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Actualités - CHRONOLOGIE

FESTIVAL AL-BUSTAN - Quatre chœurs, deux solistes et l’OSNL pour le « Requiem allemand » de Brahms Les âmes des justes dans la main de Dieu… Edgar DAVIDIAN

Un moment faste et d’émotion exceptionnel, dans la programmation du festival al-Bustan qui a élargi ses embranchements jusqu’à l’église Saint-Joseph (USJ) avec le magnifique Requiem allemand (Ein deutsches requiem, op 45) de Johannes Brahms. Dans une église illuminée et pleine jusqu’aux derniers bancs (du beau monde, religieusement à l’écoute et pas simple abonné à l’applaudimètre) avec des bougies allumées ceinturant les galeries d’arcades supérieures avec, au-dessus de l’autel, deux immenses candélabres en fer forgé noir, se déroule, en toute grave solennité, cette ode à la mort. Une mort planant plus autour des vivants en mal de vivre que du noir de l’ultime voyage, paisible et presque heureux…Une œuvre, certes d’une grande et majestueuse beauté sonore, mais à part entière dans la littérature de la musique sacrée et non liturgique. Au sein de la nef de l’église ornée de quelques conifères en pot d’argile, face à l’auditoire, quatre chœurs vêtus de noir : les chœur de l’Orchestre de chambre de Prague, de l’AUB, de la NDU et celui du Conservatoire national supérieur de musique. Pour les solistes, la beauté de la voix, pleine de mansuétude et d’une consolation faite femme, de la soprano Claudia Couwenbergh et les accents chargés d’une profonde piété, mais habitée d’une certaine revendication (car l’homme a ici visage d’amertume pour Brahms) du bariton Marek Kalbus. Pour accompagner cette colossale et somptueuse fresque chorale, l’Orchestre symphonique national libanais placé sous la houlette de Dmitri Jurowski. Dès les premières mesures de ce Requiem (que Brahms aurait voulu intituler « humain » tant il y parle surtout de la condition humaine) en sept parties, nanti de toutes les beautés sonores de la langue allemande, un monde tissé et tendu de velours noir s’instaure… Velours de la nuit, de la mort, du froid, de l’absence, des vivants en souffrance et en manque de vie…. L’être, le néant et le trône de Dieu… La Grande faucheuse et les voix humaines… Le chant, la mort, la vie... Détresse et élévation. Dans cette troublante et chaotique spiritualité, les Écritures saintes ouvrent la voie à la clarté en chassant les ténébreuses ambiguïtés pour soutenir, enrichir et illuminer la musique de Brahms. Un Brahms au faîte de son art malgré sa jeunesse, car rompu à l’art de signer un motet, une fugue, un prélude…Un Brahms qui a perdu, le temps de cette fiévreuse mais patiente gestation créative , c’est-à-dire entre 1865 et 1868, un ami (Robert Schumann) et une mère. Un Brahms au cœur en écharpe et déroute sentimentale, et que la vie ne réchauffe plus… Un hommage à la vie La lumière après les grandes douleurs... Une lumière douce comme un peu de soleil dans l’eau froide… Tel se présente ce sublime opus, plus une cantate très développée qu’un Requiem traditionnel. Un Requiem qui parle plus de la souffrance des vivants que de la mort elle-même. Un opus bien loin de celui de Mozart ou de Verdi… Polyphonie savante, riche et saisissante (en fait un point de rupture, et une charnière capitale et unique dans la chaîne de la musique sacrée) comme un vibrant hommage à la vie pourtant si éphémère et si vaine. D’esprit typiquement luthérien, cette œuvre grandiose séduit et émeut par son audacieuse liberté d’expression, sa poésie diaphane et ses synthèses inédites tout en rejoignant, dans une vision humaniste d’une confondante modestie et humilité, le sens de l’universel. Par-delà les abîmes frôlés ou côtoyés, l’homme dans sa vanité et sa fragilité reste un fétu de paille et un grain de poussière devant la gloire de Dieu et l’incommensurable de l’infini… Non pas une prière et encore moins le tragique des chants funèbres, mais ce qu’on murmure et confie entre cicatrices et sanglots longtemps retenus, entre ébauche d’un sourire et larmes finalement écrasées… Rien ne pouvait déranger ce chant ample et hors du temps de cet éblouissant Requiem, pas même les insipides tirs nourris et l’insignifiant baroud d’honneur « berriens » pour une intervention télévisée… Comme un immense vaisseau toutes voiles dehors fendant paisiblement et hautainement la mer, le Requiem allemand de Brahms suit son parcours, dans la lumière d’une frémissante et radieuse spiritualité, impassible, d’une souveraine et bouleversante beauté sonore.
Un moment faste et d’émotion exceptionnel, dans la programmation du festival al-Bustan qui a élargi ses embranchements jusqu’à l’église Saint-Joseph (USJ) avec le magnifique Requiem allemand (Ein deutsches requiem, op 45) de Johannes Brahms.
Dans une église illuminée et pleine jusqu’aux derniers bancs (du beau monde, religieusement à l’écoute et pas simple abonné...