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CONFÉRENCE - En ouverture de l’exposition de gravures et de lithographies anciennes au Kulturzentrum Richard Chahine sur les traces des orientalistes allemands au Liban...

Antiquaire passionné d’histoire, d’art, de sites et de paysages, détenteur de la plus grande collection de gravures au Moyen-Orient, auteur de dix volumes consacrés au patrimoine libanais, Richard Chahine est un érudit qui aime partager ses connaissances. Régulièrement invité à donner des conférences, au Liban et à l’étranger, il a tenu hier au Kulturzentrum (Jounieh)* – à l’occasion de l’inauguration d’une exposition de gravures et de lithographies du XIIIe au XIXe siècle tirées de son fonds personnel – une causerie accompagnée de projection sur le thème des « Orientalistes allemands au Liban. Du XIIIe au XIXe siècle et l’art de la gravure ». « L’orientaliste est toute personne qui se livre à l’étude des langues, des civilisations, de l’histoire et des mœurs de l’Orient », a commencé par définir le conférencier, soulignant qu’« à tort ou à raison, l’on considère les orientalistes comme étant les étrangers venus en Orient, alors que cette science, dans toutes ses ramifications, est née en Orient avant d’être introduite, par la suite, en Occident ». En effet, l’introduction des sciences humaines de l’Orient en Europe – transmise par les savants araméens et syriaques – date du VIIe siècle. « En 1230, par exemple, vingt clercs libanais furent envoyés en Occident, tandis que le mouvement inverse ne débuta que vers la fin du XIIIe siècle. » « Est considéré comme orientaliste Gabriel el-Sahiouni (1577-1648), de son nom latin Sionites Ehdensis (de Ehden), un des multiples savants libanais, qui enseigna au Collège de France où une plaque commémorative lui est consacrée », indique, à titre d’exemple, M Chahine. Cette science, née donc en Orient, fut propagée par la suite grâce aux manuscrits acquis par les premiers pèlerins et notamment les croisés arrivés en Terre sainte en 1096. Vestiges teutoniques à Moukhtara Parmi ces ordres hospitaliers et militaires, l’ordre Croisé germanique des Teutoniques – dont les membres étaient recrutés parmi la noblesse allemande – fut fondé à Jérusalem en 1128. « Cet ordre exerça une influence prépondérante en Terre sainte et au Liban, en particulier dans la région du Chouf, dont – pour une raison encore ignorée – il avait la responsabilité quasi exclusive », nous apprend Chahine. « L’ordre des Teutoniques possédait 34 casals (domaines), fortins ou forteresses au Chouf et 10 dans d’autres régions du Liban comme Sarepta (Sarafend), la forteresse de Tyron (Tibnin), Ghosta, ou encore Montfort (la qalaat el-Chemaa ou forteresse des Bougies). Bâtie en 1226 par les chevaliers teutoniques, la forteresse de Montfort fut démantelée par le sultan mamelouk Baibars en 1271 après la reddition de l’Ordre allemand qui obtint la liberté en échange de ses trésors », relate le conférencier. Qui soutient, par ailleurs, qu’« après le départ des derniers croisés en 1291, les forteresses du Liban furent toutes rasées au sol par les Mamelouks de peur que les Francs n’y reviennent ». Ce qui explique qu’on n’en trouve aujourd’hui que de très rares vestiges parmi lesquels figurent « les voûtes d’entrée du sous-sol du palais de Moukhtara, fragments d’un casal des croisés teutoniques ». Richard Chahine, qui a recensé plus de 200 auteurs orientalistes allemands ayant visité la Terre sainte et le Liban, cite, parmi les plus importants, Simon Burchard, « dont le manuscrit nous révèle qu’en 1287 la Békaa, nommée Baccar, était à l’est, les frontières du Liban », ou encore Furrer en 1565 et Rawolf en 1574, qui visitèrent les Cèdres et y dénombrèrent, à l’époque, 25 arbres millénaires. « Sans oublier la mission Wiegand qui, en 1898, s’est chargée de remettre en place la clef de voûte de la porte d’apparat du temple de Bachus qui, suite au tremblement de terre de 1850, menaçait de s’écrouler et ne tenait que par un muret construit par les habitants de Baalbeck », révèle, parmi nombre d’autres petites histoires, le conférencier. Lequel signale encore qu’« en 1386, la première école des langues orientales fut fondée à Heidelberg, suivie en 1402 par l’Université de Wurzburg ». Un château de la mer dans le port de Beyrouth Certains auteurs se faisaient accompagner par des artistes de grand renom qui dessinaient d’après nature des sites souvent malheureusement disparus. « Ces auteurs et ces peintres – aidés plus tard par les graveurs – nous ont transmis et restitué un patrimoine archéologique, religieux et culturel aujourd’hui largement disparu. Ainsi, c’est grâce à une gravure ancienne (signée W. H. Bartlett et datée de 1836) que l’on a pu retrouver la trace du château de la mer du port de Beyrouth, qui avait été détruit par les Ottomans. Lesquels avaient utilisé ses pierres pour construire les quais et agrandir le port afin d’y recevoir la flotte accompagnant le kaiser Guillaume II et la kaiserine Augusta Victoria en 1898 », dévoile encore cet érudit qui, en vingt-cinq ans, a mémorisé sur ordinateur le fruit de ses recherches compulsées dans les textes de plus de 3 500 auteurs. Sa manière à lui de contribuer à « reconstruire l’image du pays aux yeux du monde et aux yeux des Libanais eux-mêmes... ». Z.Z. * L’exposition de gravures et de lithographies du XIIIe au XIXe siècle, tirées du fonds de la galerie Chahine, se tient jusqu’à fin février au Kulturzentrum, Jounieh, près du téléphérique.
Antiquaire passionné d’histoire, d’art, de sites et de paysages, détenteur de la plus grande collection de gravures au Moyen-Orient, auteur de dix volumes consacrés au patrimoine libanais, Richard Chahine est un érudit qui aime partager ses connaissances. Régulièrement invité à donner des conférences, au Liban et à l’étranger, il a tenu hier au Kulturzentrum (Jounieh)*...