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Le présentateur vedette du JT de TF1 explique à « L’Orient-Le Jour » les diverses facettes du personnage qui est le sien Patrick Poivre D’Arvor : Je ne conçois pas le journalisme sans engagement aux côtés des grandes causes

Ses seules initiales suffisent à le désigner : PPDA, le présentateur vedette du journal télévisé de 20 heures, Patrick Poivre D’Arvor, est un homme que la célébrité épanouit et qui sait en tirer bénéfice. À la fois journaliste, auteur prolixe et hôte d’émissions littéraires (« Vol de Nuit » sur TF1 et ses « Coups de cœur » sur LCI), il jongle avec ses atouts et ne craint pas de pousser son avantage. Cela ne l’empêche pas, du haut de sa notoriété médiatique, de nous recevoir avec simplicité et courtoisie, dans son bureau de TF1 donnant sur la Seine, et de se plier au jeu de l’intervieweur interviewé, avec une fausse désinvolture. De cette même voix grave, presque confidentielle, qui présente l’actualité tous les soirs, il explique les diverses facettes du personnage qui est le sien. « Le journalisme est mon métier, j’essaie de faire ça le mieux possible ; l’écriture est ma passion depuis toujours, j’avais dix-sept ans quand j’ai écrit mon premier livre. J’ai besoin d’avoir les deux. Il y a une part en moi qui s’autoéquilibre. Je crois que je n’aurais jamais pu continuer le journal télévisé si je n’avais eu, par ailleurs, l’écriture. Ça m’a nourri en passion, en énergie… ». Le mur tapissé de photos de sa fille disparue Solenn rappelle le drame du père que l’épreuve a poussé à s’engager au profit de l’adolescence en difficulté et de fonder « la maison de Solenn ». Son dernier livre J’ai tant rêvé de toi (éd. Albin Michel), écrit avec son frère Olivier et sélectionné pour les prix Goncourt et Renaudot, est dédié à Solenn et parle de l’anorexie et du mal-être à travers son héroïne partie à Prague à la recherche de son père. Mettant à profit sa « peoplisation », comme on dit aujourd’hui en France, le journaliste est un homme engagé, aux côtés de l’Unicef dont il est ambassadeur, de Reporters sans frontières, de l’enfance défavorisée. « Je ne conçois pas le journalisme sans engagement – des engagements ciblés, qui correspondent à des choses profondes en moi », explique-t-il. « Être connu et reconnu peut aider à braquer les projecteurs sur une cause, mais le sujet ne peut se résumer à une personne connue. Ensuite, il faut montrer les enjeux. » Le fait de côtoyer des personnalités politiques de premier plan lui a permis de connaître et de partager une dimension plus poignante dans son humanité, celle du malheur qui rassemble, et pas seulement les feux de la rampe et les paillettes de la gloire. Ainsi, par exemple, avec l’ancienne Première dame de France, Bernadette Chirac, très engagée sur le plan social, et notamment aux côtés de l’adolescence en difficulté. Si PPDA est un auteur amateur du XIXe siècle, « un siècle où j’aurais aimé vivre », et un admirateur des grands aventuriers comme Lawrence d’Arabie ou des grands explorateurs (Magellan, Marco Polo, Saint-Exupéry), il est aussi un journaliste à l’écoute du monde moderne... et du Liban. « À deux reprises, je m’apprêtais à participer au Salon du livre à Beyrouth, et à deux reprises, il a été annulé », regrette-t-il. « C’est une très mauvaise idée d’annuler le Salon du livre. Ce sont des événements comme celui-là qui montrent qu’un pays vit toujours. » Gros plan sur un entretien « tour d’horizon ». « Je ne regarde jamais la télévision » Q : Est-ce un avantage d’être à la fois journaliste, auteur et d’avoir une émission littéraire ? PPDA : Oui, je pense, et je le vis très bien. Une émission littéraire, c’est une surcharge de travail, mais je crois pouvoir comprendre ce qu’est la détresse des créateurs et me mettre à leur place. Je suis immergé dans ce milieu, je le connais. Par ailleurs, être auteur et recevoir d’autres auteurs, c’est plus compliqué, mais il ne faut pas se comparer ni se juger les uns les autres. Moi, j’essaie de mettre en valeur les gens, c’est ce qui m’intéresse, et donc d’être modeste vis-à-vis de mon propre travail. Q : Comment gérez-vous votre temps ? PPDA : C’est le plus compliqué. Je prends beaucoup sur mes nuits, je ne regarde jamais la télévision et j’écris où je peux, dans les transports, quand je suis en vacances, en toutes circonstances. J’ai besoin de ça. Je vis ces moments comme des vacances car je suis