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Actualités - CHRONOLOGIE

CONCERT - À l’Assembly Hall-AUB, « Die Winterreise » de Schubert Ziad Nehmé, un jeune ténor à l’avenir prometteur

La saison culturelle qui a souffert d’un grand marasme cet été, vu les circonstances politiques pourries, risque de démarrer en trombe cet automne. Avec un concert de qualité qui vient de se donner à l’AUB où une salle pleine a applaudi à tout rompre deux jeunes talents à l’avenir prometteur. La musique a de nouveau le vent en poupe à Beyrouth. Sous l’impulsion conjuguée du programme Zaki Nassif, et du département des beaux-arts et d’histoire de l’AUB, le cycle des lieds Die Winterreise (Voyage en hiver) de Schubert était sous les feux de la rampe. Sur scène, pour ces paysages glacés, d’un romantisme bien germanique, habités par la neige, les corneilles, les corbeaux, un amoureux transi en quête de consolation et un vieillard en fin de vie, deux jeunes épris de musique, le ténor Ziad Nehmé accompagné au clavier, en toute belle complicité, de Vartan Agopian. On salue bien bas d’abord le courage et la témérité de ces jeunes de s’être attaqués avec une si réconfortante assurance à ce magnifique Winterreise de Schubert, véritable joyau et morceau d’anthologie du répertoire chanté où se sont illustrés (dans un registre parfois différent) Dietrich Fisher Diskau, Hermann Prey et, plus proche de nous, Ian Bostridge… Un petit mot pour présenter ces jeunes musiciens, conjuguant en toute humilité grâce et talent, qui ont soulevé, et à raison, l’enthousiasme de l’auditoire. Né en 1984 à Tripoli, Ziad Nehmé est formé au Conservatoire national supérieur de musique et vient tout juste de décrocher, haut la main, son diplôme. On l’a vu dans plusieurs manifestations musicales locales dont la première, en fin de saison dernière, avec Bastien et Bastienne de Mozart en arabe. Aujourd’hui, laissant de côté, un peu en veilleuse, son MS en mathémathiques, le jeune ténor se prépare à entamer une formation supérieure de chant d’opéra à Salzbourg en Autriche où il a été accepté à l’Universität Mozartum. Une amitié de scène de plus de deux ans le lie à Vartan Agopian, né à Beyrouth en 1985. Amour du clavier, de Chypre au conservatoire Tékélian, pour le jeune accompagnateur, en passant lui aussi par le Conservatoire national supérieur de musique. Die Winterreise est leur premier concert public, et, il faut en convenir, pour un coup d’essai, c’est un coup de maître… Costumes sombres et cheveux courts pour les deux artistes qui entrent en scène. La flaque de lumière, les premiers accords du clavier, et s’élève la voix du jeune ténor, habillant de chaleur et de passion humaines le verbe poétique de Wilhelm Muller. Splendides images sonores où la langue gutturale germanique a tous les atouts de la violence du désir, de la force destructrice des amours rejetées, des tendresses que l’on quête avec acharnement, de la mélancolie, sœur jumelle de la solitude et de l’isolement…. De ces froidures de l’hiver, de ces gels qui bleuissent le corps et l’âme, Frantz Schubert, un des maîtres incontestés de la musique romantique allemande, tire des accords insoupçonnables, déchirants et merveilleux. Des accords entre ombre et lumière, d’une multitude de couleurs, qui se lovent en une foule de mélodies. Une onde tournoyante où se jouent, en toute richesse et en reflets changeants toutes les gammes du blanc… Ce voyage en hiver, voyage sur un chemin de non-retour, avec son cycle d’images allant de la passion la plus véhémente à la mélancolie la plus noire, est une véritable rêverie de promeneur solitaire. Tout l’art des contrastes et des clairs-obscurs schubertiens est dans cet opus tout en nuances, entre joie esquissée et larmes essuyées. Thèmes éminemment romantiques, qui vont en toute liberté d’une soif d’absolu à l’appel de la mort, de l’exaltation à la terreur de la nuit, des intermittences du cœur au désespoir injustifié. Voilà la ronde d’une série de scènes et paysages, à la fois pittoresques et emmitouflés par la bise glaciale, évoquant avec délectation et un lyrisme bien romantique les peines du cœur. Évocation agitée incarnant tous les paradoxes de Schubert, sur fond de poésie tourmentée, comme une représentation théâtrale où cheminent, dans un délire savamment organisé, deux actants, et ici il s’agit d’un chanteur et de son pianiste… Ziad Nehmé, malgré une présence scénique sobre, à qui ne manquait même pas d’expression à certains moments (tout en comprenant le trac d’un premier concert public), n’a pas besoin d’interprétation ou de performance gestuelle tant la musique de Schubert est riche par elle-même… Outre la vertu d’une prononciation toujours d’une limpidité totale, restituer Die Winterreise dans son intégralité, dans cette belle et vibrante force émotive, c’est déjà plus qu’un tour de force. Vartan Agopian a opté pour une belle retenue après un démarrage où le clavier rongeait quand même un peu le murmure et la fièvre de la poésie. Harmonieuse synchronisation par la suite avec une subtile alternance des rythmes. Un tonnerre d’applaudissements et beaucoup de gerbes de fleurs aux deux jeunes musiciens. En bis, comme pour prolonger ce moment impalpable, la diaphane et opalescente Sérénade du compositeur de la Symphonie inachevée. Une soirée exceptionnelle, placée sous le signe du charme et de l’envoûtement, et où Schubert avait la grâce et le talent de la jeunesse libanaise. Edgar DAVIDIAN
La saison culturelle qui a souffert d’un grand marasme cet été, vu les circonstances politiques pourries, risque de démarrer en trombe cet automne. Avec un concert de qualité qui vient de se donner à l’AUB où une salle pleine a applaudi à tout rompre deux jeunes talents à l’avenir prometteur. La musique a de nouveau le vent en poupe à Beyrouth.
Sous l’impulsion conjuguée du...