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Actualités - OPINION

Long métrage

Pour faire un film, on choisira le sujet, on fera venir des scénaristes pour rédiger un scénario, on organisera un casting pour engager les acteurs, on recrutera un musicien pour composer la musique, des cameramen pour filmer, des ingénieurs du son, etc. Pour organiser un génocide, on choisira le sujet – un prétexte en général –, on fera venir des historiens pour défendre l’idée derrière notre décision, on paiera des penseurs pour organiser ses étapes – ou même des romanciers ou des metteurs en scène –, on organisera un casting pour choisir les victimes et les bourreaux – naturellement, des bourreaux fantoches car les vrais tortionnaires ne doivent pas être connus ; on engagera les médias pour soutenir notre action et rapporter – filmer – ce qui se passe, etc. Voilà comment on peut justifier un génocide, c’est un long métrage, ni plus ni moins ! Mais quelle idée géniale ! De plus, on ne manquera pas de spectateurs qui s’arracheront même les places qui restent rien que pour assister à ce chef-d’œuvre réaliste du cinéma contemporain. Les bourreaux seront nos héros préférés : on s’inventera des excuses pour justifier leurs actions, on aura peut-être le cœur serré en regardant toutes ces atrocités, mais l’on ne démordra pas de son opinion. En fin de compte, nous ne sommes pas les victimes. Et si nous l’étions ? Parce que nous le sommes ! Depuis toujours, nous avons été choisis pour jouer le rôle des victimes. D’aucuns protesteront et exigeront le rôle des héros. Soit ! Des héros qui se font littéralement massacrer, c’est certes plus émouvant et saisissant. Or voilà le véritable danger : on accepte d’être exterminés à condition de l’être en tant que héros et non en tant que victimes. Voilà l’erreur : l’histoire ne se souviendra pas de ces « étoiles qui ont abreuvé la terre de leur sang », mais peut-être – et je dis peut-être parce qu’elle pourra ne pas s’en souvenir du tout – de ces « gens qui ont un jour habité cette région », aujourd’hui « lumière de l’Orient ». Seulement aujourd’hui ! Parce que l’histoire fera de nous « les bourreaux de notre nation », ceux qui ont empêché son développement et son ouverture sur le monde. Voilà enfin une vérité : l’histoire est hypocrite parce qu’elle est écrite par des gens de mauvaise foi, des organisateurs de génocide, des criminels. Un petit peuple qui se fait massacrer, victime d’un long métrage ! C’est cela notre histoire moderne. Il ne manque plus qu’ils prennent l’initiative d’institutionnaliser notre statut de minoritaire pour nous déclarer : « Vous n’avez le droit qu’à une représentation proportionnelle selon votre nombre. » Un génocide, vous dis-je ! Mais, la postérité le taira : peut-on faire en sorte qu’il en soit autrement ? Non ! Parce que nous n’avons pas le droit d’écrire l’Histoire ou du moins de participer à sa rédaction rien qu’en apportant notre savoir pour peaufiner un chapitre des plus insignifiants ; parce que, à l’heure qu’il est, nous devons tous avoir disparu ! Tous ! Les immenses batailles de la survivance, même pas de la vie mais de la survie, que nous avons menées ; le sang que nous avons versé pour nous convaincre de la possibilité d’exister, seulement de la possibilité ; tous ces sacrifices, toutes ces âmes chères qui nous ont quittés au printemps de leur vie ; tout cela pour en arriver là ? Le carnage continue, parce que le génocide, le grand génocide culturel s’abat sur les chrétiens de l’Orient, marche, marche et nous assimile ; et nous disparaissons... Et nous disparaissons... Rami Joseph RAHMÉ 20 ans 3e année de médecine – Paris 5
Pour faire un film, on choisira le sujet, on fera venir des scénaristes pour rédiger un scénario, on organisera un casting pour engager les acteurs, on recrutera un musicien pour composer la musique, des cameramen pour filmer, des ingénieurs du son, etc.
Pour organiser un génocide, on choisira le sujet – un prétexte en général –, on fera venir des historiens pour...