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Éclairage À Tripoli, deux scénarios contradictoires et un point commun : le maintien de la tension Scarlett HADDAD

Au président égyptien qui lui affirmait que la Syrie est en train de livrer des armes et des munitions aux alaouites du Liban-Nord, l’ancien Premier ministre Omar Karamé a répondu : « À supposer que cela soit vrai, pouvez-vous me dire, Excellence, qui est en train d’armer et de livrer des munitions à l’autre camp ? » Selon les proches du leader tripolitain, la rencontre entre le raïs d’Égypte et Karamé, la première du genre, a été marquée par la franchise. Mais pour l’ancien Premier ministre, la situation à Tripoli est très claire et très complexe à la fois, elle n’est que l’expression sur la scène libanaise du profond conflit qui oppose la Syrie à l’Arabie saoudite. Et, selon les proches de Karamé, tant que ce conflit ne sera pas réglé, il y a de fortes chances que la scène tripolitaine et même celle du Nord en général ne connaissent pas une paix véritable. Les mêmes sources ajoutent toutefois que lors du dernier sommet entre le roi Abdallah d’Arabie et le président Moubarak, ce dernier aurait lancé : « L’après Géorgie est différent de l’avant Géorgie. Il serait sans doute bon de reprendre contact avec les Syriens. » Mais pour l’instant, rien n’indique que Riyad et Damas sont sur le point de renouer leurs liens et les Tripolitains continuent à craindre le pire. Selon les sources proches de Karamé, la journée organisée au Sérail pour examiner la situation à Tripoli, aussi utile soit-elle, était surtout destinée à montrer à l’opinion publique l’intérêt que porte le gouvernement à cette région. Elle serait donc plus nature médiatique qu’effective sur le terrain, d’autant que la solution dans cette partie du pays semble échapper aux Libanais. Des sources de Tripoli font d’ailleurs remarquer qu’il y a 500 000 sunnites au Nord, Akkar et Tripoli compris, alors qu’il n’y a que 30 000 alaouites. Comment expliquer dans ces conditions que cette minorité soit en mesure de provoquer des incidents et de maintenir la tension dans la région ? Les mêmes sources répondent à cette question en précisant que les sunnites ne se battent pas là-bas en tant que communauté et ceux qui achètent des armes et s’entraînent restent une petite minorité, alors que la majorité des habitants aspire au calme et à la coexistence. Les sources proches du Courant du futur affirment que la situation au Nord est appelée à connaître de nouveaux développements dramatiques, sur incitation syrienne, pour créer un véritable chaos qui permettrait aux troupes syriennes de se déployer de nouveau dans le Nord sous prétexte qu’il s’agit là d’une zone stratégique pour la Syrie et qui touche à sa sécurité. Les mêmes sources ajoutent que les courants salifications, qu’on accuse aujourd’hui d’être proches du Courant du futur et de l’Arabie, sont en fait une création des SR syriens. Ce sont eux qui les téléguident et ce sont eux qui comptent les utiliser pour provoquer des troubles au Nord. Les mêmes sources précisent encore que le scénario est déjà tout trouvé et il ne varie pas beaucoup de celui qui a déjà été utilisé : on commence par pousser les deux camps à se battre, avec des affrontements traditionnels mais aussi des explosions, de manière à rendre la situation intenable pour les habitants. L’armée, selon les mêmes sources, serait incapable de rétablir l’ordre, faute de couverture politique, et finalement, la formule du déploiement de troupes arabes, dans lesquelles les soldats syriens constitueraient le principal contingent, serait adoptée. Les mêmes sources rappellent que pour qu’un tel scénario soit réalisable, il faudrait hélas que la situation empire et qu’il y ait même des actes de violence frappants. Ces sources estiment que les propos du président syrien Bachar el-Assad, au cours du sommet de Damas, donnent un avant-goût de ce qui attend le Liban, au cours des prochains mois. De leur côté, les sources proches de l’opposition au Nord accusent le Courant du futur de vouloir maintenir la tension pour gagner des voix électorales, d’autant que sa popularité aurait baissé à Tripoli au cours des derniers mois. Selon ces sources, le Courant du futur n’a d’autre choix que de raviver la fibre sunnite et il utilise cette carte à fond encouragé par les Saoudiens, dont le principal souci est aujourd’hui d’unifier la scène sunnite libanaise. Et, toujours selon les mêmes sources, rien ne vaut la désignation d’un ennemi commun pour resserrer les rangs. C’est ainsi que les alaouites et à travers eux les Syriens ont été désignés pour servir de bouc émissaire. Ces mêmes sources rappellent la réaction violente du Courant du futur et de ses alliés lors de la signature d’un document d’entente entre le Hezbollah et des groupes salafistes, alors qu’il avait pour objectif principal de faire baisser la tension et de réduire les risques d’une discorde entre sunnites et chiites. Pour ces sources, le Courant du futur compterait ainsi maintenir la tension au Nord jusqu’aux prochaines élections pour remporter la mise aux législatives. Et pour permettre aux habitants du Nord de tenir le coup, en dépit de la dégradation de la situation économique et sociale à Tripoli, à la suite des incidents, le Premier ministre a annoncé un programme d’action au cours d’une journée consacrée à Tripoli au Sérail... Pour contradictoires qu’elles soient, les deux versions se retrouvent sur un point : la solution à Tripoli ne semble pas devoir être pour demain. Même si de l’avis des experts, des affrontements entre Bab el-Tebbaneh et Jabal Mohsen ne sont plus envisageables depuis que les deux parties ont testé respectivement leurs propres forces et que l’armée s’est déployée entre les deux secteurs pour empêcher les frictions. Alors, à quoi faut-il s’attendre ? À des incidents isolés au hasard des villages, répondent les mêmes experts... En attendant les développements régionaux et internationaux et la confirmation d’une tendance générale à l’apaisement, ou au contraire le début d’une nouvelle guerre froide à Tripoli.
Au président égyptien qui lui affirmait que la Syrie est en train de livrer des armes et des munitions aux alaouites du Liban-Nord, l’ancien Premier ministre Omar Karamé a répondu : « À supposer que cela soit vrai, pouvez-vous me dire, Excellence, qui est en train d’armer et de livrer des munitions à l’autre camp ? » Selon les proches du leader tripolitain, la...