. Les déclarations des candidats au sujet de l’Iran suggèrent deux visions distinctes de la diplomatie. Obama semble considérer la rencontre avec les dirigeants étrangers comme un élément normal de la politique étrangère, à employer au même titre que de nombreux autres outils. McCain semble quant à lui considérer que de telles rencontres sont une sorte de récompense, à n’offrir que sous certaines conditions préalables (l’Iran vient alors à l’esprit) et à supprimer quand certaines limites sont franchies, comme ce fut le cas pour la Russie avec la Géorgie en août dernier. Malgré de telles différences, les deux mettraient en œuvre des politiques plus proches du second mandat de Bush que du premier. Avec une armée tendue et une économie en difficulté, le prochain président n’aura pas beaucoup d’autre choix que de parler. Sur d’autres sujets, comme le commerce, les distinctions entre les candidats sont nettes. McCain est un plus farouche défenseur du libre-échange qu’Obama. Mais cette différence pourrait avoir moins d’impact qu’on pourrait le croire. Le Congrès joue un grand rôle dans la politique commerciale, et la quasi-certitude que la majorité du Parti démocrate au Congrès augmentera après les élections signifie que le protectionnisme lui aussi va se renforcer. Trouver du soutien pour les pactes commerciaux sera ardu pendant cette période de troubles économiques, en dépit de l’importance actuelle des entreprises américaines orientées vers l’exportation. Quand il s’agit de leur façon d’aborder le monde, les différences entre les deux candidats sont réelles et importantes. Mais il y a davantage de ressemblances que ce qui se dégage de manière évidente des débats et de la campagne. Les aspects de la politique étrangère du prochain président sont d’ores et déjà visibles aux observateurs qui lisent entre les lignes et remarquent autant ce qui est tu que ce qui est dit. © Project Syndicate, 2008. Traduit de l’anglais par Bérengère Viennot.
Les campagnes, qu’elles soient militaires ou politiques, sont menées pour être gagnées, et la campagne présidentielle américaine actuelle ne fait pas exception. Les candidats démocrate et républicain font tout leur possible pour se distancier d’un impopulaire président en exercice et se différencier l’un de l’autre dans les dernières semaines avant que les Américains...