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FORMATION DES GOUVERNEMENTS Karim Pakradouni : La signature du président lui donne un droit de veto

Le chef actuel du parti Kataëb – « plus pour longtemps », tient-il à préciser – est une énigme et un phénomène rare sur la scène politique libanaise en raison de ses connexions contradictoires et de son influence cachée sur le cours de certains événements. Mais il évolue avec aisance dans toutes ses contradictions et livre un témoignage inédit sur le mode de formation des gouvernements depuis l’accord de Taëf. Selon Karim Pakradouni, il existe une règle non écrite qui veut que le Premier ministre choisisse les ministres musulmans et le président les chrétiens. Mais dans la pratique, certains chrétiens et musulmans sont incontournables en raison de leur poids politique et populaire. Ce fut ainsi le cas de Sleimane Frangié, de Walid Joumblatt, mais aussi, et surtout, pendant les années de tutelle syrienne, des ministres dits prosyriens. Pour tous les autres ministres, le procédé est le suivant : le Premier ministre présente une liste avec différentes alternatives au président de la République, qui lui donne son accord ou apporte des modifications, et il propose les noms des personnalités qu’il souhaite intégrer à l’équipe gouvernementale. Karim Pakradouni estime que c’est dans ce domaine que le chef de l’État a sa principale prérogative, celle qui lui permet d’influer sur le cours politique du pays. C’est en effet lui qui signe le décret de la formation du gouvernement et cette signature lui donne en quelque sorte un droit de veto. Ce droit est une compensation à la perte, dans l’accord de Taëf, du droit de choisir lui-même le Premier ministre, comme cela se passait auparavant. Au sujet du tiers de blocage, Pakradouni relate un fait qui remonte à 1989, avant la signature de l’accord de Taëf. Il se trouvait alors à Paris et Johnny Abdo l’appelle pour l’inviter à se rendre avec lui chez Rafic Hariri, qui préparait alors activement le texte de l’accord de Taëf. Une fois chez Hariri, celui-ci sort un texte. C’était le premier projet de l’accord. Pakradouni jette un regard rapide et déclare : la présidence n’a plus aucun pouvoir. Mais Hariri lui demande de le lire attentivement et de revenir le lendemain. Le second jour, Pakradouni revient avec la même impression, mais Hariri lui fait remarquer le point suivant : toutes les décisions importantes au sein du Conseil des ministres sont prises à la majorité des deux tiers des voix des ministres. Le président peut alors contrôler la situation à travers le tiers de blocage. Pakradouni fait alors remarquer que le président pourrait ne pas avoir ce tiers. Et Hariri de répondre : « Qu’est-ce qui l’oblige à signer le décret de formation d’un gouvernement dans lequel il n’a pas le tiers de blocage ? » En conclusion, si le chef de l’État n’a pas le tiers de blocage, ce sera de sa faute. Pakradouni poursuit son développement. Selon lui, le président Hraoui ne s’attardait pas sur ces questions et ne faisait pas valoir ses droits, d’autant que la tutelle syrienne contrôlait pratiquement les deux tiers du gouvernement. Quant au président Lahoud, au sein du dernier gouvernement, il avait au départ le tiers de blocage, mais « ses » ministres se sont retournés contre lui. Pour Pakradouni, cette règle n’est pas codifiée, mais elle est en vigueur. Dans la pratique, certaines forces devenues incontournables participaient au choix des ministres, comme Nabih Berry, Michel Murr, en plus de Hariri, Joumblatt et Frangié. Les élections législatives de l’an 2000 ont ensuite créé une nouvelle réalité sur le terrain, qui s’est imposée dans la formation des gouvernements qui l’ont suivie. En devenant les chefs de grands blocs parlementaires, Rafic Hariri et Walid Joumblatt ont commencé à choisir un ministre chrétien en plus de ceux de leurs communautés respectives. Face à cette nouvelle donne, Nabih Berry a exigé la même chose et cela est devenu une règle. La part chrétienne au sein du gouvernement est ainsi devenue le gâteau que toutes les autres communautés se partageaient. Lahoud a dû se plier car les élections de 2000 avaient été un coup pour lui. Toutefois, il a tenté de reprendre de l’influence au sein du gouvernement Mikati qui était le fruit d’un consensus entre l’Arabie saoudite et les États-Unis, mais aussi la France, sans une opposition de la Syrie, puis ensuite au sein du gouvernement Siniora. Et on connaît la suite. Enfin, le dernier point qui mérite encore d’être relevé, c’est qu’en se basant sur leur assise populaire, les leaders musulmans ont commencé à réclamer des portefeuilles plus importants au détriment des chrétiens. Ceux-ci ont ainsi perdu les Affaires étrangères et l’Intérieur, et ils ont pris en contrepartie la Justice et la Défense. L’équilibre est donc encore plus ou moins respecté.
Le chef actuel du parti Kataëb – « plus pour longtemps », tient-il à préciser – est une énigme et un phénomène rare sur la scène politique libanaise en raison de ses connexions contradictoires et de son influence cachée sur le cours de certains événements. Mais il évolue avec aisance dans toutes ses contradictions et livre un témoignage inédit sur le mode de...