Inutile de chercher à savoir pourquoi le Hezbollah continue à se moquer du monde (et de lui-même) en répétant que seule la formation d’un gouvernement au sein duquel l’opposition disposerait du tiers de blocage permettrait d’avancer vers l’élection présidentielle. Inutile aussi de gamberger sur les menaces du parti, sur ces mesures adéquates qu’il prendrait face à toute...
Actualités - OPINION
Cordes vocales
Par MAKHOUL ZIYAD, le 29 août 2007 à 00h00
Inutile de chercher à savoir pourquoi le Hezbollah continue à se moquer du monde (et de lui-même) en répétant que seule la formation d’un gouvernement au sein duquel l’opposition disposerait du tiers de blocage permettrait d’avancer vers l’élection présidentielle. Inutile aussi de gamberger sur les menaces du parti, sur ces mesures adéquates qu’il prendrait face à toute action unilatérale de l’équipe au pouvoir : ce sera soit, comme d’habitude, beaucoup de bruit et de nuisance économique pour rien, soit une espèce de rallumage des feux tellement mal éteints des 23 et 25 janvier dernier. Inutile non plus de s’attendre à une initiative constructive et personnelle du Hezb en direction de ses adversaires politiques, une sorte de dialogue immédiat et constructif sur ses obsessions, ses craintes, ses credos, qu’il voudrait que le futur président partage, ou garantisse – certainement inutile avant, au moins, une objurgation iranienne. Par contre, ce qui a été dit ces dernières 48 heures mérite amplement le détour : « Nous attendons qu’une faction libanaise tranche et se décide, soit pour la stabilité soit pour la partition », a ainsi jeté Mohammad Raad pendant que Hussein Hajj Hassan se surexcitait contre le tandem Joumblatt-Geagea en insistant lourdement sur « le silence des autres pôles du 14 Mars ».
Soit. De ce tir groupé qui n’a rien d’innocent et qui ne doit rien au hasard on retiendra naturellement cette espèce d’incantation enflammée à l’adresse de l’absent, de celui qu’on ne nomme(ra) pas ou qu’on ne peut pas nommer : le sunnite en général, Saad Hariri en particulier. C’est de bonne guerre, et le Hezbollah la joue comme Beckham : en essayant d’entrer tête la première dans le but adverse après avoir décimé leurs rangs et désamorcé le maillon faible. Su fond d’interminables deals entre Ryad et Téhéran, le Hezb cherche en toute vraisemblance à diviser la majorité, à la scinder, en appuyant sur le(s) nerf(s) fragile(s) ; il y a quelques jours, le même Hajj Hassan annonçait que l’opposition travaillerait avec qui voudrait bien la suivre du 14 Mars… Et pour diviser cette majorité, la formation de Hassan Nasrallah a choisi de concentrer ses manœuvres sur Koraytem ; en lui faisant assumer avec une détermination pour le moins surprenante la responsabilité d’une éventuelle partition du Liban et en lui faisant comprendre en termes délicats que son silence équivaut à une vampirisation par les deux autres, le Hezb fait coup double : il annonce officiellement et clairement que si les revendications de l’opposition ne sont pas satisfaites, le Liban ira droit au tronçonnage, et il place Saad Hariri, et, au-delà, le binôme Bandar-Khoja, dans une drôle de situation. Un chantage et un coup de poker (menteur) : c’est relativement inouï.
Et pourtant, dans les QG du Hezb comme à Téhéran, on sait que les trois pôles du 14 Mars savent que chacun d’entre eux hypothéquerait presque irréversiblement son présent et son avenir politique en quittant le collectif, en abandonnant l’idée qu’il défend, avec les deux autres, bec et ongles, depuis plus de deux ans, en suicidant les acquis qu’il a obtenus, avec les deux autres, dans le sang, la sueur et les larmes, depuis la mort du père. Naturellement, Saad Hariri est l’un des premiers concernés par les fantômes du mois de janvier, par d’éventuels et monstrueux réveils de clash intersectaires ; sauf que ce qui est demandé à Walid Joumblatt et à Samir Geagea aujourd’hui s’applique tout autant à lui, loin de toute velléité de distribution de rôles. Et comme Walid Joumblatt, Saad Hariri a eu l’intelligence de laisser ses partenaires chrétiens se charger, au nom du 14 Mars, de la préparation de la présidentielle, mais il est attendu de lui une prise de position claire, nette, précise, sur ce dossier comme sur bien d’autres. Il serait bon d’ailleurs que tous les trois, ensemble, (re)prennent l’initiative et proposent à l’opposition, de nouveau et même si elle leur assénera une fin de non-recevoir, un débat, aujourd’hui et pas demain. Briser le silence – de Monaco ou d’ailleurs.
Ziyad MAKHOUL
PS : On l’attendait depuis longtemps, cette mesure-événement que prendrait une majorité qu’on continue de ne pas (trop) critiquer, parce qu’elle est toujours garrottée, bâillonnée, toujours spectatrice de la prise d’otage, par l’opposition, des institutions libanaises et de l’espace commun à tous, et parce qu’il n’est jamais facile de tirer sur l’ambulance. On attendait depuis longtemps un acte fort, un geste d’une ampleur folle au niveau des mentalités, du quotidien ; cette démarche-choc, on la doit à un homme, qui a convaincu avant-hier le Conseil des ministres de casser la stupide censure, par la Sûreté générale, de la pièce de Fadi Toufic et de Rabih Mroué. Tarek Mitri, à qui l’on doit, entre autres, les indispensables négociations pré-1701, s’est mis concrètement au service de l’État : Nancy aurait souhaité que tout ce qui s’est passé soit un poisson d’avril se jouera d’ici peu sur les planches d’al-Madina. Et ça, cette question de principe, ce silence brisé, c’est (presque) aussi important qu’un accord sur la présidentielle.
Inutile de chercher à savoir pourquoi le Hezbollah continue à se moquer du monde (et de lui-même) en répétant que seule la formation d’un gouvernement au sein duquel l’opposition disposerait du tiers de blocage permettrait d’avancer vers l’élection présidentielle. Inutile aussi de gamberger sur les menaces du parti, sur ces mesures adéquates qu’il prendrait face à toute...
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