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La dépénalisation de l’IVG a été approuvée cette année par référendum Pour ou contre l’avortement : comment la société portugaise a évolué LISBONNE - D’Antoine AJOURY

Même les murs ont participé à la campagne qui a eu lieu cette année entre les pro et antiavortement au Portugal. Neuf ans après leur « non » lors d’une première consultation populaire sur la dépénalisation de l’avortement, les Portugais ont finalement changé d’avis et accepté, lors d’un référendum tenu au début de l’année 2007, d’accorder à la femme le droit de décider elle-même d’interrompre une grossesse non désirée. Signe que la société portugaise a bien évolué en moins de dix ans. En février 2007, les électeurs portugais étaient appelés à répondre à la question suivante : « Êtes-vous d’accord avec la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) si elle est réalisée, à la demande de la femme, dans les dix premières semaines de grossesse, dans un établissement de santé légalement autorisé ? » En 1998, lors d’un référendum similaire, le « non » l’avait emporté de justesse avec 50,07 %, sur fond d’une très forte abstention de l’ordre de 68 %, laissant le Portugal, un pays qui se dit catholique à 90 %, parmi les cinq derniers États de l’Union européenne (avec la Pologne, l’Irlande, Chypre et Malte) à considérer l’avortement comme un crime. Neuf ans plus tard, les Portugais se sont exprimés, à plus de 59,3 %, en faveur du droit de la femme d’interrompre volontairement sa grossesse selon les conditions proposées par le référendum qui a eu lieu le dimanche 11 février 2007. Le scrutin a toutefois été marqué par une abstention significative de 54 % des 8,7 millions d’électeurs. La participation n’ayant pas atteint le seuil des 50 % requis pour que le résultat soit contraignant, la nouvelle loi a dû être approuvée ultérieurement par voie parlementaire en mars 2007. La réglementation de la nouvelle législation a été publiée officiellement et elle est entrée en vigueur le 15 juillet dernier. Jusqu’à récemment, donc, l’ancienne loi portugaise, une des plus restrictives d’Europe, prévoyait des peines pouvant aller jusqu’à trois ans de prison pour les femmes qui pratiqueraient une IVG, sauf en cas de viol, de danger pour la vie de la mère ou de malformation du fœtus. Depuis l’échec du premier référendum en 1998, une trentaine de femmes ont été jugées lors de procès retentissants et une quinzaine condamnées à des peines de prison. Des décisions qui avaient provoqué l’ire des associations féministes et des droits de l’homme. Conséquence d’une telle loi restrictive, les hôpitaux portugais ne pratiquaient que quelques centaines d’interruptions thérapeutiques par an. Quant aux avortements clandestins, la plupart étant réalisés par des non-professionnels, « l’International Planned Parenthood Federation » (IPPF) les évaluait à 20 000 par an. Quelques milliers de femmes finissaient à l’hôpital pour cause de complications, certaines en mouraient. Toutefois, les femmes qui pouvaient se le payer échappaient à cette législation restrictive en faisant le voyage en Espagne, en Hollande ou en Angleterre pour interrompre leur grossesse non désirée. Selon des données publiées par des cliniques espagnoles, environ 9 000 femmes portugaises ont passé la frontière pour avorter en Espagne ces six dernières années. La dépénalisation de l’avortement a donc fait l’objet d’un débat passionné au Portugal. Sur le terrain, la campagne a été menée par les partis de gauche soutenus par plusieurs mouvements de citoyens, d’une part, et par des partis de droite appuyés par une douzaine d’organisations fortement inspirés par l’Église catholique, d’autre part. Les rues des grandes villes portugaises ont été noyées sous les affiches appelant les électeurs à voter « oui » ou « non » lors du référendum. Des graffitis et des caricatures sont également apparus, mettant en dérision les arguments de l’un ou l’autre camp. En outre, des conférences ont eu lieu, impliquant des spécialistes, psychologues, médecins, assistantes sociales, prêtres, etc, pour défendre le « oui » ou le « non », tout en déconstruisant les argumentations adverses. Avec la victoire du « oui », il paraît évident que les jeunes d’aujourd’hui, qui n’ont pas voté en 1998, semblent plus libéralisés que leurs parents, encore très façonnés par la religion catholique. Ils commencent à avoir une vision différente des mœurs. Ainsi, selon de nombreuses statistiques, la génération actuelle, plus urbaine et mieux instruite, se marie de moins en moins à l’Église, alors que le nombre d’enfants nés hors mariage augmente. Mais, loin des polémiques, des jugements de valeur ou des discours idéologiques sur le « droit sacré à la vie », plusieurs experts estiment que le « oui » sur le référendum visait surtout la nécessité d’en finir avec une loi qui faisait des femmes des criminelles.
Même les murs ont participé à la campagne qui a eu lieu cette année entre les pro et antiavortement au Portugal. Neuf ans après leur « non » lors d’une première consultation populaire sur la dépénalisation de l’avortement, les Portugais ont finalement changé d’avis et accepté, lors d’un référendum tenu au début de l’année 2007, d’accorder à la femme le...