Clair-obscur
« Situation compliquée », « conjoncture internationale favorable ou défavorable », « deal entre les différentes parties », « ingérence étrangère », « complot contre le Liban », « majorité, minorité, blocage »… Stop ! Ça suffit ces inepties, ces bourrages de crâne, ces grosses couleuvres.
Dans ma tête de citoyenne lambda qui aime son pays, de Libanaise qui n’aspire qu’à pouvoir vivre simplement son quotidien, de mère qui voudrait que ses enfants restent auprès d’elle, les choses sont très claires, limpides comme le ciel de septembre. Et, au risque de paraître très simpliste, dans mon pays que je ne veux pas quitter, je vois deux sortes de gens.
Il y a des gens qui avancent et d’autres qui reculent
Il y a des gens qui créent et d’autres qui censurent
Il y a des gens qui survivent et d’autres qui s’arment
Il y a des gens qui travaillent et d’autres qui sabotent
Il y a des gens qui s’engagent et d’autres qui s’engagent ailleurs
Il y a des gens qui bâtissent et d’autres qui détruisent
Il y a des gens qui investissent et d’autres qui volent
Il y a des gens qui meurent et d’autres qui sont complices
Il y a des gens qui agitent le drapeau et d’autres qui le piétinent
Il y a des gens qui se sacrifient et d’autres qui trahissent
Il y a les Libanais et ceux qui ne méritent pas de l’être.
Tania Hadjithomas MEHANNA
Tragicomique libanais
19 septembre 2007 : le jour se lève, jusqu’ici tout va bien. Amen.
Un bruit déchire le calme. Une explosion. Des victimes. Cela, on ne le raconte plus, à chaque fois c’est plus douloureux. La tragédie libanaise s’inscrit désormais dans une étonnante routine qui franchement n’étonne plus.
On prie pour ceux qui ne sont plus, pour leurs âmes et leur famille. Amen.
Mais le Liban n’est pas seulement un lieu de tragédie, simplement parce que notre cher État et notre chère municipalité ont préféré assumer le rôle du comique dans cette série d’attentats sans fin. L’événement se déroule une semaine après, lorsqu’un commerçant, qui a par malheur vu son magasin se transformer en champ de désolation (situé à moins de 20 mètres du lieu de l’attentat de Sin el-Fil), se retrouve en train de constater les dégâts. Bien sûr, on ne parle plus de l’accès au « périmètre », quasi impossible, des milliers de « faveurs » demandées pour pouvoir visiter le magasin ; on ne parle pas des difficultés endurées avant d’atteindre ce magasin, des employés hospitalisés... On parle ici du toupet, de l’audace, ou peut-être finalement du sens de l’humour d’un policier municipal à la vue de la voiture de ce commerçant, garée près des lieux. C’était quand même trop tentant. Il faut faire régner la loi et l’ordre, même si c’est une semaine plus tard, même si c’est deux ans plus tard. Une voiture garée comme ça mérite une contravention, magasin pulvérisé ou pas. Un bout de papier sous un essuie-glace, une cerise sur le gâteau des malheurs d’un commerçant. Merci monsieur l’agent. Le Liban va bien. Amen.
Élie MATTA
Donner sans rien recevoir
Mais que veux-tu, mon Liban ? Que demandes-tu encore pour te redresser, pour endosser ce costume gai auquel nous n’avons plus droit depuis 35 ans ? Des manifestations ? On en a fait plein. Moi-même j’ai campé avec tous mes camarades de classe, des semaines et des semaines, pour réclamer l’indépendance, la souveraineté… Pour défendre une dignité violée par les occupants. Des sacrifices ? Mais n’en as-tu pas eu assez ? Regarde combien de Libanais sont morts ces trois dernières années, juste pour toi, pour que tu sois heureux, paisible, serein. Nous vivons avec la peur, le stress. Nous résistons encore contre toute tentative de vider le pays de ses citoyens ! Et toi ? Tu fermes les yeux et tu te bouches les oreilles. Le clergé prie pour toi, à commencer par le pape. Toutes les puissances du monde te portent un intérêt particulier.
Et toi, tu prends, tu prends… As-tu pensé une seule fois à nous donner quelque chose en contrepartie ? Même pas de la sécurité ! Tu n’as même pas jugé de ton devoir de nous ouvrir des opportunités de travail pour qu’on puisse avoir une vie digne. Un peu de modestie, mon pays. Un peu de pitié pour ceux qui t’ont aimé. Qui ont tant donné pour toi. Mais à force de donner, sans jamais rien recevoir, on commence à haïr.
Camille MOURANI
NDLR
Dans le nombreux courrier que nous recevons quotidiennement, certaines lettres comportent des passages qui seraient difficilement publiables. Pour cette raison, et aussi afin de faire paraître le plus grand nombre possible de lettres, le journal se réserve le droit de n’en reproduire que les parties les plus significatives et d’en rectifier certains termes désobligeants. En outre, chaque missive doit comporter la signature (nom et prénom) de son auteur. Les lecteurs, nous en sommes certains, le comprendront, ce dont nous les remercions par avance.
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