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FESTIVAL D’AUTOMNE DE PARIS Déroutante « Appendice » de l’iconoclaste Lina Saneh

Immobile sur une chaise surélevée par une petite estrade, Lina Saneh accueille en silence les spectateurs. Rabih Mroué la rejoint quelques instants plus tard. Elle prend la parole en français. « J’ai un problème. Oui, j’ai toujours voulu être incinérée à ma mort. Mais l’incinération est interdite au Liban pour cause de religion. » Le ton est donné ! Rabih va alors, une heure durant, relater la démarche de son épouse Lina – celle-ci ne prononcera pas un mot du spectacle – dans sa volonté de décider librement du sort de son corps à sa mort. L’imagination de celle-ci pour contourner les obstacles prévus par la loi et la religion s’avère prolifique, et ses idées, plus saugrenues l’une que l’autre, abondent à flot ; c’est par exemple l’idée de « s’incinérer à petit feu » de son vivant, en brûlant progressivement des organes et parties de son corps de petite importance, qu’elle se ferait préalablement retirer, ou celle de contracter un mariage blanc avec un Européen dans le but de se faire incinérer en Occident, ou encore celle de se dépiauter… Mais à chaque fois surgit une objection qui lui fait abandonner son idée. Son ultime recours pour disposer de son corps réside alors dans l’unique forme de liberté en vigueur au Liban : la liberté économique. Lina décide ainsi de mettre les parties de son corps aux enchères sur un site Internet : www.linasaneh-body-p-arts.com. À sa mort, chaque propriétaire récupérera son dû. Malgré les applaudissements du public, Rabih Mroué ne reviendra pas sur scène, laissant Lina seule sur son socle, noyée dans un cône de lumière. Une Lina figée dans une posture intensément vivante, qu’elle n’abandonnera pas avant que le dernier spectateur ne quitte la salle. Plus qu’une œuvre d’art. À mi-chemin entre le théâtre et la performance, le spectacle et la conférence, Appendice soulève avec originalité, humour, provocation et audace la question fondamentale de la place de l’individu dans la société tribale libanaise. Celui-ci est contraint de ruser pour court-circuiter les instances religieuses et étatiques qui ne reconnaissent pas son existence en dehors de sa communauté. Les choix scénographiques extrêmes révèlent par ailleurs les interrogations de l’artiste concernant la représentation ; dans cet espace de jeu exigu et dénué de profondeur qui contraint à l’immobilité, seuls les mots peuvent se mouvoir. Des mots intenses, qui bousculent, et dont Rabih Mroué se fait le porte-parole. Dommage que sa diction ait présenté ce soir-là des imperfections ; cela empêchait par moments au texte d’atteindre le spectateur. Sarah HATEM
Immobile sur une chaise surélevée par une petite estrade, Lina Saneh accueille en silence les spectateurs. Rabih Mroué la rejoint quelques instants plus tard. Elle prend la parole en français. « J’ai un problème. Oui, j’ai toujours voulu être incinérée à ma mort. Mais l’incinération est interdite au Liban pour cause de religion. » Le ton est donné ! Rabih va alors,...