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Actualités - REPORTAGE

CORRESPONDANCE L’amour de Berlioz pour Harriet Smithson aussi « fantastique » que sa symphonie

« Laquelle des deux puissances peut élever l’homme aux plus sublimes hauteurs, l’amour ou la musique ? L’amour ne peut pas donner une idée de la musique, la musique peut en donner une de l’amour... » Sitôt ce cri du cœur poussé par Hector Berlioz, sitôt prouvé. Après qu’il ait rencontré, en 1827, une artiste irlandaise nommée Harriet Smithson qui campait à Paris les personnages shakespeariens d’Ophélie et de Juliette, le célèbre compositeur a écrit, en 1830, l’un de ses chefs-d’œuvre, La Symphonie fantastique. Fantastique comme cet amour que vient de conter Jude Morgan dans un ouvrage récemment publie aux États-Unis sous le titre Symphonie. Éperdument épris de l’actrice, il a avec elle une relation tumultueuse, mais l’épouse en 1833. L’union, qui ne devait durer que quelques années, avait dégénéré en tensions et dépression. Ils s’aimeront quand même jusqu’à la mort. Il y avait là matière à roman torride néanmoins, l’auteur de Symphonie, doublée d’une historienne chevronnée, a fait parallèlement une exploration approfondie de l’obsession amoureuse de l’art, du génie et de la folie. Et son texte qui coule de source musicale donne vie, couleur et dynamisme à ses caractères. Issue d’une famille d’artistes peu connus, Harriet devient actrice par besoin et non par ambition. Le succès et la gloire ne l’attirent pas. Et quand elle s’engage avec une troupe anglaise pour se produire en France, elle ne se doute pas qu’elle allait sortir de l’obscurité. Berlioz, lui, appartient à une famille riche pour qui, « on ne construit pas un futur avec la musique, à moins de devenir montreur d’ours ! » Le père du futur compositeur voulait qu’il devienne médecin comme lui. Berlioz se rebelle et se lance dans la vie artistique parisienne. Son professeur de musique, Jean-François le Sueur, le met en garde : « Vous ne savez pas ce que vous faites... Quoi qu’il y ait là du feu, du mouvement. Oui, vous êtes prometteur. » « La belle Irlandaise » Quant à Berlioz l’homme, l’auteur le décrit ainsi : « Vous devez le saisir rapidement. Il est toujours sur le point de faire quelque chose ou d’aller quelque part. Il n’est ni timide ni renfermé. Il est à la fois ostentatoire et difficile à percevoir, comme les étoiles dans les yeux. Vous les voyez. Puis quand vous les fixez, ils disparaissent. » Et dans sa tête ? « Elle résonne continuellement d’une belle musique qui ne cesse de jouer pour lui. » Après avoir rencontré « la belle Irlandaise », sa tête bourdonnait davantage, balisée par les visions d’Ophélie, et n’eut de cesse qu’en composant la Symphonie fantastique. Lorsque Harriet Smithson entend l’œuvre pour la première fois, elle est intimidée par son rôle de muse : « Pour lui, je suis le grand amour des âges, destiné à retentir pour la postérité à travers la centaine d’instruments de l’orchestre. Comment puis-je être à la hauteur avec mes quatre sous d’émotion ? C’est différent quand je suis Juliette ou Ophélie. Mais en réalité, je suis quelqu’un de plus petit. J’espère qu’il le réalise. » Berlioz rétorque : « Pourquoi séparer l’amour de la musique ? Ce sont les deux ailes de l’âme. » Dans ce roman où les caractères sont très bien enlevés, on retrouve aussi une excellente description des villes où se déroule l’histoire, de même que les nouveaux mouvements qui avaient galvanisé, à l’époque, le monde des arts. L’air du temps est ainsi défini : l’artiste se devait être un caméléon, capable de se faire à toutes les situations et à tous les sentiments, et « le nom donné aux différents maux dont on souffrait était le romantisme ». Pour suivre les cinq mouvements de la Symphonie fantastique, le roman comprend autant de chapitres. Il y a concordance entre la réalité et la partition, cette dernière étant ainsi conçue : la première partie, Rêveries et passions, parle d’un jeune musicien qui est malade d’amour pour une femme belle et charmante... À travers la musique, Berlioz revoit son image, torturé par l’idée du suicide, angoissé par cette femme... Suit Bal, un poème symphonique. Même lyrisme dans la troisième partie, Scène aux champs. Puis retour des tourments dans la quatrième partie, Marche au supplice, tourments qui vont crescendo dans la finale, Songe d’une nuit de Sabat.
« Laquelle des deux puissances peut élever l’homme aux plus sublimes hauteurs, l’amour ou la musique ? L’amour ne peut pas donner une idée de la musique, la musique peut en donner une de l’amour... » Sitôt ce cri du cœur poussé par Hector Berlioz, sitôt prouvé. Après qu’il ait rencontré, en 1827, une artiste irlandaise nommée Harriet Smithson qui campait à Paris...