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Le danger des mots Molly SELWAN

Si la parole est le reflet de la pensée, n’est-elle pas aussi celle de l’éducation acquise par l’individu durant sa vie ? Comme pour la musique et l’écriture, prendre la parole nécessite souvent du talent. Si parler dans le quotidien est habituel et banal, dans certaines occasions, cela devient du grand art. Une joute oratoire durant un procès peut tenir en haleine une assemblée entière. Plus d’un Bossuet ont utilisé les chaires des cathédrales pour des oraisons funèbres et des sermons. Combien de grands noms les tribunes de l’histoire ont-elles révélé au monde ? Depuis les orateurs de la Grèce antique et les sénateurs romains jusqu’aux parlementaires du XXIe siècle, en passant par les révolutionnaires et les dictateurs, autant les uns que les autres ont utilisé l’art de la rhétorique et de la  dialectique pour haranguer les foules et captiver leur attention. Ma pensée, après un court périple à travers le temps, revient sur terre. Et c’est pour entendre les discours de certains leaders libanais sur les antennes de la télévision. Que de médiocrité ! Je suis stupéfaite et honteuse car ils appartiennent à ma communauté. Il n’est pas demandé de tendre «  la joue gauche » en politique mais, car il y a toujours un mais, on peut s’en tenir à son point de vue dans la contestation sans se laisser aller à des licences de langage ou à une stérile animosité. Il est vrai qu’il n’est pas donné à n’importe qui de posséder des talents oratoires et une maîtrise de style, mais de grâce, messieurs, épargnez-nous la vulgarité. D’autre part, face aux perturbations sur la scène locale et dans les universités, il aurait mieux valu calmer le jeu, utiliser les mots à bon escient. Je cite Arthur Huxley :  « Les mots peuvent ressembler aux rayons X, si l’on s’en sert convenablement, ils transpercent n’importe quoi. » Je vous dirai, messieurs : songez que, du haut de leur jeune âge, les générations futures vous écoutent et vous jugent. Quant à l’histoire, elle ne laissera rien passer, tout comme elle a fait passer à la postérité les discours mégalomanes de Hitler, ceux exaltants de Gamal Abdel Nasser, ceux patriotiques de De Gaulle. La foule a besoin d’admirer et non pas d’être choquée. C’est par les mots que l’on peut réunir les points de vue et non pas accentuer les divisions. Nous, les Libanais, avons plus que jamais besoin d’un trait d’union dans notre discours. Je constate, déçue et triste, qu’il est plus facile pour un chef de file d’insulter son frère libanais que de critiquer les agissements du régime syrien au Liban dont les bottes ont écrasé, durant trente ans, les aspirations de notre peuple. À défaut d’armes, nous utilisons les mots pour discréditer et salir. Telle est la nature du débat politique actuel dans notre pays. Article paru le mardi 4 septembre 2007
Si la parole est le reflet de la pensée, n’est-elle pas aussi celle de l’éducation acquise par l’individu durant sa vie ?
Comme pour la musique et l’écriture, prendre la parole nécessite souvent du talent. Si parler dans le quotidien est habituel et banal, dans certaines occasions, cela devient du grand art. Une joute oratoire durant un procès peut tenir en haleine une assemblée...