Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

REPORTAGE - Le « Cirque du sourire » veut rapprocher musulmans, juifs et chrétiens La paix avec un nez rouge

La perruque ébouriffée et un gros nez rouge planté au-dessus de son sourire figé, Mohammad fait irruption en hurlant dans la salle de classe. Le « Cirque du sourire » (Dahka Circus) est arrivé à Khoura, un village bédouin du sud d’Israël. En passant d’école en école et de classe en classe, les clowns – avant-garde du cirque – sont venus annoncer la représentation qui aura lieu le lendemain soir dans le gymnase du village. Derrière Mohammad, à qui le déguisement confère une taille de 2,50 m, d’autres clowns gesticulent en chantant au rythme d’un tam-tam. Sur les bancs de l’école primaire Inar Khoura, les plus petits, surpris par l’intrusion du géant, sont pétrifiés. Certains pleurent. D’autres font mine de s’enfuir. L’institutrice, interloquée, est plaquée contre son tableau noir. « La paix avec le sourire ? Je n’y comprends rien », s’emporte la maîtresse en lisant le prospectus que les clowns distribuent en riant. « Mais je veux bien que nos enfants aillent au cirque pour voir de quoi il s’agit », ajoute-t-elle en regardant, soulagée, la troupe quitter sa classe pour aller perturber celle de sa collègue. Le chef de la troupe, Shantam Zohar, la petite quarantaine, barbe rousse et interminable queue-de-cheval, explique : « Notre seul objectif, c’est rapprocher musulmans, juifs et chrétiens. » « Pour faire la paix ici, il n’y a pas que les négociations. L’art, l’amour et le rire. C’est la vraie recette de la paix », ajoute cet ancien étudiant d’une université bouddhiste aux États-Unis. Le lendemain, le spectacle, rythmé par une musique endiablée, des numéros de jonglage, de trapèze, d’acrobatie au sol et les pitreries des clowns, s’articule autour d’une dispute entre une famille royale et une tribu de clowns pour un oranger qu’ils s’arrachent jusqu’à manquer se détruire mutuellement. L’intervention d’une fée va leur faire prendre conscience de la futilité de la violence. Les enfants, assis autour de la scène, ont les yeux rivés sur les artistes. Un cirque dans ce village de Bédouins sédentarisés est suffisamment inhabituel pour qu’ils n’en perdent pas une miette. L’idée du cirque a germé dans la tête de Shantam au début de l’année. Avec un groupe de quelques amis, aujourd’hui le noyau du « Dahka Circus », il s’est rendu en Bosnie, en août, pour recruter de jeunes talents lors d’un rassemblement d’artistes. Dans ses valises, il ramène Jérémie et Aurore, deux jeunes Français, une Suisse, un Néerlandais, un Bulgare, un Américain et une Irlandaise – Alicia Antoinette, qui campe l’oranger, est une fille aux grands yeux ronds comme des billes. En Israël, il rencontre Mohammad Hachimeh, un Palestinien de Jérusalem-Est, et Nina, une Franco-Libanaise, plus à son aise dans sa grande salopette jaune d’œuf que dans un tailleur sombre. Quatre Israéliens les rejoignent. « Le projet m’a touché », confie Aurore (23 ans), violoniste, un keffieh autour du cou, alors que des petits Bédouins s’accrochent à ses jupes. « Je me sens proche de ce conflit », ajoute la jeune fille originaire de Montpellier. « J’y crois fort, dit-elle, le rire libère les tensions, la colère, la haine. Il suffit de voir la petite étoile dans les yeux des enfants, juifs et arabes, à la fin de notre spectacle. » « Nous essayons quelque chose d’inédit. Lorsque les enfants rient, ils ne pensent pas en termes d’ennemis, de conflit, de pauvreté. Ils oublient leur quotidien », renchérit Jérémie, un Grenoblois saxophoniste aux allures de rasta. C’est la première tournée de la troupe. Pendant deux mois, elle va écumer les banlieues de Tel-Aviv et Haïfa, mais aussi le village palestinien de Shouaffat dans la périphérie de Jérusalem-Est. Le cirque espère aussi se rendre en Cisjordanie, à condition d’obtenir l’indispensable laissez-passer de l’armée israélienne. Patrick ANIDJAR (AFP)
La perruque ébouriffée et un gros nez rouge planté au-dessus de son sourire figé, Mohammad fait irruption en hurlant dans la salle de classe. Le « Cirque du sourire » (Dahka Circus) est arrivé à Khoura, un village bédouin du sud d’Israël. En passant d’école en école et de classe en classe, les clowns – avant-garde du cirque – sont venus annoncer la représentation...