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Actualités - OPINION

Perspective Vouloir, c’est pouvoir Michel TOUMA

L’aboutissement de cette présidentielle « à la libanaise » qui n’en finit pas de secouer le pays – et qui n’a sans doute pas sa pareille dans l’histoire des peuples – permettra peut-être de déterminer dans quelle mesure le terrorisme d’État et l’arrogance érigée en doctrine étatique continuent de payer dans cette région du monde, et plus particulièrement au Liban. Pour l’heure, force est de relever que ce terrorisme d’État auquel le pays est confronté depuis près de trente ans a culminé à l’approche de la présidentielle. Durant toutes les années d’occupation, la tutelle bénéficiait de la couverture bienveillante des principaux acteurs de la scène internationale, mais en 2004, sous l’impulsion des présidents George Bush et Jacques Chirac, ce « mandat » accordé à la Syrie au pays du Cèdre lui a été ôté. Cette décision stratégique a été prise sous l’égide du Conseil de sécurité de l’ONU, donc de toute la communauté internationale, et s’est concrétisée, dans un premier pas, par l’adoption de la résolution 1559. La contre-offensive n’a pas tardé à se manifester et s’est rapidement traduite par l’attentat contre le ministre Marwan Hamadé, en octobre 2004. La fronde politique et populaire contre l’Anschluss auquel le pays était soumis faisant boule de neige, il fallait frapper un grand coup. L’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri était vraisemblablement destiné, entre autres, à ébranler et plonger dans la déprime le front indépendantiste. Mais ce dernier, fort du soutien de la communauté internationale, a au contraire enclenché un véritable soulèvement. La révolution du Cèdre a réussi à aboutir au résultat escompté – et inespéré –, à savoir le retrait militaire syrien, grâce à des pressions arabes et internationales efficaces contre le régime de Damas. Ce fut alors le début d’une longue série de résolutions du Conseil de sécurité en faveur de l’indépendance politique du Liban. Et le début, aussi, d’une longue série d’assassinats politiques et d’attentats terroristes. L’entreprise de sape syrienne des acquis de l’intifada de l’indépendance s’est, certes, articulée sur la complicité active d’alliés locaux indéfectibles, en tête desquels le Hezbollah et Nabih Berry, qui ont, de surcroît, bénéficié de la couverture et du soutien non moins actif (bien que contre nature) du général Michel Aoun. Cette contre-offensive a atteint son apogée avec l’échéance présidentielle. Et c’est précisément à ce stade, et surtout dans la perspective de la phase postprésidentielle, que se pose aujourd’hui toute la crédibilité des acteurs internationaux – et dans leur sillage le Conseil de sécurité – qui, depuis trois ans, portent à bout de bras la cause du Liban « souverain et politiquement indépendant », pour reprendre les termes des nombreuses résolutions internationales portant sur le dossier libanais, adoptées depuis 2004. Une option stratégique lorsqu’elle est prise, comme ce fut le cas avec la 1559 et les autres résolutions onusiennes qui ont suivi, doit être menée à son terme. Et à cette fin, tous les moyens coercitifs doivent être mis en œuvre lorsque les saboteurs tentent de faire obstruction. Surtout s’ils ont recours à l’arme du terrorisme et des assassinats politiques. En mars-avril 2005, les puissances arabes et internationales ont exercé des pressions véritables et efficaces contre Damas et ont de ce fait obtenu le retrait syrien en un temps record. Vouloir, c’est pouvoir. L’exemple de la Corée du Nord – qui a été contrainte d’abandonner ses ambitions nucléaires débordantes – en est l’illustration la plus récente et la plus frappante. Le contexte est, certes, différent, et dans le cas spécifique de la Syrie (et de l’Iran), la conjoncture présente n’est pas la même que celle qui prévalait en 2005. Mais lorsqu’on est une grande puissance ou une puissance régionale, l’on possède nécessairement les moyens de sa politique, adaptables à la conjoncture du moment. Et l’on doit alors avoir recours aux moyens de pression requis si la volonté y ait. Face à un régime tel que celui qui est en place à Damas, la carotte ne suffit en aucune façon. Surtout lorsqu’elle est très peu alléchante. Les menaces et les dénonciations verbales, de même que les gesticulations médiatiques et diplomatiques, ne sauraient être efficaces. Les seules condamnations publiques, même si elles sont accompagnées d’accusations à peine voilées, ne sauraient stopper ou juguler les assassinats politiques, les attentats terroristes et l’entreprise systématique de sape politique. La coercition s’est montrée efficace, de manière particulièrement spectaculaire, en avril 2005. Pourquoi ne le serait-elle pas aujourd’hui, « façon 2007 », adaptée à la donne géopolitique du moment ? À moins que les puissances régionales et internationales n’aient plus de puissance que le nom. Ou à moins que le régime syrien ne bénéficie du ferme soutien de forces occultes inavouées et inavouables. Le Premier ministre israélien n’a-t-il pas rendu récemment hommage aux dirigeants de Damas ? Dans la bataille présidentielle actuelle, ce n’est pas une simple lutte pour le pouvoir qui est en jeu. Ce qui est surtout en jeu, ce sont des valeurs humanistes, une conception de la vie, un projet de société, fondés sur les libertés publiques, l’ouverture sur le monde, le pluralisme culturel, la diversité politique, les pratiques démocratiques, le droit à la différence et surtout le droit à une prospérité socio-économique, loin de l’aventurisme guerrier qui ne sert que des desseins supranationaux. Le Liban à cet égard constitue un avant-poste de défense. Le négliger reviendrait à miner, à terme et sous l’étendard d’une realpolitik abjecte, ces mêmes valeurs que l’Occident s’emploie à sauvegarder chez lui et à promouvoir dans cette partie du monde.
L’aboutissement de cette présidentielle « à la libanaise » qui n’en finit pas de secouer le pays – et qui n’a sans doute pas sa pareille dans l’histoire des peuples – permettra peut-être de déterminer dans quelle mesure le terrorisme d’État et l’arrogance érigée en doctrine étatique continuent de payer dans cette région du monde, et plus particulièrement...