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Analyse Affaire Politkovskaïa : craintes d’instrumentalisation politique

L’enquête sur le meurtre de la journaliste Anna Politkovskaïa est en voie d’être instrumentalisée dans le jeu politique, ont mis en garde hier les médias et les opposants russes. La veille, le parquet général avait dénoncé un commanditaire soucieux de « déstabiliser » la Russie depuis « l’étranger ». Le procureur général Iouri Tchaïka a lui-même donné une coloration politique à l’affaire en présentant l’assassinat de la journaliste comme une tentative de « discréditer les responsables du pays », au premier rang desquels le président Vladimir Poutine. « Je considère comme politique la déclaration de Tchaïka sur les mobiles du meurtre », a réagi hier Dmitri Mouratov, le rédacteur en chef de Novaïa Gazeta, le journal d’Anna Politkovskaïa, cité par l’agence Interfax. « Nous n’avons pour l’instant aucune garantie que les noms des vrais commanditaires, et ceux qui figureront dans l’acte d’accusation seront les mêmes », observe la rédaction du journal après avoir, dans un premier temps, salué le « professionnalisme » des enquêteurs pour leur arrestation de dix exécutants. « Le danger d’une opération préélectorale autour des circonstances du meurtre d’Anna Politkovskaïa est immense », ajoute le bihebdomadaire d’opposition dans cette réaction publiée sur son site Internet. Les déclarations controversées du procureur général sur le commanditaire s’inscrivent en effet dans la « théorie du complot » de plus en plus en vogue en Russie à l’approche de l’élection présidentielle de mars 2008. Et la presse russe a unanimement interprété les accusations voilées du procureur général comme une allusion à l’homme d’affaires Boris Berezovski, exilé à Londres, dont les menaces de « coup d’État » sont régulièrement agitées par le régime comme un risque de retour à l’instabilité des années 90, quand M. Berezovski était l’éminence grise du président Boris Eltsine. Le journal Gazeta voyait hier dans les conclusions du parquet une façon de détourner les soupçons, notamment de l’homme fort de Moscou en Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, critiqué par Mme Politkovskaïa. « Iouri Tchaïka a tranché : il faut chercher les commanditaires du meurtre au-delà des frontières du pays, et non à l’intérieur », critique Gazeta. « Bien sûr, l’Occident va accueillir avec scepticisme cette version (d’un commanditaire souhaitant déstabiliser le régime russe). Mais la majorité des Russes la considérera comme tout à fait vraisemblable », commente le politologue Alexeï Makarkine, cité par le journal économique RBK Daily. Selon Sergueï Markov, politologue proche du Kremlin, le commanditaire du crime est forcément un « ennemi » de M. Poutine, soucieux de nuire à son image. « C’était un coup contre Poutine. Il a beaucoup d’ennemis, et le plus puissant d’entre eux est Berezovski », en déduit M. Markov. Il se félicite de ce que les accusations de M. Tchaïka coupent l’herbe sous le pied des « forces anti-Poutine », incarnées par l’opposition libérale financée par M. Berezovski. Celle-ci aura désormais plus de mal à « utiliser ce meurtre pour dénoncer la politique du Kremlin de répression contre l’opposition », ajoute-t-il. Le fait que parmi les dix suspects interpellés figure un officier des services secrets russes (FSB), un certain Pavel Riagouzov, ne trouble pas M. Markov, qui l’explique par la corruption des forces de l’ordre en Russie. Delphine THOUVENOT (AFP)

L’enquête sur le meurtre de la journaliste Anna Politkovskaïa est en voie d’être instrumentalisée dans le jeu politique, ont mis en garde hier les médias et les opposants russes. La veille, le parquet général avait dénoncé un commanditaire soucieux de « déstabiliser » la Russie depuis « l’étranger ».
Le procureur général Iouri Tchaïka a lui-même donné une coloration...