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Les secteurs financier et informatique sont les plus touchés « Et si on drink café, Katioucha ? » : les anglicismes s’emparent du russe

«Hi, Katioucha. Et si on go to drink café ? Call asap. Cheers, Macha »: un « newspeak » mélangeant russe et anglais a submergé le russe, en commençant par celui de la rue, où les « Wow! » et « Oops! » sont omniprésents, jusque chez les professionnels. Macha Kouznetsova, qui souhaite « drink » un café avec Katioucha (diminutif de Ekatérina), a 24 ans. Elle veut enseigner l’espagnol, et comme nombre d’autres Russes elle écrit ses sms en lettres latines utilisant souvent des mots anglais, « plus courts, et prenant moins de place et d’argent que les russes ». « Toutes les couches sociales, des policiers aux ouvriers tadjiks, abusent d’anglicismes », constate un internaute. Métamorphosés par des suffixes, préfixes ou terminaisons russes, ces mots sont parfois méconnaissables. « Le jeu a été “driv’ovy” », dira un Russe d’un match endiablé. Pour certains, les anglicismes ajoutent de l’ironie au discours ; pour d’autres, « font plus chic » ; pour d’autres encore, permettent d’éviter les mots russes qui choqueraient (comme cette enseigne « Face Control » à l’entrée d’une boîte de nuit). Les écrivains russes utilisent largement ce « newspeak » jusque dans les titres de leurs romans, comme Casual de Oksana Robski ou Doukhless – combinant « doukh » (esprit, en russe) et « less » (sans, en anglais) – de Sergueï Minaev. Et sur les murs des immeubles, les injures en anglais remplacent les vieilles formules consacrées russes. Pratiqué par 350 millions de locuteurs, selon le ministère russe des Affaires étrangères, le russe est aujourd’hui en danger, s’alarment hommes politiques, linguistes et hommes d’art. Le président Vladimir Poutine a même proclamé 2007 année de la langue russe. Une commission parlementaire a lancé en octobre un débat sur « plusieurs milliers d’anglicismes » ayant envahi le secteur des finances. Inexistant en URSS, le marché financier est l’un des plus touchés par l’invasion : certains textes ne contiennent que des anglicismes (« IPO », « derivatives », « securisation »), reliés par des prépositions et conjonctions russes, dénonce le vice-président de la Commission du marché financier Anatoli Aksakov. De même pour le secteur informatique russe, dont le vocabulaire a été presque entièrement emprunté à l’anglais, alors que la production des films, très puissante en URSS, n’a assimilé que des termes anglais désignant les technologies les plus récentes, comme CGI (Computer Generated Images), images en 3D, ou le marketing également méconnu pour les cinéastes soviétiques (« making- off », « promotion », « rating »). « Une fois ouverte à l’Occident, la Russie assimile des innovations économiques, commerciales, politiques et culturelles qui entraînent leur terminologie – le plus souvent en anglais – puisque ces termes, et parfois les secteurs entiers, n’ont jamais existé ici », résume à l’AFP Léonid Kryssine, vice-directeur de l’Institut de la langue russe. Les premiers emprunts anglais – comme « raid » ou « boat » – remontent au XVIIIe siècle, à la création de la marine russe par Pierre le Grand, raconte le linguiste. Le langage du XIXe siècle est marqué avant tout par le français que l’aristocratie russe parlait mieux que sa langue natale. Après la révolution bolchevique, avec son propre vocabulaire, l’anglais revient en Russie principalement en termes de sport (football, tennis) qui seront interdits à la fin des années 40 par Staline, lors de la lutte contre le cosmopolitisme. C’est seulement avec la perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev, à la fin des années 80, que les anglicismes font une vraie irruption en nouvelle Russie. Les Soviétiques découvrent alors un autre monde avec des « vaucher », « businessman », mais aussi « killer » et « racket ».
«Hi, Katioucha. Et si on go to drink café ? Call asap. Cheers, Macha »: un « newspeak » mélangeant russe et anglais a submergé le russe, en commençant par celui de la rue, où les « Wow! » et « Oops! » sont omniprésents, jusque chez les professionnels. Macha Kouznetsova, qui souhaite « drink » un café avec Katioucha (diminutif de Ekatérina), a 24 ans. Elle veut enseigner...