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Actualités - CHRONOLOGIE

FESTIVAL AL-BUSTAN - Dernière représentation ce soir pour le Soweto Gospel Choir Danses et transes africaines Maya GHANDOUR HERT

À voir la salle comble conquise par un seul et même message d’amour et de partage, l’on se prend à rêver que le Soweto Gospel Choir puisse porter sa voix, à travers des haut-parleurs mégasupergéants, dans toute la région, sur toute la terre. Pour envelopper la planète bleue d’une prière, une invocation à s’aimer les uns les autres, à ne pas s’autodétruire avec une persistance quasi obsessionnelle. « One looove !» chantent, à l’unisson, les 24 membres de la formation africaine qui clôture le Festival al-Bustan par quatre soirées de danses et transes africaines. « Peace and love, man. Peace and love », lance un jeune spectateur aussitôt applaudi par l’assistance. « Let’s get together and feel alright », poursuit le chœur en reprenant le fameux hymne à la paix de Bob Marley… Amen. Sur scène, ils respirent la joie de vivre. Vêtus de costumes traditionnels africains bariolés, le rythme au corps, le tempo dans les gènes, un grand sourire aux lèvres, ils chantent avec des voix qui parcourent toutes les nuances, des murmures aux vocalises improvisées. Un spectacle total. Voilà toute la puissance du gospel africain représenté par un de ses illustres porte-voix, le Soweto Gospel Choir. Conquis par le talent de cette étonnante formation, qui s’est hissée en peu de temps au firmament de l’élite musicale, l’on se prend à envier cette joie chantée et communicative. Et pourtant, Dieu seul sait si ces chants ne sont pas puisés à une source de souffrance et de malheurs. Car Soweto est souvenir d’ignominie. Petit rappel historico-politique : Soweto, c’est le nom du ghetto bidonville créé en 1950 par le gouvernement sud-africain pour parquer les Noirs de Johannesburg au moment de la promulgation de la loi raciste « d’apartheid ». Le 16 juin 1976, une manifestation pacifiste d’écoliers qui protestaient contre l’imposition de la langue afrikaans est réprimée dans le sang et la terreur. On a parlé de plus de cinq cents morts. Les images de cette insulte à la dignité humaine ont fait le tour du monde. Aujourd’hui, l’apartheid n’existe plus et le visage de Nelson Mandela est synonyme de paix et d’espoir. Le Gospel Choir de Soweto est l’ambassadeur de cet espoir. Il regroupe les meilleurs chanteurs des Églises et des communautés religieuses de la région de Soweto. Ils chantent en huit langues l’héritage tribal, traditionnel et populaire du gospel africain, des polyphonies uniques au monde. Il ne faut pas oublier non plus que le gospel, en tant que genre musical chanté et dansé dans les églises afro-américaines des USA, est issu du contexte esclavagiste. Déracinés, contraints d’abandonner leurs anciennes croyances, les Noirs américains ont en effet trouvé dans la foi chrétienne et dans les cantiques de ses maîtres une source d’inspiration et un mode d’expression unique. Ils ont modelé la liturgie à leurs habitudes et leur sensibilité, en y apportant les caractéristiques de la musique africaine. Par les prêches exaltés, les « repons » improvisés et les hymnes collectifs, ils transforment les cantiques protestants anglo-saxons en negro spirituals. Cette musique originale racontant la vie et la mort, la souffrance et la tristesse, l’amour et le jugement, la grâce et l’espoir, la justice et la miséricorde, va se répandre par sa force et sa beauté, dans le monde entier. L’abolition de l’esclavage ne provoque pas de profonds changements dans la condition des Noirs toujours discriminés, mais elle leur ouvre des perspectives nouvelles. De nombreuses chorales se créent, dans chaque communauté noire et dans chaque quartier. Dans les villes, les negro spirituals évoluent pour donner le gospel. Le gospel délivre un message plus direct que les spirituals, plus optimiste et plus ancré dans la réalité de la vie quotidienne, il témoigne d’une volonté de tisser des liens étroits, voire familiers entre le monde divin et la société contemporaine. Son expression musicale se modernise sous l’influence de musiques profanes comme le blues, puis le jazz, le rock et d’autres styles musicaux actuels, en réalité plus ou moins dérivés des spirituals. Que l’artiste sorte sous les feux de la rampe ou dans la chaleur du temple, le public ne peut que participer à la ferveur de la communion. Cette ferveur du chant, cette intensité, cette passion dans la prière et les élans du corps et cette mémoire du gospel prend tout son sens quand sont mis en expression feeling et moaning and swing qui font dire aujourd’hui que le gospel se voit autant qu’il s’écoute. Une musique spirituelle par un chœur qui a du… cœur.
À voir la salle comble conquise par un seul et même message d’amour et de partage, l’on se prend à rêver que le Soweto Gospel Choir puisse porter sa voix, à travers des haut-parleurs mégasupergéants, dans toute la région, sur toute la terre. Pour envelopper la planète bleue d’une prière, une invocation à s’aimer les uns les autres, à ne pas s’autodétruire avec...