EXPOSITION - À partir de ce soir, à la galerie Janine Rubeiz* Rim el-Jundi, un cœur dans la malle

Sur des toiles (grand et petit format) ou en gravures, Rim el-Jundi reproduit ses impressions, son vague à l’âme et sa vision du départ. « The Road to the Airport » est un travail nourri de son expérience personnelle et de la culture du bassin méditerranéen. Il est affiché sur les cimaises de la galerie Janine Rubeiz jusqu’au 23 février. La route de l’aéroport de Rim el-Jundi est un espace où se retrouvent les questionnements, la nostalgie, l’attente et le chagrin. Dans cette spirale finale avant le départ, l’artiste s’interroge sur les causes de l’émigration et illustre ses états d’âme en une série de toiles, à mi-chemin entre le réel et l’irréel. Pourtant, le travail de Rim el-Jundi est bien réaliste puisqu’il traduit un flot de sentiments parallèles qui n’ont fait que s’exacerber au fil des années pour enfin se croiser et s’épouser. Qu’est-ce qui pousse un peuple à souhaiter le départ ? Pourquoi veut-on quitter un pays où l’on est né et l’on a accumulé toutes sortes de souvenirs ? Une seule et unique raison, l’exaspération absolue . « J’ai pourtant démarré ce travail en 2003, avoue Rim el-Jundi. Une date qui ne présageait encore rien de mauvais. Mais je pressentais un changement qui s’opérait au Liban. On reste dans un pays à cause du lien d’amour qui nous lie à sa terre et à son peuple. Mais on se réveille un beau matin en voyant que le pays que nous aimons n’existe que dans nos rêves. Alors on décide qu’il est temps de faire sa valise. » Élévation... Sa malle à elle, l’artiste l’a traduite en croquis et en couleurs. Elle est parfois remplie de soleil, ces rayons lumineux que l’émigrant emporte avec lui vers d’autres horizons. Fil conducteur de ses œuvres, elle est accompagnée d’un vol d’avion ou de l’image d’un passeport. Les personnages, eux, ont ce regard fixe et regardent tout droit comme les figures des icônes. Rim el-Jundi avoue avoir été tellement fascinée par l’iconographie qu’elle a choisi ce thème comme sujet de maîtrise. « J’ai réalisé par la suite que mon travail se nourrissait à mon insu de cet art oriental. » Et d’ajouter : « Les icônes sont captivantes car elles se révèlent au fur et à mesure au regard, comme une photo polaroïd. » Révélation, dans les couleurs que Rim el-Jundi a su intensifier et éclairer d’une lumière intérieure pour enfin se diffuser sur les toiles. Illumination à travers les couches de teintes brunâtres rehaussées par un rouge flamboyant ou des dorures élégantes. Illumination encore dans cette élévation vers le ciel que dessinent un vol d’avion ou les ailes d’anges que déploient ses personnages. Illumination enfin à travers le mysticisme des religions de la Méditerranée revisitées d’une manière transcendantale. L’écriture picturale de Rim el-Jundi est lisible et claire. Elle raconte les remous d’une âme et se distille par le contraste entre le statique et le mouvement, le coloré et le neutre, le transparent et l’opaque, le passé et le contemporain. À travers les timbres que l’artiste a savamment dissimulés sous les couches de peinture, les signes et repères qu’elle a parsemés sur la toile, les noms parfois ludiques qu’elle a donnés à ses œuvres (des titres de chansons...), Jundi est parvenue à dessiner un jeu de piste menant vers un voyage intérieur où l’on se perd et se retrouve à loisir. Car enfin, cette route qu’elle a tracée vers l’aéroport parle-t-elle d’une réelle envie de départ ? Ne réprime-t-elle pas un égarement ? Comme un besoin d’exprimer sa lassitude dans cette explosion de lignes et de couleurs. Colette KHALAF * Beyrouth-Raouché, jusqu’au 23 février. Tél. : 01/868290.