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Actualités - OPINION

Le débat sur la société civile au Liban Trois valeurs de civilité Professeur Antoine MESSARRA

Au cours d’une assemblée qui a réuni plus de soixante associations libanaises de toutes les régions et communautés du pays, à l’initiative d’une organisation fort active et pionnière, et cela avant la conférence de Doha et l’élection présidentielle, des interventions et débats dérapaient dans des généralités relatives à la paix civile, l’entente, la coexistence… J’ai alors mesuré à quel point, aujourd’hui, au Liban la société qu’on appelle civile n’est pas – n’est plus – tellement civile. Sloganisme, pollution et souvent opportunisme, depuis le retrait militaire syrien du Liban, ont atteint des organisations qui devraient être les plus vigilantes pour la défense des valeurs de la cité, la «?polis?», la civilité, suivant le sens élémentaire donné par Aristote. Une société, une association, est civile quand elle défend trois valeurs civiles fondamentales?: 1. Le principe de légalité?: Dans la cité, dans des rapports civils, les relations sont de type contractuel, basées sur la loi, norme générale et impersonnelle qui garantit l’égalité et la justice, et évite la discrimination négative. Se taire, ou parler avec complaisance ou compromission, sur l’occupation du centre-ville, qui portait atteinte à trois droits fondamentaux?: le droit à la propriété, le droit au libre déplacement et le droit au travail, c’est du non-droit. Il en est de même quand des associations se taisent face à des propos putschistes du genre, à l’adresse du gouvernement?: «?Qu’ils déguerpissent?» (?Anqali’yu), ou des propos à l’adresse du chef du gouvernement?: «?Il n’aura pas le temps d’emporter ses affaires?» (Yudhabdib qalâkishî). Il en est de même aussi quand on se tait face à la vacance de la présidence de la République, puisqu’il ne peut y avoir de vide constitutionnel dans un pays qui a une Constitution. 2. Citoyens d’abord?: Une société, une association, est civile, quand elle envisage tous les problèmes, sans exception, sous l’angle du citoyen, détenteur d’une parcelle du pouvoir et légataire conditionnel du pouvoir à des gouvernants. Débattre, discuter, palabrer…, en partant d’enjeux de pouvoir tels qu’ils s’expriment par des politiciens, n’est pas un débat civil qui part du citoyen, dans son vécu quotidien, ses intérêts légitimes, dans une civilité qui tranche avec le débat polémique et conflictuel d’une politique spectacle et télévisée. 3. L’espace public, commun et partagé?: Une société, une association, qui pratique la complaisance et la compromission, sur des agressions contre la ville, pratique «?l’urbicide?» suivant l’expression d’Antoine Corban, ou se tait à ce propos, n’est pas civile. La civilité s’exprime dans l’espace public commun et partagé et les valeurs et symboles de la «?res publica?». Mouvement syndical et associations Est-ce à dire que des organisations de la société civile libanaise ne sont pas, ou ont cessé d’être, civiles?? L’interrogation concerne nombre de syndicats et associations, qui virent vers l’opportunisme, l’obédience directe ou indirecte à des enjeux de pouvoir, la connivence avec des politiciens qui n’ont pas la trempe d’hommes d’État ou, du moins, qui ont subi les effets d’une détérioration des valeurs républicaines fondatrices de l’État de droit et d’une société vraiment sociétale où des principes et des normes garantissent le vivre ensemble. Youssef Mouawad a raison de s’interroger?: «?Qui l’a emporté???» Est-ce la société civile ou la société encadrée et mobilisée par des cheikhs d’un autre temps et des putschistes et saboteurs?? (L’Orient-Le Jour Littéraire, 3/7/2008). Quand la civilité de nombre d’organisations de la société civile est contestée, c’est la sociabilité libanaise qui se trouve en danger par l’effet d’agressions théocratiques, d’une mentalité putschiste et de manipulations du système politique libanais pour le rendre ingouvernable. *** Que faire pour que la société civile libanaise soit ou redevienne civile?? Il faut un meilleur ciblage des aides aux ONG où le risque de virage vers le business ou l’activisme incolore, inodore et sans saveur (et sans les trois principes de civilité) est fréquent. Et surtout le retour à l’esprit de la société civile, qui n’est pas si loin de l’Esprit des lois de Montesquieu et de La Politique d’Aristote. C’est dans cette perspective que nombre d’associations, dont Offre-Joie, la Fondation libanaise pour la paix civile permanente, le Groupe arabe du dialogue islamo-chrétien, l’Association libanaise des sciences politique… ont organisé des rencontres autour de la réhabilitation de l’autorité des normes. Le Prix du président Élias Hraoui qui vient d’être décerné, le 8 juillet, à Hassan Rifai, pilier de notre culture de légalité, porte un témoignage et un symbolisme particuliers. Article paru le samedi 26 juillet 2008
Au cours d’une assemblée qui a réuni plus de soixante associations libanaises de toutes les régions et communautés du pays, à l’initiative d’une organisation fort active et pionnière, et cela avant la conférence de Doha et l’élection présidentielle, des interventions et débats dérapaient dans des généralités relatives à la paix civile, l’entente, la...