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Actualités - RENCONTRE

Rencontre L’Orient entre mythes, réalités et mirages avec Thomas Alcoverro

Edgar DAVIDIAN Un Catalan à Beyrouth, au cœur de Hamra ! Et qui revendique avec véhémence sa francophonie en causant un français impeccable, teinté toutefois d’un délicieux accent ibérique. Installé au pays du Cèdre depuis plus de trente-deux ans, Thomas Alcoverro est un journaliste espagnol de grande envergure, correspondant étranger donnant tous les échos de cet Orient embrasé où le chahut n’a jamais quitté ses stratosphères depuis plus d’un demi-siècle… Auteur de deux ouvrages, El decano (Les doyens) et Espejismos de Oriente (Mirages d’Orient), ce fin lettré qui parle aujourd’hui l’arabe (« pas comme il le faudrait », souligne-t-il en toute modestie) est très heureux d’avoir un pied à Beyrouth et un autre à Barcelone, sa ville natale... Comme nageant entre deux eaux, Thomas Alcoverro, avocat de formation, a toutefois toujours rêvé d’une carrière diplomatique ou de professeur d’université. Rêve un peu détourné depuis ses randonnées entre Paris et Athènes où, trente-huit ans auparavant, démarrait une carrière basée sur l’information et l’actualité dans tous ses remous. Mais c’est vers la Méditerranée orientale que son cœur le portait… Là, le vœu est exaucé et Thomas Alcoverro est installé à Beyrouth, au cœur et aux portes du Levant… Contre vents et marées, contre toutes les intempéries qui ont soufflé, contre toutes les adversités qui ont plombé les horizons, contre toutes les peurs et les angoisses, Alcoverro sait parler en termes lyriques et séduisants de la douceur de vivre sous le ciel du pays qui a donné l’alphabet à l’univers… Son ouvrage Mirages d’Orient (récompensé en 2006 d’un prix international avec Vazquez Montalban) jette la lumière sur les multiples facettes d’une contrée, d’une région (allant du Liban aux émirats du Golfe, en passant par l’Égypte, l’Iran, l’Irak, la Palestine) où politique, anecdotes, faits divers, histoires légendaires et sens de l’insolite se mélangent malicieusement, adroitement. Rencontre avec un auteur-journaliste, cheveux blancs, yeux vifs et allure baba cool, qui a le sens de l’accueil chaleureux (une générosité de cœur et de parler parfaitement à l’orientale) et qui voue une grande admiration au peuple libanais « plus porté à vivre qu’à survivre », précise-t-il… En fait, Mirages d’Orient (en langue espagnole) est un recueil d’articles, sélectionnés par Alcoverro, s’échelonnant sur une trentaine d’années, présenté hier jeudi, par le Dr Antoine Khater, à la salle de conférence de l’institut Cervantès. « Si j’ai choisi ces écrits, dit-il en toute simplicité, c’est parce que je leur trouve une certaine tenue littéraire. Vous savez, quand on écrit dans l’urgence et l’obligation de la célérité pour passer une nouvelle, il y a parfois peu de place pour l’élégance du style. Mais il faut partir du principe que tout journalisme écrit, avec toute la concurrence des divers médias contemporains, ne se justifie que par un travail littéraire, c’est-à-dire écrire d’une manière élégante... Il y a dans ce livre sans nul doute des “choses” que le public, même levantin, ignore. Tenez, savez-vous par exemple qu’il y a un métro à Téhéran ou un souk de chameaux au Caire ? Connaissez-vous cette île de Kisch au sud de l’Iran, en face de Dubaï, île de bazar, une sorte de free zone où il y a un restaurant qui s’appelle Picasso, des jardins exubérants qui rendent toute promenade idéale où on y découvre même un drapeau, différent de celui de l’Iran, qui flotte au vent… C’est pour cela que j’ai appelé mon livre Mirages d’Orient car, par-delà tout témoignage ou information précise, depuis l’enterrement de Nasser ou celui de Arafat, en passant par le retour d’exil de Khomeyni, il y a ce problème de la perception d’une région. Les Européens ont souvent une vision superficielle ou exotique. Avec ce titre, j’ai voulu évoquer ce problème et surtout j’ai voulu éviter toute vision folklorique, tout en gardant des surprises au lecteur… Tel ce palais, à l’instar de l’Alhambra, commencé à être bâti à Jezzine par feu Farid Serhal… » Fervent lecteur de Proust dont le titre À la recherche du temps perdu reste son livre de chevet depuis trente ans (petit rire), Alcoverro est tout aussi épris de Unamuno que d’Ortega Y Gasset, autrement dit, confie le journaliste de soixante-huit ans, « ce sont les hommes à penser de la génération 1898, après la perte de Cuba et des Philippines, c’est une littérature appelée réaction d’amertume… » Pour en revenir au Liban, qu’est-ce qui séduit la plume et le regard de Thomas Alcoverro ? « Ce qui provoque en moi l’admiration pour les Libanais, dit Alcoverro, c’est d’abord leur vitalité… Et puis cette ouverture d’esprit dans une ville cosmopolite, aujourd’hui menacée dans sa pluralité, il faut en convenir… Je crois aux mots même dans une ambiance culturelle trouble. La parole est le commencement de mon travail… Et puis les mots, comme dit Virginia Woolf, ne sont pas dans le dictionnaire, mais dans l’esprit… » Et quelle serait pour Thomas Alcoverro la définition du journalisme ? « Je ne sais comment le définir, commente-t-il. Mais je peux dire que c’est une profession nécessaire qui doit essayer avant tout de devenir la voix de ceux qui n’ont pas de voix, surtout celle du peuple… Pour moi, l’exemple d’un bon journaliste, toujours en milieu francophone, ce sont Jean Lacouture, Jean Daniel… »
Edgar DAVIDIAN

Un Catalan à Beyrouth, au cœur de Hamra ! Et qui revendique avec
véhémence sa francophonie en causant un français impeccable, teinté toutefois
d’un délicieux accent ibérique.
Installé au pays du Cèdre depuis plus de trente-deux ans, Thomas Alcoverro est un journaliste espagnol de grande envergure, correspondant étranger donnant tous les échos de...