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SIGNATURE - « Mémoires de survie », demain jeudi 6 décembre, à la Villa Audi, à 18h00 Maria Chakhtoura vous parle d’un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître... Zéna ZALZAL

Après « La guerre des graffitis » et « La gardienne du clan », voici les « Mémoires de survie » de Maria Chakhtoura. Un recueil d’articles qui abordent « la guerre au quotidien » durant les années allant de 1977 à 1984, que l’auteur signera, demain soir, à partir de 18h00, à la Villa Audi (Centre Sofil). Une sélection de plus d’une trentaine de « comptes rendus de la vie des Libanais sous les bombes » que cette sociologue de formation – qui venait tout juste d’intégrer l’équipe du journal – rapportait dans de nombreux reportages au cours desquels elle sillonnait le pays, alors cloisonné en différentes régions. Publié aux éditions L’Orient-Le Jour, préfacé par Issa Goraieb, conçu et réalisé par Saad Kiwan, cet ouvrage, que l’auteur a voulu comme « un devoir de mémoire », s’adresse, en premier lieu et dans un esprit de dissuasion, «aux jeunes qui n’ont pas connu la guerre, qui rêvent de la guerre ou qui ont la nostalgie de la guerre ». Puis aux plus âgés, qui vont retrouver dans ces « papiers d’ambiance » le rappel de jours que l’on voudrait espérer définitivement révolus ! Elle défiait les balles des francs-tireurs, Maria Chakhtoura, les barrages des miliciens, l’interdiction de son rédacteur en chef qui, cherchant en vain à la dissuader, menaçait de ne pas publier ses articles, pour... aller voir ce qui se passait de l’autre côté de la ligne de démarcation. De l’autre côté des différentes lignes de démarcation qui divisaient le pays du Cèdre en territoires des uns, impénétrables pour les autres. Mue par son insatiable curiosité des autres, tous les autres, et cette énergie combative qui la porte – toujours ! – à s’enflammer, à prendre fait et...plume pour la cause de ceux qui, souvent, n’ont pas droit à la parole, Maria Chakhtoura en rapportait des témoignages saisissants de « vérité impartiale » sur les ravages de la guerre. Des articles qui lui ont d’ailleurs valu, en 1989, le prix de l’information vraie décerné par le syndicat des journalistes de la Confédération générale des cadres de France. Elle partait seule, munie de sa caméra et de son courage, pour ne pas entraîner un photographe dans ses pérégrinations risquées, « pour ne pas le mobiliser aussi une journée entière », ajoute-t-elle, cherchant, comme à son habitude, à minimiser l’impact de ses faits et gestes. Elle partait le matin pour ne rentrer que le soir. Exténuée par toute la tension accumulée durant ces longues heures occupées à braver la peur – c’est en cela que réside le courage ! –  pour observer, sentir, enregistrer, comprendre les uns et les autres, de quelques bords qu’ils soient. Un regard de sociologue À peine rentrée chez elle, elle se jetait sur sa machine à écrire (l’ordinateur n’était pas encore là !) pour écrire « à chaud », témoigner avec toute la fraîcheur du ressenti, de ce qu’elle avait vu, découvert et capté de cette vie restreinte, réduite aux gestes de survie, emprisonnée dans des territoires fragmentés, que nombre de Libanais ont dû subir durant des années. Le lendemain, elle passait au journal pour remettre son article « déjà prêt et pour superviser le développement de la photo selon l’angle que je cherchais à mettre en valeur », se souvient-elle. Ces souvenirs, confiés à nous autres journalistes de son équipe, servaient parfois d’exemples, lorsqu’il lui arrivait de vouloir nous inculquer quelques notions de reportage. De ce journalisme de terrain, nourri de son regard de sociologue, qui est sa véritable passion. Précurseur, en quelque sorte, des femmes reporters que l’on a vu émerger durant la guerre de juillet 2006, Maria Chakhtoura s’escrimait, elle aussi, trente ans plus tôt, à rapporter à ses lecteurs des nouvelles des uns et des autres. Des nouvelles des uns aux autres. Elle brossait ainsi, aux habitants des régions plus épargnées, des descriptions détaillées de la vie de ceux qui, abrités derrière des sacs et des conteneurs de sable, essayaient de survivre, le long de la rue Monnot, à Sodeco, à Badaro, à Aïn el-Remmaneh, à Hadeth... Elle narrait, à ceux qui ne pouvaient plus y mettre le pied, les métamorphoses, sinon les mutations, de certains secteurs comme Raouché, la rue Maarad, Lazarieh, Bourj Brajneh. Elle se rendait au Liban-Sud prendre le pouls d’une région essentielle. En 1983, c’est elle qui donnait des nouvelles du siège de Deir el-Qamar. Elle a été jusqu’à suivre, à bord des bateaux de l’exode, ses compatriotes pour couvrir leur arrivée à Chypre... Mettant l’accent toujours dans ses articles sur « la volonté, la rage de vivre, la débrouillardise des Libanais. Ces qualités qui ont permis à ce pays de se maintenir en dépit de tout », relève-t-elle. Des scènes surréalistes Des reportages de survie qui, trois décennies plus tard, deviennent des mémoires de survie avec les petites histoires que l’ont retrouve dans les mémoires. À l’instar de certaines scènes dignes de films surréalistes, qu’il lui est arrivé de saisir en plein cœur de l’enfer, dans une rue al-Moutanabi entourée d’herbes folles, où elle découvre deux marginales recluses, ou à Aïn el-Remanneh, dans la désolation d’un no man’s land où retentit brusquement l’air de Non, rien de rien d’Édith Piaf... Durant la guerre, Jean-Pierre Péroncel-Hugoz avait proposé à Maria Chakhtoura de réunir ses articles dans un recueil qu’éditerait Le Monde. Elle avait refusé. Aujourd’hui que la guerre est – théoriquement – finie, il lui a semblé nécessaire d’évoquer, en textes et photos, ces années sans répit, ce temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître. Afin que souvenir ne se perde...
Après « La guerre des graffitis » et « La gardienne du clan », voici les « Mémoires de survie » de Maria Chakhtoura. Un recueil d’articles qui abordent « la guerre au quotidien » durant les années allant de 1977 à 1984, que l’auteur signera, demain soir, à partir de 18h00, à la Villa Audi (Centre Sofil).
Une sélection de plus d’une trentaine de « comptes rendus de...