hors des contingences journalistiques, des rendez-vous, des horaires, etc. Q : Dans quelle mesure votre « starification » ou « peoplisation » a affecté votre métier d’auteur ? On peut penser qu’étant une personne très connue, une vedette, cela vous apporte une visibilité, une reconnaissance immédiate par rapport aux autres ? PPDA : Par rapport au premier livre par exemple, ça m’a aidé incontestablement à être publié. C’était Les enfants de l’aube, celui que j’ai écrit quand j’avais dix-sept ans. On y a vu des qualités littéraires, c’est un livre qui a bien marché. Après, les gens ont jugé sur ce que j’écrivais, c’est ce qui est le plus important. C’est vrai que je n’ai pas de difficulté à être édité, ce qui est très important et guère évident pour les auteurs. Par contre, au niveau de la critique, cela peut jouer, même si sur mon dernier livre, les critiques étaient excellentes. Ça peut également influer sur les prix littéraires, dans la mesure où certains disent : « Il n’en a pas besoin », ou que l’on me considère d’abord comme un journaliste. Q : Précisément, que pense le journaliste de l’actualité (guerres, catastrophes, famine, faits divers souvent sordides) ? N’aimeriez-vous pas présenter parfois de bonnes nouvelles ? PPDA : C’est quelque chose auquel j’ai bien réfléchi et depuis 5-6 ans, j’ai beaucoup modifié le JT de l’intérieur ; j’y insère plus de nouvelles positives où il s’agit de mettre en relief l’action de bénévoles, de gens qui s’impliquent, qui travaillent… C’est quelque chose dont nous, les journalistes, nous devons nous occuper, car je pense qu’il finira par y avoir un rejet (de la part du public) que nous devons éviter. La connivence avec les hommes politiques Q : Un journaliste vedette comme vous connaît forcément tout le gotha politique. N’y a-t-il pas à un moment donné une certaine complicité qui se noue entre le journaliste et l’homme politique, qui neutralise le regard critique et abolit la distance nécessaire pour l’objectivité ? PPDA : Il faut absolument éviter cela, vous avez raison. C’est un défaut qui nous guette et il faut éviter tout ce qui ressemble à de la connivence. Moi, je fais attention. Ce n’est pas parce que mon patron aime tel ou tel homme politique que je vais suivre ses goûts personnels – ce qu’il ne fera pas, et c’est déjà très important pour moi. Ensuite, je connais trop la versatilité du monde politique pour m’engager derrière un homme ou une femme, je ne saurais faire cela. Q : Par exemple, c’est vous qui interviewiez régulièrement le président Jacques Chirac, avec Arlette Chabot (de Fr2). Est-ce parce qu’il y avait des affinités ?... PPDA : Non, quand on regarde ces interviews, il y en avait de très dures, qui ne passaient pas très bien. Même chose avec Mitterrand. Quant au président Sarkozy, je l’ai interviewé deux fois et la première fois, les gens étaient estomaqués : j’ai reçu des lettres de personnes qui se plaignaient. Chaque président a un style différent et il n’est pas anormal de lui parler avec son vocabulaire à lui. On m’a demandé comment j’osais le traiter de petit garçon, d’agité, etc. Moi, je dis tout ce que je pense. Q : Sarkozy a-t-il bien pris la chose ? PPDA : Non mais attendez, on est chacun dans son rôle, c’est un avocat de formation, il sait très bien se défendre. Chacun doit utiliser ses armes et de cette confrontation naît toujours une vérité, c’est ça qui est passionnant. Q : Parlez-nous du journaliste engagé que vous êtes – puisque c’est ainsi que vous vous définissez dans votre livre Aimer, c’est agir. PPDA : Tout ce qui est l’enfance me touche, j’ai été particulièrement touché par l’adolescence en difficulté parce que j’ai vu les dégâts de l’anorexie sur ma fille Solenn. Donc, je suis très impliqué. Là, j’ai déjeuné avec Mme Chirac pour parler de la maison de Solenn, car elle est très impliquée et fait un travail formidable. À partir du moment où il y a eu l’inauguration de la maison de Solenn, j’ai pu être libéré pour m’occuper des enfants d’une manière générale et c’est pourquoi je suis devenu un ambassadeur pour l’Unicef. Q : Le temps ? PPDA : J’essaie de le prendre. Par exemple, le jeudi 29 je pars en Éthiopie pour l’Unicef, juste après le journal vers 20h30, et je rentrerai très tôt le lundi matin. Et j’espère que ça servira. Le fait d’être connu et reconnu apporte quelque chose. Mais le sujet ne peut pas être résumé à une personne connue. On attire l’attention et ensuite, il