Actualités - ANALYSE
Présidentielle Pour commencer, une double quête de critères
le 14 août 2007 à 00h00
On en a un peu le vertige, le tournis. C’est la valse des chaises musicales, ce jeu impitoyable de sélection. Ou plutôt de présélection. Et même de pré-présélection. Car aujourd’hui, poussant le raffinement un peu trop loin, les protagonistes discutent des critères qu’il faut retenir… Pour établir les critères de la présidentielle. Tant pour ce qui est des modalités du scrutin que pour le profil des candidats. Voire du candidat dit de consensus. Un soi-disant élu, qui serait désigné d’avance. Nécessité oblige.
Car l’enjeu dramatique, c’est le vide institutionnel. Nabih Berry s’en affirme extrêmement conscient. Mais tout en rejoignant la majorité sur cet impératif, il estime que la priorité, pour absolue qu’elle paraisse, ne constitue quand même pas un cas de force majeure autorisant de passer outre aux règles, aux us et coutumes en vigueur. Dans ce sens qu’à son avis, l’élection ne peut se faire sans un quorum des deux tiers. Alors que pour certains loyalistes, une fois que la Chambre s’est légalement réunie par la présence de la moitié de ses membres, (art. 34 C) et une fois le premier tour passé sans élection aux deux tiers, il suffit ensuite de la majorité absolue pour désigner un président (art. 49 C).
Ce n’est pas le seul bémol. En effet, Berry souligne qu’il est indispensable de retenir un président de consensus. Mais encore faut-il qu’il y ait consensus sur la signification pratique du mot consensus ! Car, pour les majoritaires, il ne faut pas confondre, comme il serait trop facile de le faire, entre impartialité et neutralité. C’est-à-dire qu’à leurs yeux, si un chef de l’État devait rester au-dessus de la mêlée, n’appartenir à aucun camp, il ne saurait absolument pas être neutre en termes de constantes nationales et d’indépendance. En d’autres termes, pour dire les choses comme elles sont, il ne saurait complaire à la Syrie ou à l’Iran. Ce que, plus ou moins ouvertement selon les formations, l’opposition réclame.
Profil
Pour en revenir aux critères ordinaires, les politiciens les résument dans les musts suivants : le prochain président doit être d’une moralité élevée. Il ne doit pas avoir à rougir de son passé, politique s’entend. Il ne doit pas avoir des attaches extérieures trop prononcées ni être notoirement sous influence étrangère. Il doit être équidistant des protagonistes locaux. Sa personnalité doit être forte. Assez en tout cas pour amener les camps antagonistes à se réconcilier, à se rassembler autour d’un programme commun.
À bride abattue
Quoi qu’il en soit, Berry confirme par ses déclarations qu’il va agir, sans doute après l’Assomption, pour paver la voie à une présidentielle normale, dans les délais légaux. Sa démarche ciblerait d’abord Bkerké, en avant-première d’une tournée politique générale. Non pas des visites, sans doute, mais des entretiens chez lui ou par téléphone, comme par émissaires interposés. Il va donc consulter, proposer et synthétiser tous azimuts. Et il pourrait publier ses conclusions lors de la commémoration annuelle, le 31 août, de la disparition de l’imam Moussa Sadr.
Il reste que Berry, on ne le sait que trop d’ailleurs, n’est pas que président de la Chambre. Il demeure l’un des piliers de l’opposition. À ce titre, il doit également se concerter avec le Hezbollah et avec Aoun sur la conduite à tenir en ce qui concerne la présidentielle. Le leader du CPL se déclare ouvertement candidat. Nombre d’opposants l’appuient. Mais sur le plan officiel, pas encore le front d’ensemble.
Berry doit en outre aborder avec ses partenaires la question du gouvernement. Là, il pourrait y avoir des frictions. Car on sait que le Hezb et Aoun militent toujours pour qu’un cabinet d’union soit mis en place avant l’échéance présidentielle. Avis que le leader d’Amal ne partage pas vraiment. Cependant, il n’exclurait pas que l’on recherche la simultanéité, que l’on discute en même temps du président et du gouvernement.
La majorité
De leur côté, les piliers de la majorité vont également se concerter pour unifier leurs positions concernant la présidentielle. À ce jour, deux tendances prévalent. Les uns veulent un président nationaliste, qu’il soit ou non considéré comme un défi par le camp d’en face. Les autres souhaitent un président de consensus. Il n’est pas exclu que les deux options soient gardées ouvertes, en concurrence, l’une ou l’autre devant être retenue à la lumière des tractations avec le vis-à-vis.
Pour le moment, les loyalistes font face aux offensives des minoritaires. Au sujet du quorum des deux tiers, que la plupart d’entre eux défendent (dans la foulée des prescriptions de Bkerké), ils soulignent qu’il ne s’agit pas là d’un ralliement aux thèses des opposants, comme le prétendent ces derniers. Ni d’un aveu de défaite politique. Mais, bien au contraire, d’un renforcement de la défense de la priorité qui consiste à parer autant le vide institutionnel que la marginalisation de la présidence. En indiquant que leur vote se portera naturellement sur le candidat de la majorité et non sur le candidat de l’opposition. Ce qui est le cas pour les Tripolitains, dont le ministre Mohammad Safadi qui, lorsqu’il a pris parti pour le quorum des deux tiers, a souligné que son groupe et lui restent au cœur même du 14 Mars.
L’idéal
Last but not least : tout le monde est conscient que, comme toujours au Liban, la présidentielle est en grande partie fonction des rapports de force extérieurs. Des interventions, des recommandations, des conseils, des consignes des uns ou des autres. On le voit à travers les déclarations de Amr Moussa, de Bernard Kouchner, comme à travers les toutes récentes prises de position du couple présidentiel Bush-Sarkozy. En fait, pour que l’on soit absolument sûr que tout va bien se passer, il faudrait qu’il y ait un arrangement, secret ou non, entre la Syrie, l’Iran, les États-Unis, la France, l’Europe, l’Égypte et l’Arabie saoudite. Dont le ministre des Affaires étrangères, l’émir Saoud el-Fayçal, soutenu sur place par l’ambassadeur Khoja, traite le dossier de la présidentielle libanaise à travers des contacts multiples avec les capitales concernées.
Philippe ABI-AKL
On en a un peu le vertige, le tournis. C’est la valse des chaises musicales, ce jeu impitoyable de sélection. Ou plutôt de présélection. Et même de pré-présélection. Car aujourd’hui, poussant le raffinement un peu trop loin, les protagonistes discutent des critères qu’il faut retenir… Pour établir les critères de la présidentielle. Tant pour ce qui est des modalités du...
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