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CORRESPONDANCE Le tablier de cuisine américain au musée Noué autour de son passé féminin WASHINGTON- Irène MOSALLI

Relégué la plupart du temps à la cuisine et associé aussi bien aux travaux manuels (du cordonnier, du boucher, du pâtissier, du menuisier, etc.) qu’à des concepts guerriers ou philosophiques (Légion étrangère ou franc-maçonnerie), le tablier se voit soudain devenir objet de célébration et se retrouve sur les cimaises des musées américains. Ainsi, une exposition intitulée « Le tablier : noué autour du passé » et axé sur sa symbolique féminine est en train de tourner au pays de l’Oncle Sam. Elle donne à voir 150 spécimens qui retracent son évolution, depuis sa fonction utilitaire jusqu’à sa récupération par la mode. Ceci dans le but d’évaluer la métamorphose de son rôle domestique en emblème mythique de la femme au foyer, notamment illustré par l’image de Betty Crocker (personnage fictif incarnant la ménagère américaine de l’entre-deux-guerres). Il est d’abord précisé aux visiteurs que « Apron » (tablier en anglais) est dérivé du mot français napperon, impliquant son côté protection. L’exposition est divisée en plusieurs sections ayant respectivement trait à son contexte historique, son usage, son message culturel, sa stratégie ornementale et son intégration à l’artisanat et à l’art folklorique. Mais on peut remonter encore plus loin. Dans l’Antiquité, les déesses grecques de la fécondité arboraient le tablier, de même que les prêtres assyriens et les dirigeants égyptiens dont les leurs étaient incrustés de pierres précieuses. En Europe occidentale, il apparaît au XIIIe siècle chez les corps de métier. Les femmes l’employaient pour les tâches domestiques.  Nettoyer la politique Au cours des siècles qui suivent, on commence à l’embellir, particulièrement aux États-Unis où il devient la fierté de la femme et un indice de son statut social. Au début du XXe siècle, et dans le cadre d’une économie florissante, on a vu naître un mouvement féministe appelé « social housekeeping » dont les membres se proposaient de rendre leur tablier du foyer et d’en nouer un autre destiné à nettoyer la politique, source de tant de problèmes sociaux. Durant la Grande Dépression, l’humeur est moins insouciante : on se serre la ceinture, on occulte la fioriture et les revendications et l’on opte pour le profil bas, le robuste et le solide. Passée cette phase, on retrouve les beaux jours, et les années 50 marquent la « légitimation » (autrement dit la glorification new-look du travail de maison) avec la popularisation de l’électroménager et des produits alimentaires prépréparés. Les femmes prennent ainsi le temps de se coudre de beaux tabliers et des tabliers pour toutes les occasions : le Barbecue apron, le Thanksgiving apron, le Christmas apron et autre Tea apron et Tupperwear apron. En bref, la fête du tablier ! Notamment célébrée sur le petit écran par l’inénarrable Lucy Show. À son tour, le monde du show-biz sera contaminé par cet accessoire devenu d’apparat. Les « girls » des spectacles de Broadway couvriront leur nudité par un coquin et affriolant tablier de soubrette pour exhiber leurs jolies formes et interpréter des danses du ballet, à faire rêver les femmes au foyer.
Relégué la plupart du temps à la cuisine et associé aussi bien aux travaux manuels (du cordonnier, du boucher, du pâtissier, du menuisier, etc.) qu’à des concepts guerriers ou philosophiques (Légion étrangère ou franc-maçonnerie), le tablier se voit soudain devenir objet de célébration et se retrouve sur les cimaises des musées américains. Ainsi, une exposition...