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Actualités - RENCONTRE

RENCONTRE - Elle a magnifiquement interprété le rôle de Lili dans « Caramel », le film de Nadine Labaki Aziza Semaan, entre rires et larmes Carla HENOUD

Certaines personnes, dans le quartier de Gemmayzé où elle vit, la surnomment Nadia. « C’est parce que j’avais une fascination pour Nadia Gamal ! » précise-t-elle avec humour. Aujourd’hui, Aziza Semaan voudrait récupérer son nom, le brandir et l’inscrire « au haut de l’affiche ». Elle n’a plus besoin de Nadia Gamal. Aziza est une actrice célèbre… à 80 ans passés. Caramel, Sukkar banate pour les intimes, après son lancement sur les écrans libanais le 8 août, a débuté sa course au succès autour du monde. De la France aux États-Unis, en passant par l’Europe, le Canada et même le Japon, il emportera avec lui une Aziza comblée, qui, de son modeste appartement caché dans une impasse de Gemmayzé, peut rêver de ces destinations qu’elle ne connaît même pas. Rêver aussi d’y aller un jour. Car pour ce petit bout de femme que l’on a envie de protéger, de serrer contre son cœur, qui, d’un seul regard, réussit à faire basculer l’émotion du rire aux larmes, tout est aujourd’hui possible. Depuis qu’un vendredi saint sacré, « Il » mit sur le long chemin de sa vie, qui n’a pas toujours été aisée, une belle femme pleine de talent. Nadine Labaki dira alors : « Dès que je l’ai vue marcher dans la rue, j’ai su que j’avais trouvé ma Lili. Aziza est un cadeau du ciel. » Cadeau pour les deux femmes. La réalisatrice ayant enfin trouvé son actrice fétiche pour le rôle, inspiré du personnage réel d’une vieille dame un peu folle, vivant avec sa sœur Rose. Une Lili à la recherche permanente de lettres que son amoureux, un officier français, lui auraient écrites et que sa famille lui aurait confisquées. Cadeau enfin pour Aziza, qui, faut-il le préciser, s’est donnée corps et âme à ce personnage si attachant. Tant et si bien qu’elle pourrait en être la complice, la sœur… Une révélation Elle ne connaît pas vraiment son âge, bien qu’elle avoue, espiègle et en toute coquetterie, être née en 1925, dans la région de Akkar. « J’ai perdu ma mère à l’âge de 6 ans. Mon père l’a vite suivie, raconte-t-elle avec la franchise de Lili. Nous étions trois filles et trois garçons. J’ai été élevée par mes belles-sœurs, elles n’ont pas été très tendres avec moi. » Débarquée « en ville » depuis un demi-siècle, elle se rappelle encore le restaurant Au Vieux Quartier où elle a travaillé durant 24 ans. « Je m’occupais de laver et repasser le linge. Les propriétaires ne voulaient pas me laisser partir ! » Dans sa maison où la vie a déposé ses rides, comme les poussières d’un temps qui peine à passer, des 33 tours de Oum Kalsoum, des photos du tournage de Caramel, des clichés en noir et blanc de ce que fut sa jeunesse, et les amis, nombreux, qui passent régulièrement la voir, viennent adoucir sa solitude. Car Aziza ne s’est jamais mariée. « Comment faire confiance aux hommes ? s’écrie-t-elle, ils sont tous menteurs… J’ai eu beaucoup de prétendants, j’ai même aimé un facteur de notre village. Il était grand, il portait un beau costume. Mais un jour, il a plongé dans la mer et n’en est jamais ressorti vivant ! » Elle rit : « Maintenant, je me marierais volontiers ! » Puis elle rajoute : L’être humain peut vivre seul, mais il ne peut pas vieillir seul. Et ça, je ne le savais pas alors… » Privilèges Le tournage de Caramel aura été un moment sacré, « béni du ciel ». Lorsqu’elle parle de ces instants magiques de tournage, elle semble renaître à la vie. Ses coups de gueule, ses inoubliables répliques et sa force fragile sont un mélange de composition et d’improvisation, comme si elle les avait prêtés à son personnage. Sous la tendre direction d’une réalisatrice qui a parfaitement su la diriger, tout en lui donnant la liberté de s’exprimer. « Il fallait trouver la clef de chacun des acteurs, confie Nadine, et savoir voler certains instants magiques. » Rebelle, libre, intelligente, fantaisiste à souhait, Aziza, a insufflé à Sukkar Banate une douce folie qui vient subtilement se mêler à sa poésie. Dans le film comme dans la vie, elle est arrivée à ce moment sépia où les détails commencent à s’estomper, pour ne garder que l’essentiel. Cet essentiel, pour elle, c’est un caramel qu’elle continue à lentement déguster. En fondant, sans jamais disparaître, il lui offre, tous les matins, beaucoup d’amour. « Oum Lebnan, tu as une place au ciel, tu as fait rire le Liban tout entier », lui aurait-on dit. Et ça, elle ne l’oubliera pas de sitôt… Fière, ravie, on la quitte avec l’envie de la revoir très vite. À l’écran ou chez elle. « Revenez, ya tante », lance-t-elle avec un clin d’œil malicieux. Aziza s’est encore fait une nouvelle amie…
Certaines personnes, dans le quartier de Gemmayzé où elle vit, la surnomment Nadia. « C’est parce que j’avais une fascination pour Nadia Gamal ! » précise-t-elle avec humour. Aujourd’hui, Aziza Semaan voudrait récupérer son nom, le brandir et l’inscrire « au haut de l’affiche ». Elle n’a plus besoin de Nadia Gamal. Aziza est une actrice célèbre… à 80 ans passés....