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Actualités - ANALYSE

Analyse À l’approche des législatives, Ahmadinejad en position difficile Émilie SUEUR

Lors de la campagne pour la présidentielle, Mahmoud Ahmadinejad s’est affiché en balayeur de rue. Aujourd’hui, alors que l’Iran vit sous la menace d’une éventuelle intervention militaire contre ses installations nucléaires, le président semble avoir du mal à balayer devant sa propre porte. Depuis près d’un an, Mahmoud Ahmadinejad est l’objet de critiques émises des rangs réformateurs, mais également de la sphère conservatrice. Critiques qui devraient enfler, alors que des législatives sont prévues en mars prochain. Dernier revers en date pour le président ultraconservateur, la décision de la justice iranienne d’innocenter l’ex-négociateur nucléaire, Hossein Moussavian. Accusé d’espionnage, M. Moussavian, proche des modérés iraniens, dont les anciens présidents Mohammad Khatami et Akbar Hachémi Rafsandjani, a été blanchi par la justice. Sur ce dossier, des figures conservatrices, tels le président du Parlement et un conseiller du guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, ont en outre accordé leur soutien au pouvoir judiciaire, alors que certains organes de presse conservateurs critiquaient la virulence de la réaction du président au verdict énoncé par les juges. « Il n’est pas convenable qu’une personne, quels que soient son rang et sa position, soit à la fois accusateur, juge et décideur », pouvait-on lire la semaine dernière dans les colonnes du quotidien conservateur Jomhouri Eslami. Le président Ahmadinejad a évoqué des pressions politiques sur le juge qui s’occupe du dossier Moussavian. Hassan Rohani, directeur du centre de recherches stratégiques employant M. Moussavian et proche de M. Rafsandjani, a également adressé de sévères critiques au président iranien. « Une personne ne peut qualifier ses adversaires d’ennemis. On ne peut pas diriger le pays avec seulement trois ou 10 personnes, il faut utiliser toutes les capacités », a-t-il déclaré, cité par la presse. Une référence claire à la nomination de proches de M. Ahmadinejad au niveau de l’Exécutif ainsi que dans les administrations locales. Le président Khatami, jusque-là plutôt silencieux, est lui aussi monté au créneau. Dans un discours prononcé à Machhad, l’ancien président a réclamé la libération de trois étudiants de Téhéran arrêtés pour avoir publié dans des revues étudiantes des caricatures jugées insultantes à l’égard des valeurs sacrées. Ces arrestations ont entraîné plusieurs manifestations à l’Université de Téhéran ces dernières semaines. M. Khatami a également attaqué la politique économique du président iranien. « Nous soutenons la justice, mais la justice n’est pas synonyme de développement de la pauvreté », a-t-il déclaré. En octobre dernier, Mohammad Khatami avait déjà accusé le gouvernement de « changer les méthodes de calcul statistique ou de nier totalement les problèmes », notamment en ce qui concerne l’inflation. « Cela peut cacher les problèmes pour un certain temps, mais de telles méthodes ne permettent pas de les régler », avait-il insisté. La Banque centrale iranienne a indiqué que le taux d’inflation s’est accéléré avec 15,8 % sur un an à la fin septembre, contre 13,5 % à la fin mars. Dans les zones urbaines, l’inflation flirte avec les 18 %. Certains économistes estiment que pour l’exercice en cours, qui s’achève en mars 2008, l’inflation pourrait même dépasser les 22 %. Au sein même du gouvernement, le ministre du Bien-être social, Abdol Reza Mesri, a dû reconnaître que quelque 7,3 millions d’Iraniens vivent sous le seuil de pauvreté, soit 10 % de la population du pays. Il a imputé ce phénomène à la hausse des prix du logement. Mercredi, le ministre du Travail a, pour sa part, déploré le fait que le gouvernement ne prête pas suffisamment aux entreprises et n’ait pas réussi à entraver le flot des importations. Il y a un an, en octobre 2006, le guide suprême en personne était intervenu sur ce dossier et avait rappelé à l’ordre Mahmoud Ahmadinejad. À l’époque, le président s’était contenté de rendre les médias responsables de l’inflation. Pas suffisant pour le Parlement, puisque 150 députés, soit la majorité de la Chambre, avaient adressé, fin 2006, une lettre ouverte au président lui demandant de « réduire la dépendance du budget par rapport aux recettes pétrolières » et de « limiter les dépenses du gouvernement ». La gestion par Ahmadinejad du dossier du nucléaire n’échappe pas non plus aux critiques, émises parfois jusque dans les rangs conservateurs. En janvier dernier, le quotidien Jomhouri Islami, proche de Rafsandjani, avait appelé Ahmadinejad à éviter de parler du nucléaire « à tout bout de champ ». De son côté, le quotidien Hamshahri, lié à Mohammad Baqer Qalibaf, actuel maire de Téhéran et rival conservateur du président, écrivait que « les discours enflammés » du président avaient abouti « à l’adoption de deux résolutions » contre l’Iran, « alors que le dossier nucléaire était en train de sortir du Conseil de sécurité ». Politique, nucléaire, économique… peu d’aspects de la politique menée par le président Ahmadinejad échappent donc à la critique en Iran. D’ici aux législatives de mars, le président Ahmadinejad devrait vivre des temps difficiles, et ce alors même qu’il n’est qu’à mi-mandat.
Lors de la campagne pour la présidentielle, Mahmoud Ahmadinejad s’est affiché en balayeur de rue. Aujourd’hui, alors que l’Iran vit sous la menace d’une éventuelle intervention militaire contre ses installations nucléaires, le président semble avoir du mal à balayer devant sa propre porte. Depuis près d’un an, Mahmoud Ahmadinejad est l’objet de critiques émises des...