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Actualités - OPINION

Pour la présidentielle, un cahier des charges qui dépasse le cadre réducteur local

Les circonstances politiques qui ont accompagné la première indépendance en 1943 étaient complexes. Sur le plan du monde arabe, on assistait à un élan d’enthousiasme qui luttait pour le retrait des troupes étrangères qui avaient succédé à l’Empire ottoman. Un vent de liberté soufflait de partout. Sur le plan international, les alliés qui luttaient contre l’ambition hitlérienne étaient incapables de refuser aux peuples du tiers monde ce qu’ils revendiquaient pour eux-mêmes en Occident. Face à la volonté du monde arabe de retrouver son identité culturelle, politique et nationale, Béchara el-Khoury, à partir de sa position chrétienne, luttait contre le mandat français et prônait un Liban « à tendance arabisante ». En 1945, il franchit le pas vers l’intégration de son pays dans le monde arabe. Le Liban « à tendance occidentale » devenait membre fondateur de la Ligue arabe. En 1952, quatre ans après le drame palestinien qui avait profondément traumatisé les sociétés ainsi que les nouveaux régimes indépendants de la région, Camille Chamoun, à partir de sa position chrétienne, annonçait son adhésion à la cause palestinienne et promettait de la défendre auprès des instances internationales. Le vent de la lutte contre l’État d’Israël soufflait de partout. Le chrétien libanais épousait la cause des Arabes. En 1958, deux ans après la guerre menée par l’Occident contre Abdel Nasser, Fouad Chéhab, à partir de sa position chrétienne, établit une alliance avec le « raïs » égyptien, assurant à son pays une stabilité sécuritaire et économique permettant de jeter les bases d’un État moderne. En 1970, trois ans après la défaite de la guerre des Six-Jours, et deux ans après la chute du chéhabisme pendant les élections de 1968 (Helf contre Nahj), Sleimane Frangié, à partir de sa position chrétienne, annonçait presque le désengagement de son pays des méandres du conflit israélo-arabe. Il réduisit ses ambitions à la simple gestion de l’État, se démarquant ainsi de la ligne de ses prédécesseurs. La montée de la résistance palestinienne, basée surtout au Liban et soutenue par une partie des Libanais, suscitait des appréhensions chez les chrétiens. Ces derniers, comme l’autruche, pensaient pouvoir échapper aux grands tournants de l’histoire. Cette attitude nous a coûté cher ! En 1982, Béchir Gemayel, à partir de sa position chrétienne, a posé sa candidature à la présidence sur base d’un cahier des charges à caractère régional et international visant à conclure une paix avec Israël après la paix séparée conclue en 1978 par le plus grand pays sunnite, l’Égypte. Mais Béchir Gemayel n’a pas eu le temps de remplir les conditions de ce cahier des charges régional et international. Comme conséquence, les chrétiens ont été écartés de la scène politique. Cela a conduit à la mainmise syrienne durant laquelle la réduction des ambitions de nos présidents était claire. On leur demandait simplement de subir une politique menée par le régime alaouite de Damas. L’échéance présidentielle actuelle semble se formuler dans des conditions désastreuses. Les chrétiens ne semblent pas saisir la gravité de la situation. Certes, leur malaise est dû à une situation complexe dont ils n’arrivent pas à saisir la portée et qu’ils ne parviennent pas, parfois, à conceptualiser en termes politiques. D’où l’émergence d’un populisme des plus mesquins et le recours à des formules magiques avancées par certains politiciens, sans pour autant que cela remédie au sentiment de peur ressenti par les chrétiens. Qui aurait imaginé qu’après le retrait des troupes syriennes, le retour des symboles de guerre chrétiens, l’adhésion de la majorité des musulmans à l’idée d’un Liban unifié, les chrétiens seraient, malgré tout, porteurs de sentiments d’appréhension et de malaise qui n’existaient pas, même pendant les années noires de la mainmise syrienne. Ce serait une erreur d’aborder l’échéance présidentielle sans tenir compte de la situation politique générale. Il ne s’agit pas là d’élections municipales où les familles, pour des raisons d’ordre social et non politique, se livrent bataille. L’élection présidentielle ne peut plus se concevoir sur base d’un cahier des charges purement interne, par essence réducteur et politicien. L’enjeu est tout autre et doit se poser à un niveau international. L’enjeu est de savoir ce que le futur président aura à proposer au monde qui nous entoure. Les chrétiens sont tous invités sur ce plan, sans exception aucune, à réfléchir aux points suivants : - Nous allons élire le seul président chrétien du monde arabe ; or ce monde arabe est en crise avec l’Occident. Quel serait le discours que ce président adresserait au monde arabe qui cherche à atténuer le sentiment d’islamophobie qui existe aujourd’hui en Occident ? Pourrait-il s’engager dans cette bataille afin de prouver que l’islam, expérience à l’appui, serait capable de se présenter comme une civilisation constructive ? Est-ce qu’il devrait le faire gratuitement ? Quels seraient les bénéfices de son engagement ? - Pourrait-il proposer à l’Occident réfractaire à l’islam une nouvelle voie qui le mènerait sur le chemin de la réconciliation avec le monde musulman ? - Serait-il capable de s’associer avec la tendance modérée des deux branches de l’islam ? - Serait-il un vecteur de modernité aussi bien pour son pays que pour son environnement ? Les décideurs politiques de tous les coins du monde attendent de nos candidats des réponses à ces questions. Il serait temps de comprendre que les batailles politiques ne sont plus menées sur base de bilans strictement locaux. Seules les visions d’avenir seraient capables de nous remettre sur orbite. Farès SOUHAID Ancien député



Les circonstances politiques qui ont accompagné la première indépendance en 1943 étaient complexes. Sur le plan du monde arabe, on assistait à un élan d’enthousiasme qui luttait pour le retrait des troupes étrangères qui avaient succédé à l’Empire ottoman. Un vent de liberté soufflait de partout.
Sur le plan international, les alliés qui luttaient contre...