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Actualités - OPINION

... et le commentaire de l’équipe du « Courrier »

Vous avez mille fois raison de vous sentir révoltés par le contenu du documentaire. Tous ceux qui l’ont vu ici, au Liban, l’ont été aussi, je peux vous l’assurer. Nous étions révoltés parce qu’en dépit de tous les efforts déployés dans notre pays, au niveau officiel et à travers les ONG, pour mettre fin à la maltraitance des employées de maison étrangères, des abus continuent d’être répertoriés. Mais nous étions tout aussi révoltés par la demi-vérité que ce documentaire a laissé transparaître. Un journaliste qui se veut professionnel est dans l’obligation de donner à ses lecteurs l’information complète. Or, nous avons eu droit – et vous aussi – à une information tronquée. Et les exemples sont malheureusement nombreux : en déplorant la modicité du salaire accordé aux employées de maison, Mme Torrès a omis de signaler qu’il s’agit du salaire minimum libanais et que beaucoup de Libanais touchent 300 000 livres par mois (200 dollars), qui sont loin de permettre à une personne de subvenir à ses besoins (que dire alors des familles…) alors qu’une employée de maison voit toutes ses dépenses (y compris les soins médicaux et dentaires) couvertes par la famille qui l’héberge. En parlant des abus, Mme Torrès a généralisé d’une façon inacceptable, comme si les quatre millions de Libanais se sont transformés en tortionnaires. Pourquoi ne pas avoir parlé en même temps des employées de maison qui, non seulement sont traitées comme des membres à part entière de la famille qui les accueillent au point qu’elles ne veulent même plus quitter pour retourner chez elles ? Cela peut vous étonner, mais c’est la vérité (une vérité que les auteurs du reportage ont voulu ignorer), et vous ne pouvez pas d’ailleurs le savoir parce que la journaliste en question n’a pas jugé bon d’éclairer ses spectateurs sur ce point. Pourquoi n’a-t-elle pas parlé de l’initiative de la Sûreté générale qui a fermé des bureaux de placement qui, justement, traitaient des employées de maison comme des esclaves et considéraient qu’elles n’avaient aucun droit ? La liste de remarques sur ce qui se veut un documentaire mais qui sombre dans le sensationnalisme est malheureusement longue. Soyez sûrs que les Libanais savent très bien ce qu’est la souffrance. Ils ne la connaissent que trop bien, malheureusement, et ils n’avaient vraiment pas besoin de ce « nouveau front » que Mme Torrès a la prétention d’avoir ouvert dans la guerre politique et économique menée contre notre pays. Mme Torrès vient malheureusement d’y ajouter l’élément social. Si son seul objectif était de dénoncer l’esclavagisme moderne, pourquoi s’est-elle acharnée sur le Liban et omis d’évoquer certains pays du Golfe où la notion même de droit de l’homme en est à ses premiers balbutiements et où, contrairement au Liban, les employées de maison n’ont aucune voie de recours ? S’il est vrai que le Liban est un pays qui pratique l’esclavage (lui qui jamais à travers son histoire ne l’a connue autrement qu’en victime), pensez-vous qu’il se serait soucié d’avoir autant d’associations qui veillent à combattre justement les abus dont des employées de maison sont victimes ? Pensez-vous qu’un collège d’avocats se serait formé pour veiller à ce que les droits de ces personnes soient préservés face à des patrons abusifs s’il n’y avait pas une volonté de lutter contre les abus ? Des conférences de sensibilisation sur ce problème sont régulièrement données par Caritas Liban qui possède un centre pour accueillir les employées de maison maltraitées, tout comme il dispose de centres pour accueillir les enfants maltraités et les femmes battues. Est-ce que l’existence de ces deux derniers centres fait du Liban un pays qui maltraite ses enfants ou ses femmes ? L’Orient-Le Jour a évoqué à plusieurs reprises dans ses colonnes les difficultés auxquelles les employées de maison sont confrontées dans certains milieux. Il s’apprête de nouveau à le faire, et c’est pour essayer de réparer un tort que Mme Torrès a causé. Sciemment ou inconsciemment ? La question se pose.
Vous avez mille fois raison de vous sentir révoltés par le contenu du documentaire. Tous ceux qui l’ont vu ici, au Liban, l’ont été aussi, je peux vous l’assurer. Nous étions révoltés parce qu’en dépit de tous les efforts déployés dans notre pays, au niveau officiel et à travers les ONG, pour mettre fin à la maltraitance des employées de maison étrangères, des...