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Actualités - OPINION

Législatives Découpage électoral : deux stratégies pour la majorité Élie FAYAD

Au-delà des discours lénifiants – et terriblement creux – sur la nécessité d’une loi électorale « juste » et « authentique », inépuisablement ânonnés par tous les protagonistes sans exception, force est de constater que l’avenir de la grande confrontation en cours, celle qui oppose l’État libanais et la révolution du Cèdre à l’entité politico-militaire du Hezbollah, sera largement tributaire du découpage électoral qui doit être adopté en vue des législatives de l’an prochain. En termes de conflits, de désordres et de paralysie, les choses en sont arrivées aujourd’hui dans ce pays à un point où il est normal que chacune des parties en présence s’efforce dès à présent et par tous les moyens de redessiner à son avantage la carte électorale. L’étalage de force brutale auquel s’est livré dernièrement le parti de Dieu, et dont la plus grande victime est sa propre crédibilité (qui peut croire encore aux promesses du Hezbollah ?), ne peut que conforter cet état de fait puisqu’il est désormais clair que même les moyens guerriers ne peuvent aboutir, au mieux, qu’à remettre les compteurs à zéro. Prendre le pouvoir est une autre affaire. Si la question de la composition du prochain gouvernement est importante – et elle l’est encore en ce moment –, il n’empêche que son importance va de manière décroissante à mesure que le temps passe, car en tout état de cause, le prochain cabinet aura un horizon forcément limité au printemps de 2009, date du scrutin législatif. C’est donc bien celui-ci qui fixera pour les quatre années suivantes la direction que prendra le pays et déterminera qui sera à la barre et qui n’y sera pas. De là l’enjeu décisif que représente aujourd’hui la loi électorale pour tout le monde, les prochaines élections s’annonçant d’ores et déjà comme un combat sans quartier duquel dépendra le sort du Liban. Dans ce contexte de démocratie à l’état zéro, il est parfaitement normal que la majorité en place veuille à tout prix rester majoritaire et que l’opposition soit prête, elle aussi, à marcher sur des corps pour arracher la majorité. Dans la mesure où l’on peut supposer que les résultats du scrutin dépendront davantage, d’ici à un an, du découpage des circonscriptions que d’une hypothétique évolution de l’opinion, on comprend dès lors les difficultés que connaît la gestation de ce découpage. Pour la majorité actuelle, il y a deux façons d’envisager les législatives, impliquant deux stratégies différentes au sujet du découpage électoral. La première façon consiste à se présenter aux élections en tant qu’alliance formée de personnes physiques et de formations politiques déterminées à faire prévaloir leur suprématie et à remporter le scrutin face à une opposition regardée également comme un bloc de partis et de personnalités. Cette vision implique une conception rigide de la ligne de séparation entre les deux camps, de sorte que l’opposition est considérée comme formant un bloc uni, regroupant des composantes aussi dangereuses les unes que les autres aux yeux de la majorité. Dans cette configuration, il s’agira pour le camp du 14 Mars d’obtenir un découpage favorisant autant que possible la reconduction des mêmes équilibres politico-confessionnels issus du scrutin de 2005, lequel était fondé sur la loi hybride de 2000. La deuxième façon consiste pour la majorité à se concentrer davantage sur les principes et les acquis du 14 Mars et de la révolution du Cèdre que sur les intérêts stricts des partis et des personnalités – ainsi que des communautés – qui s’en réclament. Une telle approche implique de jeter un regard différent, plus nuancé, sur les diverses composantes de l’opposition, de jouer sur ce qui les sépare et de mettre le poids sur la lutte contre le seul véritable danger menaçant l’État libanais : l’infrastructure paraétatique du Hezbollah et son étroite affiliation à l’axe syro-iranien. En termes clairs, cette option suppose de la part de la majorité qu’elle agisse de manière à ne pas forcer un certain nombre d’acteurs sur la scène politique libanaise – notamment chrétiens – à s’allier au Hezbollah, alors que rien ne les prédispose à une telle alliance sinon la crainte – justifiée ou pas – de l’exclusion. Certes, cela implique des sacrifices de la part de la majorité au niveau des personnes et des intérêts particuliers, mais des sacrifices susceptibles d’être largement compensés par une nouvelle donne au sein de l’opposition.
Au-delà des discours lénifiants – et terriblement creux – sur la nécessité d’une loi électorale « juste » et « authentique », inépuisablement ânonnés par tous les protagonistes sans exception, force est de constater que l’avenir de la grande confrontation en cours, celle qui oppose l’État libanais et la révolution du Cèdre à l’entité politico-militaire...