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Actualités - OPINION

LE POINT Chaises musicales Christian MERVILLE

Tout a commencé par une vulgaire histoire de déchets domestiques. Voir Naples et mourir ? Oui, ont dit les habitants de la ville, mais pas de suffocation en raison des odeurs dégagées par les montagnes de détritus qui menacent l’environnement. La grogne s’amplifiant, le gouvernement a tenté alors de s’attaquer au problème. En vain. On ne règle pas une crise qui dure depuis quatorze ans en improvisant des semblants de solutions : un jour, on appelle l’armée à la rescousse parce que les éboueurs ont arrêté les opérations de ramassage sous prétexte que les décharges sont archipleines. Le lendemain, on décide la fermeture de l’une des deux usines de traitement, pour annoncer ensuite la prochaine réouverture du centre de Pianura, au grand dam des habitants, pendant que le ministre de l’Intérieur et son collègue de l’Environnement avouent leur impuissance. Et puis, on est dans la capitale de la Campanie, où la Camorra est reine. C’est elle qui a la haute main sur (aussi) ce secteur de la vie quotidienne et qui en veut à l’incorruptible Professore (le surnom de Romano Prodi), accusé de lui compliquer la tâche, éminemment humanitaire, comme chacun sait. Mais il n’y a pas que cela pour expliquer la nouvelle crise dans laquelle a plongé la péninsule. Il y a aussi le fait que le Vatican ne voit pas d’un œil bienveillant ce ministère de centre-gauche, dont le chef semble à des années-lumière des préoccupations de ses concitoyens. Chef de l’Église italienne, le cardinal Angelo Bagnasco lui reproche en outre son opposition à un amendement de la loi sur l’avortement et l’accuse d’avoir laissé se développer une opposition, menée par un groupe d’enseignants et d’étudiants, à une visite du pape à l’université La Sapienza. Le vénérable prélat est donc monté en chaire, l’autre jour, pour tonner contre ceux qui divisent la nation et tuent toute lueur d’espoir. À l’entendre, le pays était proche de l’abomination de la désolation promise par le prophète Daniel, surtout que le PIB espagnol venait de dépasser celui de l’Italie, que le contribuable ployait sous le poids des impôts et que les bons du Trésor atteignaient leur plus bas niveaux depuis six ans. Dans la brèche ouverte, il ne restait plus qu’à enfoncer un coin, une mission confiée à Clemente Mastella, ministre de la Justice, dont l’épouse est sous le coup d’un mandat d’assignation à résidence dans le cadre d’une fangeuse affaire de corruption. Le digne homme a saisi le prétexte ainsi offert pour quitter le navire en perdition, et priver du coup le président du Conseil d’un apport précieux, celui des sénateurs de sa minuscule formation catholique, l’Udeur, aussitôt rejoints par les membres de l’équipe de l’ancien patron de la Banque d’Italie Lamberto Dini et ceux d’une formation centriste catholique. Dès lors, l’issue du vote ne pouvait faire l’ombre d’un doute et il ne restait plus à Prodi qu’à présenter sa démission au président de la République. Ouverte dans la confusion, la crise débouchait sur une pantalonnade digne de la Commedia dell’arte. Pour célébrer l’événement, les sénateurs de Forza Italia, la coalition conduite par Silvio Berlusconi, débouchaient une bouteille de champagne et se voyaient bien vite rappelés à l’ordre par le président de la Chambre haute, Franco Marini, d’un sec : « Faites-moi disparaître cela ; nous ne sommes pas ici dans un pub. » Dans la rue, les conducteurs de taxi actionnaient à fond leur klaxon en lançant : « On l’a fait ! » Placides, ils en ont vu d’autres dans un pays qui s’apprête à accueillir son 62e gouvernement depuis la fin de la guerre, les spécialistes se faisaient une raison : « En vingt mois, l’équipe sortante n’a pas eu le temps de légiférer en matière d’économie, trop occupée qu’elle était à préserver une instable majorité constituée de neuf partis à l’Assemblée nationale et de quelques maigres voix au Sénat. » Ce qui va se passer maintenant n’est que facilement prévisible, hélas. Les consultations entamées par le président Georgio Napolitano, un rescapé du Parti communiste aujourd’hui âgé de 82 ans, devraient prendre fin dans la journée d’aujourd’hui quand, après une réunion avec ses deux prédécesseurs, Francesco Cossiga et Oscar Luigi Scalfaro, sera appelé à choisir entre deux termes de l’alternative : des législatives anticipées, après dissolution du Parlement, ou bien un cabinet de transition en attendant une réforme de la loi électorale. À moins qu’il n’opte pour un délai de réflexion ou encore pour un mandat exploratoire qui serait confié à une personnalité neutre. Un recours aux urnes signifierait, à en croire les derniers sondages, un retour du Cavaliere, après une éclipse de deux ans et une cascade de faux pas. Et déjà les scandales se remettent à pointer le nez : le grand manitou de la télévision risque la comparution devant la justice pour une méchante affaire d’embauchage (de débauchage ?) par la Rai de cinq actrices. En politique, la comédie n’est jamais loin de la tragédie.
Tout a commencé par une vulgaire histoire de déchets domestiques. Voir Naples et mourir ? Oui, ont dit les habitants de la ville, mais pas de suffocation en raison des odeurs dégagées par les montagnes de détritus qui menacent l’environnement. La grogne s’amplifiant, le gouvernement a tenté alors de s’attaquer au problème. En vain. On ne règle pas une crise qui dure...