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Actualités - OPINION

EFFEUILLAGE Illusions Lamia EL-SAAD

Je vis avec une femme formidable. Elle est belle et intelligente, sportive et gracieuse. Encore jeune, elle assume déjà d’effrayantes responsabilités au sein d’une grande multinationale. Par sa compétence et son travail, elle a su s’imposer, et gagner le respect et l’admiration de ses pairs. Elle est tout simplement merveilleuse... Et elle m’aime ! Tous les soirs, elle rentre chez nous avec la même impatience. Elle sait que je l’attends et je sais sa joie de me retrouver. Je suis aux anges lorsqu’elle m’entoure de ses bras... Elle m’aime comme jamais une femme n’a aimé son chien. Et c’est bien normal ; je ne suis pas n’importe qui ! Je suis un grand berger allemand, un chien racé. C’est qu’elle est ambitieuse... Elle est perfectionniste en tout et ne se contente que du meilleur : un grand chien, une brillante carrière et un bel appartement. Oui, un appartement ! Alors que j’aurais tellement aimé un jardin... Pouvoir me promener dans un jardin... Ne plus me faire gronder lorsque j’essaye de me dégourdir les pattes dans le salon. En revanche, j’adore notre voiture. Une voiture spacieuse et confortable qui m’emmène parfois à la campagne. Elle aime courir avec moi... Mais je ne l’accapare pas pour autant. À l’occasion, elle sort le soir. Mais il lui arrive de rentrer avec de grosses larmes dans les yeux. Elle est bien trop fière pour permettre aux autres de deviner son chagrin et je suis son seul confident. Elle sait pourtant que les sentiments amoureux me sont étrangers, mais je crois que le seul fait de parler à un être qui l’écoute sans l’interrompre lui fait le plus grand bien. Hier soir, elle est rentrée avec un homme qui était vraiment très en colère. Il lui reprochait d’être trop indépendante, de vouloir toujours décider de tout, de refuser de faire des concessions. Il a même été jusqu’à lui demander en criant : « Sais-tu pourquoi tu vis avec un chien ? Parce que tu recherches un être docile et servile. » Je faisais semblant de dormir, par souci de discrétion, mais n’ai pu m’empêcher de dresser les deux oreilles et d’écarquiller les yeux. Elle a pleuré hier soir, et je l’ai regardée avec des yeux tristes. Pour la première fois, je n’étais pas triste pour elle mais pour moi. Je venais de comprendre qu’elle m’avait adopté pour échapper à sa solitude. Elle est tout pour moi alors que je ne suis qu’une compensation pour elle. Si, au moins, j’avais été le guide d’un non-voyant, j’aurais été indispensable... Je venais de comprendre qu’un chien et un humain ne s’aimeront jamais vraiment de la même manière... Ni autant.



Je vis avec une femme formidable. Elle est belle et intelligente, sportive et gracieuse. Encore jeune, elle assume déjà d’effrayantes responsabilités au sein d’une grande multinationale. Par sa compétence et son travail, elle a su s’imposer, et gagner le respect et l’admiration de ses pairs.
Elle est tout simplement merveilleuse... Et elle m’aime ! Tous les soirs, elle...