Laissez venir à moi les petits maronites… Depuis hier à Bkerké, le spectacle est sous les lambris. Monseigneur, qui fulmine grave depuis que ses ouailles politiques barbotent en dessous du niveau de la mer, avait choisi de les convier pour leur sonner les clochetons sous la pourpre cardinalice. Deux jours qui s’annoncent fastes avec rien que du beau linge : hier soir, Mongénéral et son Don Quichotte féodal qui se sont fait désirer toute la journée au motif que le menu du dîner était plus appétissant que celui du déjeuner ; aujourd’hui, un ancien chef d’État bien coiffé, un ex-patron milicien qui n’a plus les moyens de se coiffer, un cousin de chef d’État à la carrure de déménageur de piano, et un Batrounien replet et bavard. Deux camps dont les tenants refusent encore de se frotter l’un à l’autre, tant le fauteuil orphelin de Baabda leur affole la libido. Diable ! Ils ont bien fière allure, les Maroun-marrons du landernau ! Entre ceux qui se font sponsoriser par les sunnites et ceux qui mangent dans la main des chiites, c’est tout Antioche qui balance entre Ryad et Téhéran. Leur saint patron doit tressauter avec force 8.0 sur l’échelle de Richter et donner de furieux coups de pied dans sa pierre tombale. Les deux muftis d’en face, quant à eux, doivent bien ricaner sous leur turban. Jadis, dans le Liban de papa, les choses étaient bien plus simples. Il y avait d’un côté les Jésus-Marie-Maroun, de l’autre les Mohammad-Ali-Maarouf. Les indigènes d’alors étaient bercés au son des quolibets puis grandissaient à l’ombre des galets que s’envoyaient les protagonistes dans leurs gencives respectives. La politique en toute poésie… Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Alors on a appris à tout ce joli monde qu’il fallait aimer « l’autre ». Raté. Les yeux de l’amour ont souvent besoin de lunettes ! L’ouverture s’est faite en diagonale, divisant les chrétiens et laissant les chiites sur le carreau. Personne n’a pensé que dans ce pays cocasse, il y a toujours une tripotée « d’autres », chaque « autre » pensant qu’il est plus « autre » que tous les autres. Gaby NASR