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Actualités - OPINION

ÉCLAIRAGE - La campagne électorale tourne à l’émeute à Berne La tradition helvétique du consensus écornée

Des scènes d’émeute dans les rues de la capitale fédérale suisse à deux semaines des élections législatives ont écorné un peu plus la tradition helvétique du consensus, déjà mise à mal par les outrances du parti populiste de droite Union démocratique du centre (UDC). Vingt et un blessés, une quarantaine d’interpellations et plus de 100 000 francs suisses (66 000 euros) de dégâts : la manifestation organisée samedi à Berne par l’UDC a été bloquée par des casseurs d’extrême gauche qui s’en sont pris aux forces de police. L’UDC, devenu le premier parti de Suisse lors des dernières élections législatives de 2003 sur un programme xénophobe et antieuropéen, a pu ainsi se poser hier en innocente victime des extrémistes. « L’UDC sort gagnante des émeutes de Berne ! » constatait La Tribune de Genève, en remarquant que l’ensemble des partis ont dû se résoudre à défendre le droit de manifester de la droite populiste, à l’instar de la présidente suisse, la socialiste Micheline Calmy-Rey. « Les libertés d’expression et de rassemblement sont des droits fondamentaux de notre démocratie », a-t-elle rappelé, ajoutant : « Il est inacceptable que quelques extrémistes brisent ces droits par la violence. » L’UDC n’en est pas moins responsable de la rupture avec la tradition politique suisse du consensus, qui fait cohabiter au sein du gouvernement trois partis de droite (dont l’UDC) et le Parti socialiste, remarque le politologue Oscar Mazzoleni. Traditionnellement, les membres du gouvernement helvétique sont des « sages » qui se tiennent à l’écart des joutes électorales, sachant qu’ils se retrouveront face à face au Conseil fédéral une fois passé le scrutin, rappelle le politologue. Cette fois, l’homme fort du parti, le milliardaire zurichois Christoph Blocher, ministre de la Police et de la Justice, n’a pas hésité à participer à une manifestation alors qu’il savait qu’elle risquait de donner lieu à des émeutes, a dénoncé son collègue du gouvernement, Pascal Couchepin (Parti radical, droite). M. Blocher et son parti polarisent la vie politique suisse depuis une quinzaine d’années. L’UDC a fait de nouveau scandale avec son affiche de campagne pour le scrutin du 21 octobre : trois moutons blancs y sont représentés sur un drapeau suisse, l’un d’eux expulsant par une ruade un mouton noir hors du terrain rouge à croix blanche. L’affiche a été dénoncée par les associations noires de Suisse, tandis que l’UDC s’est défendue de tout racisme, expliquant vouloir seulement expulser du pays les délinquants étrangers. Les sondages réalisés avant les émeutes de samedi révèlent une grande stabilité du corps électoral, qui devrait replacer l’UDC en tête des partis avec un score proche de celui de 2003 (26,7 % des voix), devant les socialistes et la droite classique. Mais la dureté de la campagne pourrait convaincre les futurs députés de refuser de réélire Christoph Blocher au gouvernement, où il avait obtenu un siège de haute lutte à l’issue du précédent scrutin, estime M. Mazzoleni. À l’époque, une partie de la classe politique suisse avait fait le pari que l’UDC s’assagirait à l’épreuve du pouvoir alors qu’elle tend à se comporter toujours comme un parti d’opposition. « On a donné une chance à un parti qui ne s’est pas adapté aux règles de la concordance », analyse le politologue. M. Blocher a suscité une personnalisation inédite de la vie politique suisse. Son portrait apparaît sur de nombreuses affiches où il appelle les Suisses à le « défendre ». L’UDC dénonce un « complot » pour chasser du gouvernement M. Blocher, mis en cause dans un scandale pour avoir forcé à la démission un haut responsable du système judiciaire. Patrick BAERT (AFP)
Des scènes d’émeute dans les rues de la capitale fédérale suisse à deux semaines des élections législatives ont écorné un peu plus la tradition helvétique du consensus, déjà mise à mal par les outrances du parti populiste de droite Union démocratique du centre (UDC).
Vingt et un blessés, une quarantaine d’interpellations et plus de 100 000 francs suisses (66 000...