Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Dieu et le petit écran Émilie SUEUR

Un jeune musulman mouchant un juif sur l’âge de la bar-mitsvah, un jeune juif corrigeant un musulman sur le nom des cinq prières quotidiennes. Un chrétien récitant la trinité hindoue de Brahmâ, Vishnu et Shiva, un bouddhiste expliquant les saints sacrements. Le tout sans insulte ni tentative de caillassage. C’est possible, apparemment, sur Islam Channel. Le quotidien français Libération rapporte en effet que depuis samedi dernier, cette chaîne britannique du câble diffuse Faith Off, un quiz interreligieux. Le principe est simple, deux équipes, l’une en bleu et l’autre en rouge, s’affrontent à coup de buzzer sur des questions d’actualité, de théologie ou relatives aux pratiques religieuses. Lors du troisième et dernier round, les candidats doivent choisir de jouer sur leur terrain religieux ou sur celui de l’autre. Ceux qui s’aventurent sur les terres de l’autre remportent bien sûr plus de points en cas de bonne réponse. « Nous vivons dans une société multiculturelle et multireligieuse. Je connais un peu le christianisme, mais rien sur le judaïsme », expliquait Abrar Hussain, l’inventeur du concept, au journal britannique Mail and Guardian. « On apprend des choses à l’école sur la religion, mais ensuite on les oublie. Ce jeu vise à transférer des éléments basiques de connaissance... Il vise également à apprendre les similarités entre les religions au lieu de se concentrer sur les différences. » « Combien de fois pouvez-vous voir un juif et un musulman dans une même pièce riant aux blagues de l’autre ? » s’interrogeait-il encore dans l’article de Libération, avant d’ajouter que certains candidats s’échangent leur numéro de téléphone à la fin de l’émission. Ce n’est pas la première fois que Dieu investit le petit écran. En dehors des émissions traditionnelles consacrées à telle ou telle religion, on assiste, depuis plusieurs années, à une prolifération de versions détournées à tendance religieuse d’émissions connues. Certaines jouent sur l’ironie et la comédie pour s’attaquer aux préjugés des uns et des autres. La petite mosquée dans la prairie, produite au Canada en 2007, en est un exemple. Cette série, une allusion claire à la célèbre série américaine La petite maison dans la prairie, moque gentiment aussi bien la rigidité de certains fidèles que les idées reçues de certains Canadiens. D’autres émissions jouent sur le repli identitaire. Ainsi, le quotidien israélien Haaretz évoquait hier la réalisation par des ultraorthodoxes israéliens d’une version « cacher » d’American Idol, une compétition télévisée entre apprentis chanteurs. Le pari n’était pas gagné d’avance, le judaïsme rejetant ... l’idolâtrie. Les concepteurs ont trouvé la parade en rebaptisant l’émission The Upcoming Voice, plus « religieusement correct », comme le souligne le Haaretz. Autre problème de taille, regarder la télévision est interdit par les rabbins ultraorthodoxes. L’émission est donc diffusée sur CD. À défaut d’écran de télévision, c’est sur un écran d’ordinateur que l’émission est visionnée. D’autres arrangements ont dû être opérés par rapport à la version américaine. Sur le plateau d’enregistrement, pas de femme, à l’exception de la productrice. Pas de candidates donc, les voix féminines étant considérées comme potentiellement érotiques. Pas de danse non plus pendant les chants. Si les juges, dans la version outre-atlantique de cette émission, sont appréciés pour leur acidité et leurs commentaires acerbes, ceux de la version ultraorthodoxe se doivent d’être bienveillants, aussi nulle soit la prestation qui leur est présentée. Pourquoi une telle indulgence ? Car il est interdit, pour les ultraorthodoxes, d’embarrasser autrui. Pour éviter que les juges eux-mêmes ne soient trop embarrassés au moment de rendre leur verdict après le tour de chant d’un candidat exécrable, ce dernier a droit à un nouvel essai. Autant dire que le côté compétitif du jeu en prend un sérieux coup dans l’aile. « Je suis venu pour le fun », déclarait au Haaretz un des participants à cette American Idol « cacher ». Les voies du seigneur sont décidément impénétrables.
Un jeune musulman mouchant un juif sur l’âge de la bar-mitsvah, un jeune juif corrigeant un musulman sur le nom des cinq prières quotidiennes. Un chrétien récitant la trinité hindoue de Brahmâ, Vishnu et Shiva, un bouddhiste expliquant les saints sacrements. Le tout sans insulte ni tentative de caillassage. C’est possible, apparemment, sur Islam Channel. Le quotidien...