Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Conférence d’André Chieng à l’USJ sur « le modèle chinois de développement » Entre la Chine et le Liban, un trait commun : la capacité à s’adapter

Sous le titre « Existe-t-il un modèle chinois de développement ? Une approche culturelle et économique », une conférence de haut niveau a été donnée à l’USJ par André Chieng, président de l’Asiatique européenne de commerce (AEC) et vice-président du Comité France-Chine. D’une simplicité désarmante, Chieng se définit comme « un commerçant entre la Chine et la France qui essaie de comprendre ce qui se passe autour de lui ». Né à Marseille, de parents chinois, il circule entre Pékin et Paris, et vit depuis 2001 dans la capitale chinoise. Invité de la chaire Louis D–Institut de France d’anthropologie interculturelle, présidée par le P. Sélim Abou, recteur émérite de l’USJ, il explique, avant de s’installer derrière son pupitre, qu’il n’est pas là pour défendre une thèse. « On m’a fait dire que je cherchais à prouver que la Chine est supérieure à l’Occident. Ce n’est pas ça. La Chine n’est pas supérieure ou inférieure, elle est autre, elle est différente », dit-il. Présentant le conférencier, le père Abou inscrit cette conférence « dans le cadre de sa série de colloques et de conférences portant sur les problèmes de communication et les conditions de coopération entre mondes culturels différents ». La conférence s’ouvre sur une rapide présentation de l’économie chinoise : une croissance ininterrompue depuis 30 ans, sur une population de 1,3 milliard d’habitants ; une économie qui influe sur les prix de tous les produits de première nécessité ; une économie enfin qui ne suit pas le modèle démocratie-économie de marché. À la question figurant en titre de la conférence, le Pr Chieng finira par répondre : « Non, il n’existe pas de modèle chinois de développement. » Ce qui existe, par contre, dit-il en substance, ce qui fait de l’économie chinoise l’économie la plus compétitive du monde, ce n’est pas la main-d’œuvre bon marché, il en existe de meilleur marché dans le monde ; ce n’est pas la sous-évaluation du yuan ; ce n’est pas l’abondance de la matière première, la Chine en importe ; ce n’est pas enfin la supériorité de ses ingénieurs, ces derniers ne sont ni plus ni moins brillants que leurs confrères. Par contre, ce qui donne sa force et sa résilience à l’économie chinoise, c’est une extraordinaire faculté d’adaptation puisée au plus profond de la culture chinoise, qui, dit Chieng, « est une culture de la mutation, de la transformation », un peu comme dans le cercle taoïste dans lequel une ligne sinueuse sépare également le blanc et le noir, mais avec un point noir dans la partie blanche et un point blanc dans la partie noire. Un récit extrait de l’ouvrage de Chieng La pratique de la Chine, paru chez Grasset, illustre un peu ce point : « Autrefois, de l’autre côté de la Grande Muraille, vivait un vieillard qui élevait des chevaux. Un jour, son meilleur étalon s’enfuit. Ses voisins viennent pour essayer de le consoler de cette perte. Mais le vieillard reste impassible et dit : “Vous pensez que c’est un malheur, mais peut-être n’en est-ce pas un .” Quelques jours après, le cheval revient après une escapade dans la steppe, mais il n’est plus seul et il ramène avec lui toute une bande de chevaux sauvages. Le vieillard est donc riche et les mêmes voisins reviennent le congratuler. Le vieillard reste toujours impassible et réplique : “Qui sait ? Ce que vous appelez un bienfait peut fort bien s’avérer une malédiction.” Et de fait, le fils aîné du vieillard essaie de dompter les chevaux sauvages, fait une mauvaise chute, se casse la jambe et devient infirme. Mais quelque temps plus tard, une guerre éclate et le fils, grâce à son infirmité, échappe à la conscription… » La morale de l’histoire est simple : d’un mal peut sortir un bien, comme d’un bien peut sortir un mal. Fourmillant d’histoires et d’exemples, de lecture facile, quoique un peu déroutante, en raison même de la fluidité de la pensée chinoise, l’ouvrage est passionnant à lire. Entre la Chine et le Liban, Chieng relève beaucoup de points communs. « Je suis en admiration devant la capacité des Libanais à survivre, à s’adapter aux conditions extérieures, souligne-t-il. Les Chinois ont la même capacité. Je dis capacité, je ne dis pas qualité. Car on ne sait pas. C’est une façon de voir les choses. » Sur la différence culturelle entre la Chine et l’Occident, Chieng a des observations capitales. « Confucius, dit-il, affirme : “L’homme de bien tolère et ne copie pas.” Cette phrase est très importante. La sagesse voudrait que l’on soit capable d’accepter des idées qui ne sont pas les siennes. Or, l’Occident veut imposer ses idées. La démocratie est un bon système, mais est-ce une raison pour que je me permette de vouloir imposer la démocratie ? À force de le vouloir, on en arrive à faire preuve d’intolérance. Cela rejoint un peu la phrase célèbre de la Révolution française : “Pas de liberté pour les ennemis de la liberté.” » Chieng souligne aussi la différence entre les conceptions chinoise et occidentale du dialogue. « Pour les Occidentaux, le dialogue est un combat, certes pacifique, mais un combat quand même. Pour nous, l’objectif du dialogue n’est pas de convaincre l’autre, mais de se comprendre. Pour le dialogue interreligieux, ce principe vaut encore plus. Si je crois détenir la vérité, je dois prendre garde que cette conviction ne me pousse pas à l’intolérance. » « La Chine n’est ni supérieure ni inférieure à l’Occident, elle est différente, reprend Chieng. Elle est autre ; mon ouvrage explique ces différences et dit pourquoi elles sont importantes pour la vie quotidienne, les échanges commerciaux, les échanges culturels. » De quoi élargir nos horizons. Fady NOUN
Sous le titre « Existe-t-il un modèle chinois de développement ? Une approche culturelle et économique », une conférence de haut niveau a été donnée à l’USJ par André Chieng, président de l’Asiatique européenne de commerce (AEC) et vice-président du Comité France-Chine. D’une simplicité désarmante, Chieng se définit comme « un commerçant entre la Chine et la...