faut montrer les enjeux. « J’ai besoin d’admirer » Q : Il y a deux aspects de votre écriture : personnelle, qui parle de votre expérience intime, qui reflète votre épreuve, et puis il y a l’amour de l’aventure. Vous avez écrit sur les grands aventuriers : Lawrence d’Arabie, Pirates et Corsaires, Rêveurs de mers (Colomb, Magellan, Marco Polo, Francis Drake…), Courriers de nuit, la légende de Mermoz et de Saint-Exupéry… Vous identifiez-vous à ces gens ? PPDA : J’aime, j’ai besoin d’admirer. Quand je parle de St-Ex, de La Fayette, de Byron, de Lawrence d’Arabie, je parle de gens que j’aurais aimé connaître et peut-être que j’aurais aimé être. Q : N’êtes-vous pas un peu nostalgique d’un siècle où tout était possible ? PPDA : J’aime beaucoup le XIXe siècle, c’était un siècle où on osait, on faisait, on avait plusieurs vies, il y avait moins de barrières qu’aujourd’hui, il y avait beaucoup de choses à découvrir… Q : Est-ce qu’on a tout découvert aujourd’hui ? PPDA : Non, on n’a jamais tout découvert, mais c’est vrai qu’aujourd’hui, on connaît chaque mètre carré de la planète. Et puis l’époque était moins matérialiste, je pense. « Certains auteurs tiendront, d’autres tomberont » Q : Que pensez-vous de la littérature française contemporaine ? PPDA : Il est beaucoup trop tôt pour avoir du recul. Il y a des auteurs qui tiendront, d’autres qui se révéleront, peut-être même après leur mort, ce n’est pas impossible, et puis d’autres tomberont. Ils n’auront été que des auteurs populaires d’un moment. C’est trop tôt pour dire. Mais c’est vrai qu’on n’est plus dans l’âge d’or qu’on a connu avec les Gide, les Malraux, les Sartre, les Claudel. Ça peut revenir. Q : Mais avec l’inflation des livres qui sortent et leur durée de vie de plus en plus courte, y a-t-il une chance de voir émerger un Gide, un Malraux ? PPDA : Bien sûr ! Mais vous savez combien ces auteurs vendaient ? Combien Stendhal a vendu d’exemplaires de Le Rouge et le Noir ? Très peu d’auteurs ont très bien vendu. C’est pas mal qu’il y ait beaucoup d’auteurs. Le temps fera sa sélection. Q : Quel regard portez-vous sur les prix littéraires ? PPDA : Moi je suis favorable, je le dis d’autant plus facilement que cette fois-ci mon frère et moi étions en lice (pour le Goncourt et le Renaudot). Nous n’avons pas remporté de prix, mais il faut n’avoir aucune acrimonie, et se réjouir du fait qu’il y a un coup de projecteur qui est braqué sur les livres grâce à ce système des prix, pendant deux mois. Q : La francophonie, quel sens a-t-elle pour vous ? PPDA : C’est absolument important. On a cette langue en partage, il faut la faire vivre, la faire évoluer, dans tous les sens du terme, qu’elle aille dans des zones où elle n’est pas forte encore, qu’elle se renouvelle. Tous les apports sont bons à prendre… La francophonie apporte un plus, il y a des morceaux de livres magnifiques qui nous viennent d’ailleurs avec des écritures différentes, congolaise, libanaise, haïtienne. On a beaucoup de choses à apprendre des autres. Q : Un auteur d’origine libanaise que vous avez reçu dans votre émission ? PPDA : Un immense poète, exceptionnel, Adonis. Q : Vous avez rassemblé une anthologie des plus beaux poèmes d’amour. La place de l’amour dans le monde d’aujourd’hui ? PPDA : Ce qui est sympathique, c’est que ça n’a pas beaucoup changé, dans le monde. Au fond, les gens ont toujours besoin d’être amoureux, quoi qu’il arrive. C’est une permanence absolue de l’être. Le monde d’aujourd’hui n’est pas plus violent, mais nous avons tout en direct et très vite. Au XIXe, où j’aurais aimé vivre, il se passait beaucoup d’horreurs dans le monde, mais que les gens ne savaient pas et qui leur arrivaient aux oreilles plusieurs mois plus tard. Q : Est-ce à dire que nous étions plus protégés ? PPDA : Est-ce que la politique de l’autruche est la bonne politique de protection ? Est-ce parce qu’on ne savait pas qu’il faut en être fiers ? Là aujourd’hui, nous savons. Et nous ne pourrons pas dire à nos enfants : je ne savais pas. PARIS – Propos recueillis par Carole H. DAGHER
Ses seules initiales suffisent à le désigner : PPDA, le présentateur vedette du journal télévisé de 20 heures, Patrick Poivre D’Arvor, est un homme que la célébrité épanouit et qui sait en tirer bénéfice. À la fois journaliste, auteur prolixe et hôte d’émissions littéraires (« Vol de Nuit » sur TF1 et ses « Coups de cœur » sur LCI), il jongle avec ses atouts et ne craint...