Actualités - OPINION
LE POINT Sous haute surveillance
Par MERVILLE Christian, le 23 août 2007 à 00h00
Incorrigibles Irakiens ! On leur avait demandé de transmettre à Damas un message ferme, lui enjoignant d’arrêter l’exportation d’extrémistes sur les bords de l’Euphrate. Au lieu de quoi les voici qui s’en prennent à leurs protecteurs américains, accourus à leur rescousse en mars 2003 pour les débarrasser d’un tyran sanguinaire et leur permettre de jouir des bienfaits de la démocratie. L’ingratitude se double d’impertinence quand Nouri al-Maliki choisit précisément la capitale des Omeyyades pour rejeter la suggestion du Big Brother yankee : « Mon gouvernement émane du peuple, vient-il de lui faire savoir ; seul le peuple est habilité à décider de son sort. » Et comme si le propos n’était pas assez clair, ce gaffeur récidiviste – un homme qui, décidément, ne mâche pas ses mots – va plus loin, estimant que « la réalité US comporte des contradictions et des paradoxes qui se traduisent par des déclarations et des critiques irresponsables, émanant d’hommes politiques et de dirigeants qui manquent de courtoisie ». Les Syriens, des heures après ces propos empreints d’urbanité, continuent à boire du petit-lait…
Il est clair que l’équipe en place à Bagdad a des problèmes : avec les sunnites d’abord, dont les ministres ont déserté en bloc, jugeant qu’on en faisait trop pour le camp adverse ; avec une large portion de la majorité chiite, qui trouve qu’on n’en fait pas assez pour les siens ; avec les minorités, abandonnées à leur triste sort ; avec l’Administration Bush enfin, harcelée par la majorité démocrate au Congrès, confrontée à l’impatience grandissante de l’opinion publique et à l’incapacité des généraux à trouver une parade militaire et sécuritaire à un chaos qui se transforme lentement, à coups d’attentats sanglants, en véritable guerre civile, prélude à une épuration ethnique qui hésite encore à dire son nom. Tandis qu’à l’horizon de novembre 2008 se profile l’ombre de l’échec électoral alors que Karl Rove promettait, il n’y a pas longtemps, au Grand Old Party la gloire assurée pour les cinquante années à venir. Autant de problèmes qui expliqueraient en partie, sans les justifier pour autant, les incohérences de tout ce beau monde, militaires autant que politiques, embarqué inconsidérément dans une aventure qui s’éternise depuis cinquante-trois mois.
Dans trois semaines, l’ambassadeur US Ryan Crocker et le général David Petraeus devront présenter un rapport d’évaluation de la nouvelle stratégie inaugurée avec l’envoi de nouveaux renforts, une mesure dont l’efficacité s’est révélée pour le moins douteuse, malgré des propos résolument optimistes démentis par les faits. Hier même, quatorze marines de la Task Force Lightning périssaient dans la chute – accidentelle, s’est-on empressé de préciser – de leur hélicoptère UH-60 Blackhawk. Presque au même moment, un camion explosait à Baiji, faisant une vingtaine de tués et 80 blessés et le chef de la police de Tikrit était abattu devant son domicile. Désormais, chaque jour qui passe apporte son lot de victimes, dont le nombre ne baisse pas, malgré les efforts de « pacification » entrepris par l’occupant.
Plus grave pour la Maison-Blanche : les pressions pour amener le gouvernement irakien à se détourner de l’Iran et de la Syrie n’ont fait qu’accélérer le rapprochement. Une série d’accords, essentiellement pétroliers, ont été signés à la faveur de la visite de trois jours de Maliki, dont le plus important porte sur la réouverture du pipeline Kirkouk-Banias, fermé depuis mars 2003. Les effets de la réconciliation entre les deux pays, farouches ennemis durant vingt-six interminables années, sont tels qu’il y a peu, Damas abritait une conférence des pays limitrophes de l’Irak – à l’exception notable de l’Arabie saoudite – dont les participants avaient été unanimes à apporter leur soutien inconditionnel au pouvoir central, ce qui n’a pas manqué d’indisposer les Américains. L’Iranien Mahmoud Ahmadinejad de son côté est attendu à Bagdad, à une date indéterminée, ce qui parachèvera la normalisation entre les trois pays, mais aussi la concrétisation d’un nouveau front appelé à donner des ulcères à Washington.
Conscient sans doute du danger qui s’annonce, George W. Bush s’est empressé hier, dans son discours de Kansas City devant d’anciens combattants, d’apporter de nouveau sa caution à son protégé irakien, après avoir donné l’impression de la lui retirer. Le faux pas aura été représenté par l’inopportun parallèle établi avec la guerre du Vietnam et son cortège de malheurs qui ont accompagné le retrait précipité des GI. Sans doute convenait-il dans l’esprit du chef de l’Exécutif de justifier le maintien de ses troupes par la nécessité de préserver la crédibilité des USA.
Mais un rappel de la mise en garde, formulée en 1994 (!), contre un enlisement en terre mésopotamienne aurait été mieux venu. Son auteur ? Un certain Dick Cheney…
Christian MERVILLE
Incorrigibles Irakiens ! On leur avait demandé de transmettre à Damas un message ferme, lui enjoignant d’arrêter l’exportation d’extrémistes sur les bords de l’Euphrate. Au lieu de quoi les voici qui s’en prennent à leurs protecteurs américains, accourus à leur rescousse en mars 2003 pour les débarrasser d’un tyran sanguinaire et leur permettre de jouir des bienfaits de la...
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