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Actualités - CHRONOLOGIE

Quand un collectionneur de Munich fait revivre l’art d’une ville de l’Est

À Chemnitz, l’ouverture grâce à la prodigalité d’un collectionneur de Munich d’un musée abritant – pour la première fois en ex-RDA – une collection privée est un symbole et un rattrapage bienvenu 17 ans après la réunification de l’Allemagne. Pour cette cité industrielle saxonne à 200 km au sud de Berlin, la manière dont a vu le jour le musée d’art moderne Gunzenhauser, du nom du collectionneur Alfred Gunzenhauser, « est un cadeau » s’enthousiasme Thomas Friedrich, son jeune conservateur. L’Allemagne a salué ce nouveau musée en envoyant ce mois-ci son président Horst Kohler à son inauguration. Ce sont 2 500 œuvres, d’une valeur estimée entre 100 et 150 millions d’euros, qui ont été cédées au nouveau musée, dont un dixième sont exposées. Il abrite la plus importante collection d’œuvres de l’expressionniste Otto Dix (290 œuvres). Elles voisinent, pour ne citer que quelques noms connus, avec des Kirchner, Beckmann, Corinth, Schmidt-Rottluff ou Modersohn-Becker et la deuxième collection en Europe du Russe Alexei von Jawlensky. À l’angle de deux axes routiers, sur fond d’immeubles de béton, le bâtiment sobre et élégant en pierre de travertin est un témoin de la tendance de la « Neue Sachlichkeit » (« la nouvelle objectivité ») qui, revenue des excès colorés de l’expressionnisme, inspirait la pensée artistique allemande en 1930. Un contrat sur 150 ans a été signé entre le collectionneur et la ville : celle-ci administre, dirige, finance le nouveau musée. Une fondation est créée, en vertu de laquelle Alfred Gunzenhauser reste propriétaire des œuvres et du bâtiment. À 81 ans, il s’y est même fait installer un appartement pour être à proximité de ses trésors. « C’est un collectionneur aimant jouer à cache-cache », raconte Thomas Friedrich. Gunzenhauser, qui a bien connu Otto Dix, a débuté discrètement sa collection en 1954. Il en a pour la première fois exposé une partie sous le couvert de l’anonymat en 1998 à Leipzig. Il a ensuite rompu le mystère et fait savoir qu’il cherchait un musée pour l’abriter. Ni Stuttgart ni Leipzig ne lui offrant plus que quelques salles, la chance a sonné pour Chemnitz. Le bâtiment, succursale bancaire désaffectée, a été offert au collectionneur par la banque qui a participé à la rénovation. Rénovation moderne et dépouillée à l’intérieur, signée d’un architecte berlinois, Volker Staab, ayant à son actif d’autres musées allemands. Ce qui a séduit le collectionneur, c’est la concordance entre le bâtiment et sa collection : les artistes allemands qu’il a assemblés, ceux des premières décennies du XXe siècle marquées par la guerre, la révolte sociale et l’émancipation des mœurs, étaient eux aussi en quête de la « nouvelle objectivité » qui visait à dépeindre sobrement la réalité. Thomas Friedrich explique que ce musée est un juste retour des choses. « Quelque mille œuvres avaient disparu des musées de Chemnitz du fait de l’opération nazie contre “l’art dégénéré”, alors que plusieurs des peintres étaient de la région. Sur les 2 500 œuvres données, Chemnitz en récupère autant de la même période », dont beaucoup – comme les paysages de Dix – n’ont jamais été exposées. Un dicton circulait, raconte-t-il, sur cette ville ouvrière, baptisée Karl-Marx-Stadt sous le communisme, jalouse de ses attirantes voisines : « C’est à Chemnitz que l’argent est gagné, à Leipzig qu’il est négocié et à Dresde qu’il est dépensé. » Chemnitz attend de ce fleuron une reconnaissance tardive et la venue de touristes. S’ajoutant à d’autres musées créés récemment en ex-RDA, il peut être aussi « un phare » dans un paysage socialement difficile, en diffusant un art résistant aux néonazis d’aujourd’hui comme aux nazis d’hier, espère le conservateur. Jean-Louis DE LA VAISSIERE (AFP)
À Chemnitz, l’ouverture grâce à la prodigalité d’un collectionneur de Munich d’un musée abritant – pour la première fois en ex-RDA – une collection privée est un symbole et un rattrapage bienvenu 17 ans après la réunification de l’Allemagne.
Pour cette cité industrielle saxonne à 200 km au sud de Berlin, la manière dont a vu le jour le musée d’art moderne...