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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - À la Galerie Jameel au Musée Victoria et Albert (Londres), «  Synergie » d’Oussama Rahbani Images sonores pour une jonction entre Orient et Occident… Edgar DAVIDIAN

À Londres, l’art islamique et la musique, jonction entre l’Occident et l’Orient, ont fusionné grâce à un généreux donateur et un musicien inspiré. Au Musée Victoria et Albert de la capitale de la Blonde Albion, riche écrin d’une superbe collection d’art arabe remontant à la fondation de l’institution en 1852, une galerie vient d’ouvrir ses portes et elle se nomme la Galerie Jameel pour l’art islamique. Elle comporte plus de 400 pièces d’une fabuleuse collection du Moyen-Orient cédée justement par la famille Jameel. Pour mieux faire découvrir, partager et apprécier des objets d’art d’une grande beauté et diversité, qui font la fierté et l’inestimable richesse d’une culture ancestrale et inégalée. Aux travaux entrepris par Owen Jones, architecte et théoricien sur l’art arabe au siècle dernier, groupant les richesses de l’Alhambra et des palais de Grenade sous le règne des derniers gouverneurs musulmans, illustrant ainsi les plus hautes notions de raffinement et de décoration, voilà que l’initiative de la famille Jameel vient redorer le blason de cette tradition de quête du beau dans le monde arabe. D’un tapis « Ardabil » iranien datant de 1539 aux tables en ivoire avec plateau en marbre orné, exécutés par des artisans ottomans en 1560, en passant par un vase en cristal taillé pour un palais de calife au Caire, les peintures iraniennes du XIXe siècle aux couleurs vives, les aiguières ou aquamaniles en dentelle de cuivre travaillé et les coffres en bois sculpté, voilà des trésors à découvrir… Entourant le faste des civilisations arabes passées, volatile comme la fraîcheur d’une eau de fontaine et intense comme le souffle d’un brasier, portée par le « nay », les clarinettes, les flûtes, les violons, le daff, le rythme et la mélodie, la musique d’Oussama Rahbani. Une musique composée et commanditée pour l’occasion et donnée avec un parterre trié sur le volet à la Salle Raphael du Musée Victoria et Albert, en juillet dernier quand Beyrouth croulait sous les bombes. Si seulement la culture pouvait conjurer ou occulter le barbarisme humain… Subtil métissage d’harmonies nouvelles Cette œuvre est intitulée Synergie, et de toute évidence, elle marque l’envie et l’ambition, presque utopique, de rassembler en une force commune et harmonieuse tous les vents contraires. En termes de musique, c’est vouloir concilier l’inconciliable, rassembler le dissemblable, harmoniser toutes les dissidences, grouper toutes les assonances, moduler manière de vivre et d’être… À peine le rideau tombé sur Zénobie à Byblos, jailli de l’imaginaire, des partitions et du livret du clan Rahbani et où Oussama, comme d’habitude, a eu sa bonne part de participation, pleine lumière aujourd’hui sur cet opus qui sort en CD. Interprétée par l’Orchestre et le Chœur philharmonique de Londres, ainsi que par des musiciens libanais, placés tous sous la baguette d’Ion Marin, cette œuvre d’une quarantaine de minutes inclut « deux images et un poème symphoniques ». Un subtil métissage entre musique classique occidentale et musique traditionnelle orientale. Un voyage sonore initiatique avec la paix pour but ultime. Oussama Rahbani refuse le choc des cultures, la guerre des religions et la tourmente qui assombrit des régions qui ont connu la plus haute forme de culture et de civilisation. D’Alexandre Le Grand encourageant ses soldats à épouser des femmes perses à la brillante chevalerie arabe des nomades du désert ou de la gloire de l’Andalousie, en passant par la lutte à la Robin Hood contre l’occupation ottomane, autant d’images pour faire ressortir la magie du verbe de Schéhérazade remis au goût du jour par un Rimsky-Korsakov dont les échos d’un monde fantastique et imaginaire sont perceptibles dans cette chatoyante fresque orchestrale… Des grandes échappées sonores comme le mugissement d’un fleuve au chant des cascades cristallines des montagnes libanaises, la musique d’Oussama Rahbani a toute la sinuosité, toute la fluidité pour traduire la mobilité des frontières, la mouvance des sentiments, le changement de mentalité et d’époque… Une musique reliée à la terre arabe, par ses rythmes, ses complaintes, ses mélopées et ses instruments de musique ! Une musique aux harmonies audacieuses et nouvelles, mêlant adroitement le « Zaïbakly » (danse de sabres des « abadayes » !) et l’écriture modale levantine aux prosodies classiques occidentales où rigueur et précision sont exigés. Avec Oussama Rahbani, la part de mysticisme et de spirituel n’est jamais à ignorer. De l’esprit « mouachahat » aux tournoiements des derviches en passant par l’élévation « soufie » et la lourde marche des caravanes dans le désert ou la cavalcade des chevauchées fantastiques, la musique a mille reflets insaisissables, comme la poudre d’ailes d’un papillon vagabond… Et pour plus tard, que prépare Oussama Rahbani ? Petit sourire, une gorgée de ce verre d’eau glacé posé sur la table et de dire, en toute simplicité : « Il faudrait surtout lancer mes douze CD. Ensuite je m’attelle à un nouveau CD, dont je n’ai pas encore trouvé le titre. Des chansons difficiles avec Wadih Abi Raad et Hiba Tawagi sur paroles de Mansour et Ghadi. Par exemple il y aurait le Libertango d’Astor Piazzolla. Bien sûr il y a toujours le projet d’une nouvelle pièce, mais c’est trop tôt pour en parler. Et puis surtout je rêve de pouvoir donner Gebran, même en version anglaise, sur une scène à l’extérieur, à l’échelle internationale... »
À Londres, l’art islamique et la musique, jonction entre l’Occident et l’Orient, ont fusionné grâce à un généreux donateur et un musicien inspiré. Au Musée Victoria et Albert de la capitale de la Blonde Albion, riche écrin d’une superbe collection d’art arabe remontant à la fondation de l’institution en 1852, une galerie vient d’ouvrir ses portes et elle se...