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Une enclave russe en Norvège Goodbye, Lénine ? Des vestiges soviétiques renaissent dans le Svalbard

Le territoire est norvégien, mais ce sont une statue de Lénine et la faucille et le marteau que l’on remarque ici. Dans une communauté minière témoin d’une grandeur soviétique révolue, la Russie affiche sans vergogne son appétit retrouvé pour l’Arctique. Anachronique et, diraient certains, déplacé, le village de Barentsburg est depuis 1932 une enclave russe en plein cœur de l’archipel du Svalbard. Même si ces lieux sont officiellement sous juridiction de la Norvège, aucun de leurs 500 habitants n’est originaire du pays scandinave, ni même n’en parle la langue. Pour le visiteur, le bureau de La Poste norvégienne, noyé au milieu des pancartes en caractères cyrilliques, est le seul signe tangible de cette souveraineté. Ici ou là, on repeint les vieux bâtiments, on remplace leurs vitres brisées, on répare la voirie, on collecte les ferrailles rouillées sous le regard indifférent d’un buste de Lénine qui trône obstinément depuis des décennies sur la place centrale. Tombé en déliquescence après l’implosion de l’URSS, le village jalonné de fresques de travailleurs triomphants reprend progressivement des couleurs, signe du regain d’intérêt de la Russie pour l’Arctique et son potentiel de ressources naturelles. Bon an mal an, le filon de Barenstburg ne régurgite guère que 120 000 tonnes d’un charbon de médiocre qualité. Mais, pour la compagnie minière d’État Arktikugol Trust, la remise en état de la bourgade participe visiblement d’une stratégie de reconquête. « Nous pouvons poursuivre la production jusqu’en 2020 », affirme Boris Nagayk, le bedonnant directeur de la compagnie sur place. « Mais nous avons une autre mine à Grumant (...) qui pourrait être rouverte en 2010 », ajoute-t-il tandis que derrière lui un vraquier charge du charbon pour l’Espagne. Séparé de Barentsburg par quelques dizaines de kilomètres, le filon de Grumant, actuellement à l’abandon, dispose, selon lui, de réserves suffisantes pour être exploité une cinquantaine d’années. Après être tombée à 300 habitants, la population de Barentsburg pourrait ainsi tripler dans les années qui viennent. Seuls neuf enfants y vivent à présent, mais l’objectif déclaré est, désormais, de faire également venir les familles des « gueules noires ». Cette présence russe est rendue possible par le Traité de Paris de 1920 qui a attribué le Svalbard à la Norvège. Le texte garantit aux ressortissants des États signataires un droit égal à la pratique d’activités minières ou commerciales. Il interdit aussi toute présence militaire sur l’archipel. Selon l’US Geological Survey, l’Arctique abrite un quart des réserves de pétrole et de gaz naturel restant à découvrir sur la planète. Côté norvégien, on accueille sans crispation ce réveil russe qui s’accompagne d’initiatives autrement spectaculaires telles que la pose d’un drapeau russe à plus de 4 kilomètres à la verticale du pôle Nord ou le déploiement tous azimuts de bombardiers stratégiques. Pour les Scandinaves, il faut seulement y voir la manifestation d’une marge de manœuvre financière retrouvée grâce à l’envolée du cours des matières premières dont la Russie est riche. « Nous sommes plutôt relax sur cette question », confie le ministre norvégien de l’Aide au développement, Erik Solheim, à l’AFP. « Au plus fort de la guerre froide, il y avait 3 000 Russes au Svalbard contre seulement 1 000 Norvégiens. » Aujourd’hui, le rapport de forces est inversé avec environ 1 800 Norvégiens pour 500 Russes et Ukrainiens. Surdimensionné, l’héliport de Barentsburg, qui arbore encore le marteau et la faucille, témoigne de cette présence russe autrefois massive. À Longyearbyen, chef-lieu de l’archipel essentiellement peuplé de Norvégiens, on met l’accent sur les relations de bon voisinage. « Nous avons plein d’échanges culturels », explique, tout sourire, Per Kyrre Reymert, un conseiller du gouverneur local. « Ils viennent ici, ils dansent, ils chantent et ils nous mettent la raclée aux échecs et nous, nous allons là-bas, nous chantons, nous dansons et nous prenons une leçon au badminton. »
Le territoire est norvégien, mais ce sont une statue de Lénine et la faucille et le marteau que l’on remarque ici. Dans une communauté minière témoin d’une grandeur soviétique révolue, la Russie affiche sans vergogne son appétit retrouvé pour l’Arctique.
Anachronique et, diraient certains, déplacé, le village de Barentsburg est depuis 1932 une enclave russe en plein cœur de...