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Actualités - OPINION

Pour un nouveau pacte libanais

La situation libanaise depuis l’assassinat de Rafic Hariri trahit une certaine instabilité chronique qui dépasse les enjeux de l’élection présidentielle, du gouvernement d’union nationale ou encore ceux du tribunal à caractère international sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre. Dans la géopolitique mêlée à l’histoire, le Liban n’est pas un État et n’a pas été conçu en tant que tel. Pourtant, l’identité libanaise existe, du moins sociologiquement. La formation de l’État libanais moderne, ou Grand Liban, en 1920 était le résultat d’une compétition engagée entre le patriarcat maronite, promoteur d’un Liban chrétien, et les nouvelles élites modernisatrices qui œuvraient au développement d’une culture commune transcommunautaire, un duel gagné par le premier. La recherche d’un consensus et l’élaboration d’une politique nationale s’étaient construites pour et contre, au cœur de et autour de cette prééminence chrétienne ; pour et contre cette entité étatique spécifique dans son environnement régional. L’État communautaire de l’après-guerre se caractérise, au contraire, à la fois par l’absence d’une autorité supérieure et par le refus d’une prééminence communautaire. Aucune autorité libanaise n’est plus en mesure de réguler la compétition communautaire. Plutôt que le vouloir de vivre ensemble qui fonde la démocratie de consensus helvétique, les communautés libanaises partagent un devoir de vivre ensemble. Ce devoir de vivre ensemble, que les pères fondateurs libanais appellent démocratie consensuelle ou confessionnelle, connaît des limites, surtout en période de crise. Depuis l’instauration de la IIe République, on assiste à un processus d’édification de l’État mené sous deux contraintes impératives, qui sont aussi deux tabous. La contrainte des communautés identitaires renforcées et les mobilisations centrifuges. L’esprit localiste s’impose, l’habitude du développement séparé reste prégnante, et les frontières imaginaires puissantes. L’État persiste à nier les aspirations centrifuges en refusant de mettre en place un système de décentralisation pourtant adopté par le document d’entente de Taëf. Le blocage de la vie politique, sociale et économique atteint un point de non-retour. Le paysage libanais reflète une communautarisation très forte et un risque de plus en plus probable d’embrasement, la crise économique aidant à mettre en péril la paix sociale. Malgré un environnement régional instable, et une crise politique et institutionnelle interne mêlant le politique, la religion et la géopolitique, les Libanais doivent, plus que jamais, réfléchir à une modernisation de leur système politique. Face aux blocages institutionnels, une IIIe République s’impose, et par conséquent une nouvelle Constitution qui ferait entrer le pays dans la modernité. On a beau évoquer la notion de la guerre des autres sur notre territoire, on oublie notre responsabilité dans la guerre qui a secoué le pays pendant plus de quinze ans. Libérés de l’occupant israélien et du tuteur syrien, les Libanais doivent réfléchir à une méthode de vivre ensemble qui passe obligatoirement par une réforme institutionnelle Tout d’abord, une nouvelle loi électorale est nécessaire. Elle doit être respectueuse de toutes les tendances politiques et sociologiques, un découpage basé sur le canton semblant le plus approprié pour la structure libanaise, avec une dose de proportionnelle comme garantie pour toutes les fractions qui forment le pays. Ensuite, la société civile doit avoir le courage d’imposer un code civil, à commencer par le mariage civil optionnel : c’est un premier pas vers la modernisation de la vie sociale libanaise qui permettrait progressivement une séparation entre les institutions religieuses et l’État, et permettrait à ce dernier d’asseoir sa légitimité et son lien avec les citoyens. De plus, une politique d’aménagement du territoire et d’urbanisation bien conçue est la réponse idéale aux phénomènes de la communautarisation qui se développe. Une politique de mixité sociale et communautaire dans le travail et l’éducation, et à long terme dans l’habitat réduit le sentiment de rejet de l’autre et prépare le terrain à une cohésion nationale. Enfin, une politique en matière d’éducation, intégrant un enseignement de toutes les religions qui forment le pays, pour tous les étudiants, est une façon de forger une histoire commune. Il est clair que l’État et les institutions religieuses ont fini par se neutraliser. Pourtant, l’accroissement du pouvoir de l’État ne signifie pas nécessairement l’affaiblissement de la religion. Un Liban moderne ne signifie pas un système politique non respectueux de la religion ; bien au contraire, c’est le développement de la laïcité qui permet de développer une approche universelle et moderne de la compréhension de la religion. Jamil Abou ASSI Doctorant à l’Institut d’études européennes – Université Paris VIII
La situation libanaise depuis l’assassinat de Rafic Hariri trahit une certaine instabilité chronique qui dépasse les enjeux de l’élection présidentielle, du gouvernement d’union nationale ou encore ceux du tribunal à caractère international sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre.
Dans la géopolitique mêlée à l’histoire, le Liban n’est pas un État et...