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Actualités - REPORTAGE

Retour Maasser el-Chouf ne s’anime que les week-ends d’été

De nombreuses maisons laissées à l’abandon, peu d’habitants dont une partie ne monte que les week-ends d’été. Tel est le nouveau visage d’un village où la réconciliation a eu lieu en 1995 et où le dossier des déplacés est désormais clos. Maasser el-Chouf est étrangement calme en cette journée estivale. Dans ce village situé à proximité des Cèdres du Barouk, où 63 habitants chrétiens ont été massacrés en 1983, durant la guerre de la Montagne, la réconciliation entre druzes et chrétiens a eu lieu en octobre 1995. C’est un des rares villages où a été clos le dossier des déplacés et où ces derniers ont été indemnisés aussi bien pour les pertes humaines que pour la reconstruction de leurs maisons. Mais sur 475 familles déplacées, et selon l’étude entreprise par l’Ildes sur le mouvement de retour des déplacés, une seule famille est retournée à Maasser el-Chouf de manière permanente, alors que dix familles viennent y passer l’été. Ce n’est qu’en week-end que le village retrouve un semblant d’animation grâce à la quarantaine de familles qui s’y rendent. Et encore... De nombreuses maisons sont toujours laissées à l’abandon, d’autres portent les stigmates de la guerre. Une habitante du troisième âge de confession chrétienne, retournée au village après la réconciliation, est une des rares à passer, avec son époux, une grande partie de l’année dans la maison familiale. Elle raconte, mais tient à garder l’anonymat. « Nous avons reçu la somme de 10 000 dollars pour retaper les deux étages de notre maison. Nous avons également reçu 20 000 dollars d’indemnisations parce que notre tante a péri durant le massacre, somme que j’ai partagée avec un cousin, dit-elle. Mais ces sommes n’ont pas suffi à retaper la maison, car nous avons dû tout refaire. Nous avons donc dépensé bien plus que ce que nous avons reçu. » La femme tient toutefois à préciser que les indemnisations ne se sont pas faites de manière équitable. « Les proches des membres des comités qui décidaient de la répartition des fonds ont reçu nettement plus d’argent », affirme-t-elle. Quant aux raisons qui empêchent les gens de retourner au village, elles sont variées, selon la femme. Les propriétaires des maisons étant généralement décédés, nombre de familles n’ont toujours pas déterminé l’héritier de ces biens ou sont en conflit à cause de l’héritage. De plus, une grande partie de la jeunesse est à l’étranger pour poursuivre des études ou pour travailler. Leurs maisons sont donc vides et n’ont même pas été réparées. La méfiance des chrétiens envers les druzes est aussi l’une des raisons de cette grande frilosité à retourner au village. « Trop de mal a été fait pour que les relations reprennent comme si de rien n’était », confie la femme, précisant que beaucoup de chrétiens du village ont encore peur. « De mon côté, je suis distante. Je ne fraie pas avec les druzes et personne ne vient me rendre visite. Je n’y peux rien, c’est plus fort que moi », ajoute-t-elle, évoquant les blessures du passé encore vives, alors que son époux semble avoir moins de difficulté à frayer avec la population druze du village. Mais il n’en reste pas moins que les chrétiens de Maasser el-Chouf sont attachés à leur terre et à leurs biens. « Nous avons tous le devoir d’y retourner et de nous occuper de nos biens », conclut-elle. Il est toutefois important de signaler que de nombreux druzes du village ne passent pas l’hiver sur place, mais à Aley ou à Beqaata. Il y fait nettement moins froid et les régions proches de la ville sont bien plus propices aux affaires en hiver. De son côté, un membre du conseil municipal du village, Ghassan Njeim, avance des chiffres plus optimistes. « Près de 35 familles montent passer l’été au village. Quant aux week-ends, ils sont très animés. Moi-même, je suis retourné des États-Unis pour investir tout mon argent à Maasser el-Chouf où je passe l’été. De même, un habitant qui a perdu sa femme et son fils durant le massacre y est revenu pour s’occuper de ses biens, mais il n’adresse toujours pas la parole aux druzes », raconte-t-il. Conscient que la vie au village ne redeviendra jamais comme avant, il dénonce cependant les discours provocateurs et d’incitation à la discorde de certains hommes politiques qui découragent le retour de bon nombre d’habitants. « Depuis 2005, les proches du CPL ne montent plus au village » et « leurs discours ne servent pas les chrétiens de la Montagne », affirme-t-il, « mais les poussent à bouder leurs villages ».
De nombreuses maisons laissées à l’abandon, peu d’habitants dont une
partie ne monte que les week-ends d’été. Tel est le nouveau visage d’un village où
la réconciliation a eu lieu en 1995 et où le dossier des déplacés est désormais clos.
Maasser el-Chouf est étrangement calme en cette journée estivale. Dans ce village situé à proximité des Cèdres du...